• Sculptures de pierre

    Roland Mousquès

    Vialas (Cévennes)

    Crédit photo anthropia # blog

     

     

     

    Un karma de cet acabit, je crois que je n’en avais pas vu depuis 1993 ou quelque chose comme ça. Dans la famille « mauvais karma », je demande La chute d'une jambe dans un trou de rue en travaux d’un petit village de vacances. M’a fallu quand-même cinq jours pour m’aviser que le truc évoluant lentement, nécessaire d’aller faire une radio, résultat, rien, pas de cassure, pas de fêlure, pas de foulure, juste un vieil hématome tellement bien planqué que pas de bleus, juste enflé. Pas si mauvais que ça donc, mon karma.

    Ça m’amène à aborder cette notion. D’abord, parce que le « karma » a pris dans la langue de tous les jours la valeur de ce qui nous arrive, pas celle de nos actes passés. Or, il s’agit d’un cycle de causes et de conséquences, en bons occidentaux, on a oublié les causes dont nous serions à l’origine. Mais de toutes façons, je ne crois pas à la réincarnation et donc pas à une sorte de passif que j’aurais suscité dans une vie antérieure et qui me retomberait dessus dans la vie actuelle, je retire donc le mot « karma » qui n'est pas approprié.

    Le mot à retenir serait plutôt celui de « distraction », qui détourne de la réalité quant la vie psychique est un peu trop intense, une sorte d’absence à soi-même qui empêche d’être vigilant, de réagir à temps, comme ici le dérapage sur une planche de bois lisse qui m’a fait coincer la jambe dans un trou de la rue. Je rêvais, n’avais pas vu. A quoi pensais-je ? Dans quel trou métaphorique avais-je laissé ma pensée se perdre ? Dans ces tranchées où le numérique va pouvoir étaler son haut débit, dans ces canaux où l’on va enterrer l’électricité, c’est-à-dire qu’on va cacher les pylônes, fils électriques et autre installations qui semblaient à mes yeux d’enfant l’indispensable corolaire au trottoir, la double rampe de la rue, ben non, c’est fini ça, il ne suffit plus d’éclairer, faut encore créer l’effet d’une lumière née d’on ne sait où, la technologie doit se dissimuler, mais ma jambe, qu’avait-elle à faire d’aller la rejoindre ?

     Alors « tomber dans un trou », on le sait depuis les lapsus et autres jeux de mots de Freud, c’est pas rien, ça s’appelle un passage à l’acte. Ce qui a été bizarre dans mon cas, c’est que je n’ai pas perdu l’équilibre, ai marché, suis tombée tout droit dedans m’y enfonçant debout, le sol se dérobant sous mes pas au sens propre, tout à coup, la terre était trente centimètres plus bas, on n’était plus sur le même là, un double niveau à marcher.

    Peut-être ça, la métaphore, cet apprentissage des deux plans de réel dans la vie et dans la tête, dans la ville et dans l’écriture, vécus simultanément, sans rien se casser, apprendre cette souplesse.  Ne pas prendre ça pour une bruxellisation de la ville, une maladie virale qui gagnerait l’habitat intérieur, mais pour son cycle normal, travaux, restauration, rénovation, embellissement, chaos, harmonie.

    Le risque sinon, c’est de faire la liste des Mali de l’année, c’est assez un record en 2014, qui dépasse allégrement le trois du « jamais deux sans.. ». Y aurait de quoi s’interroger.

    Heureusement que j’ai décidé en janvier de la couper en quatre quartiers cette croisière inconnue, façon de la voir s’amuser un peu, après des débuts qui ne tenaient pas leurs promesses. Et je confirme, la visibilité est assez floue, la réalité charriant son lot de bonnes et de mauvaises surprises. L'impression d'un compliqué joyeux de vie avec les autres, de désordre enrichi, de plus on est de fous, plus on rit, qu'il faut prendre la vie comme elle vient bizarrement, sans trop se prendre la tête. Et retrouve mes deux pieds bien plantés dans le sol pour écrire.

    Et de ça, qui, pour désespérer ?

     

     


     



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  • Sculpture de pierre

    Roland Mousquès

    Viala, Cévennes

     

     

     

    Samedi

    Hier Alain me demande, entre la poire et le fromage, crois-tu qu’on vivrait mieux si on ignorait qu’on est mortel, j’avais lu plus tôt dans l’après-midi un tweet de Medicalskeptic, une phrase du Dalaï Lama,

     

    Et lui réponds, un peu provo, n’est-ce pas déjà ce qu’on fait, vivre comme si on ne devait jamais mourir. Me regarde d’un air surpris et vaguement content de la réponse. M’imagine qu’il se réjouit de ce répit soudain accordé, l’idée qu’on, que lui, vit à crédit, la grande joie, la légèreté même si au fond, tout au fond, on le sait qu’elle nous guette.

    Et j’ajoute, savoir la mort aux trousses, ça pousse à vivre, non, il rit, ça lui rappelle le vieil Hitchcock et cette scène de l’avion qui poursuit l’homme dans la plaine, il enchaîne, c’est ce qui donne le sel au voyage, qui donne envie d’accélérer.

    Et je m’entends répondre, ou bien de ralentir, d’installer une longue plage de présent.

    Et Alain se contente de répéter la fin de la phrase, et me vois, étendue au bord de la mer, un léger vent me donnant la chair de poule.

     



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    Ce matin, suis allée au seul magasin ouvert, mon supermarché ordinaire, et en sortant, vu Mina, ma copine rom, en train d’installer sa cuvette pleine de brins de muguet, pas de chance, j’avais épuisé mon argent, et lui ai souri en retournant mes poches.

    Et là, m’a offert ce bouquet en disant « Moi pas oublie toi ».

    Moi, non plus, Mina, « pas oublie toi ».

     

     

     

     



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