• A poil, les philosophes

    Photo d'Art Shay

    Nu de Simone de Beauvoir

    publié en page intérieure du Nouvel Obs

     


    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

     

    J'ai longtemps pensé qu'il fallait chercher du côté de la vie des philosophes pour se faire une idée de leurs idées ou théories. Tel philosophe qui largue sa grande famille, Rousseau, (l'un des inspirateurs de la Révolution française), tel autre qui ne se marie jamais, Kierkegaard, préférant rêver à l'impossible fiancée que de vivre les affres du quotidien avec elle (cela dit ils sont nombreux les philosophes en mal d'âme sœur, certains ont d'ailleurs cherché l'âme frère), tel autre enfin, vivant au fil des années, col blanc ouvert au risque de l'angine de poitrine, vivons dangereusement, je ne le cite pas, tout le monde aura deviné.



    Puis je me suis fait une raison, j'ai compris que les philosophes écrivent des livres à partir de leurs problématiques, ce que je ne suis pas, je l'écris, ce que je voudrais être, faire, je le dépeins comme ma norme ou ma quête. D'autant plus cartésien qu'on est à l'Ouest ou en Hollande, d'autant plus fidèle qu'on apparaît volage, d'autant plus existentialiste qu'on n'a pas fait de la résistance pendant la guerre 39-45.



    Avec les temps modernes, si j'ose dire, l'écrit est passé à l'oral de la rue, dans l'engagement, les philosophes ont revendiqué une parole opérationnelle (performative, dirait Jakobson), non seulement penser mais agir, non seulement agir, mais œuvrer pour les masses populaires, les pauvres et les fous. L'existentialisme est un humanisme comme on disait à l'époque. Depuis je me demande. D'où une époque, les années 70, durant laquelle on regardait les philosophes autant qu'on les lisait, ils constituaient des modèles de vie.




    Et puis vinrent les années 2000, les théoriciennes du féminisme nous racontent qu'elles ont tapiné et que c'est bon pour la libération de la femelle, celles de l'art contemporain qu'elles ont fuqué partout où le regard se pose et que la chair est triste,  et Simone est à poil dans le Nouvel Obs.



    Moi bêtement, je regarde la photo et je me dis, elle est belle, même celle de l'intérieur je veux dire, (la couv' a été retouchée), je ne vois que ça, oui le nu en noir et blanc de Simone de Beauvoir est beau. Cinquante ans après, même l'enrobé des fesses résiste au risible, elle est pulpeuse, cette femme-là. J'examine vaguement mon état intérieur après la lecture brûlante de King Kong Théorie, je me tâte imaginant les possibles dévastations de Judith Butler sur mon esprit, j'y repense à deux fois en lisant les commentaires INDIGNES, puis EN COLERE, puis APOPLECTIQUES de mes sites favoris ou des associations féministes que je consulte en ligne et finalement je décide que non décidément non, l'assassin n'est pas le jardinier, ni le Nouvel Obs.


    Peut-être, et je dois l'avouer, suis-je influencée par quelques djeuns qui traînent autour de moi, des artistes, des étudiants, et qui pour la première fois ont acheté le Nouvel Obs. Oui, pour la première fois, ce News de Vieux, ils l'ont acheté, pour cause de philosophe à poil. Parce que c'est marrant ça, une tête à cul, une sexy vieille dame indigne, où va-t-on, la confusion Madame, on ne sait plus qui est qui. Ils l'ont acheté parce qu'elle semble mettre du cœur à l'ouvrage, cette coquine nue sur talons aiguilles, qui guette du coin de l'œil le flash du photographe, que fera-t-il de la photo, elle ne la récupère pas, elle s'en amuse.



    Et puis s'il y a bien une femme qui méritait ça, c'est bien elle, non ? La femme qui refilait ses petites copines à son mec, la femme à hommes qui s'est tappée toute la rédaction des TM, la tombeuse, celle qui a mis sa vie sexuelle et sociale au-dessus d'une pseudo-vie familiale. Et qu'on ne misérabilise pas sur les enfants qu'elle n'a pas eus. Esprit de sacrifice ? Non, elle a bien compris, Simone, que depuis toujours pour les femmes, la maternité, c'est la mise en risque de la liberté, ou alors elles mettent le bébé aux objets trouvés, et ils pourraient s'enrhumer.




    Si Simone est à poil dans le Nouvel Obs, c'est non seulement parce qu'elle le vaut bien, c'est parce que l'époque veut ça, c'est l'influence de l'égo-philosophie, «se mettre à poil» au sens propre comme au figuré. Les philosophes se mettent à poil, de multiples façons. Michel Onfray nous renseigne sur les plaisirs sadiques de ses éducateurs. Finkelkraut nous fait partager ses crises de parano aigues et on l'aime quand-même, on lui pardonne comme à un pauvre vieil enfant traumatisé pour tous les moments d'intense passion de comprendre dont il nous grise le samedi matin. On ne parlera pas des grands coureurs, grands sauteurs de la place parisienne, que la compulsion a conduit à hautement consommer, mais franchement qui ira le leur reprocher dans la génération post-pillule et early sida, surtout pas moi qui ai contribué à leur palmarès. En revanche, on attend toujours les théories qui expliqueront comment le cerveau d'un penseur est irrigué par son sex-appeal. La KK théorie de Virgine D. a créé le porno-choc pré-philosophique, une sorte de montée libidinale avant que les idées n'adviennent, une initiation intellectuelle par le sexe en quelque sorte, comme on reboute un ordinateur, l'introduction du logiciel pour faire fonctionner la machine, mais le livre se lit avec plaisir, rafraîchissant les idées tout en leur donnant une allure actuelle.



    <o:p> </o:p>

    La post-modernité met le corps en avant, comme Simone prônait la vérité à tous prix. Le corps à la vue de tous est un peu cette vérité plus vraie que les mots, l'irréductible d'un être, son image extérieure la plus authentique. Après l'ère du soupçon, je ne dis pas ce que je pense, je ne pense pas ce que je dis, se montrer à poil c'est montrer sa vie, l'exercice physique qu'on fait ou pas, le régime draconien qu'on impose à son réfrigérateur. C'est en tout cas l'utopie contemporaine, le corps comme performance de soi, plus fort qu'une philosophie.



    Alors faut-il s'émouvoir de ce qu'on montre UNE philosophe à poil ? Sans doute que peu d'hommes supporteraient l'exercice, façon Polnareff, encore que Raphaël Enthoven, Michel Onfray, BHL, Derrida en son temps et quelques autres soient de beaux mecs. On a bien vu un Président en slip de bain dans son kayak, rien n'est impossible. Et cela pourrait bien venir plus vite qu'on imagine, les hommes commencent à s'émanciper, cela ne saurait tarder. Gageons que ce sera le prochain scandale du Nouvel Obs, quand il faudra faire découvrir à la prochaine génération ce News magazine qui décape dans tous les sens du terme.







     

     


  • Commentaires

    1
    Thierry
    Lundi 14 Janvier 2008 à 19:21
    Humanité à tête de cul
    Je vous remercie d'aborder ce sujet. Il me faudrait un minimum de 600 pages pour exprimer mon opinion sur les thèmes traités. Sur la photo: Je ne suis pas "scandalisé": on voit du cul à chaque yaourt, et n'aurais rien trouvé à redire si cette photo avait été publié avec son accord. Le problème pour moi n'est pas dans le cul de Simone mais dans la réduction facile de l'oeuvre de Mme de Beauvoir par sa soi disant "vérité corporelle", faute d'accepter de nous poser en sujets de sa pensée, nous la faisons objet par ce corps. A quand Sartre en porte chaussettes clope au bec se grattant les couilles ? Pour quand la litho montrant Martin Luther découvrant la prédestination sur son trône , Socrate se tapant un éphèbe , Le petit Marcel pratiquant l'onanisme ? Y aurait il eut un Mozart s'il n'avait eut que des valets de chambre pour juges ? Le corps porte ses vérités, certes mais aussi ses mensonges. Nous sommes génétiquement programmés à chercher un corps qui convienne à notre reproduction. Le ratio idéal hanche/bassin(fécondité), taille des mamelles(allaitement), bonne proportion de graisse aux fesses(indicateur de santé), grain de peau, odeur corporelles(capacité de résistances aux bactéries complémentaires ou non on recherchera un(e) partenaire qui n'a pas le système immunitaire de façon à se compléter génétiquement, avec évidemment exclusion des "tares"...chez la femme, ratio épaules/torse indicateur de la musculature, de bonne santé, taille, voix grave, pilosité, indicateur du taux de testostèrone, odeur corporelle et grain de peau...chez l'homme. Outre le fait des fluides et que nous pourissons progressivement voilà les seules "vérités corporelles". Bien sûr elles sont fausses ainsi une femme au ratio bassin/hanches parfait peut ne pas être fertile et inversement. Un marathonien n'aura jamais de larges épaules mais n'en sera pas moins viril pour autant et inversement. Une des grandes injustice de cette sélection génétique inconsciente: les hommes vieux beaux encore en vie sont séduisants car leur patrimoine génétique a tenu l'épreuve du temps(illusion à l'époque de la médecine toute puissante), la femme plus agée est beaucoup moins génétiquement séduisante car statistiquement moins féconde. Et inversement l'adolescent sera moins attirant, la jeune fille beaucoup plus. Ces critères ont variés avec le temps mais toujours dans un but inconscient de procréation ainsi jadis les "suralimentées" étaient belles car plus fécondes que les "sous alimentées", aujourd'hui les "suralimentées" sont délaissées pour les "correctement alimentées supposées avoir un patrimoine génétique plus sûr. Et sur tout cela nous mettons le beau ou le laid, et le vrai ou le faux. Chaque civilisation se pose ce problème que doit on faire du corps ? Pour beaucoup y compris les monothéistes la réponse est claire le cacher, le nier. Mais pour l'antiquité la réponse est beaucoup plus trouble qu'il pourrait y paraître car le corps à jouir c'est celui de l'esclave c'est l'objet. Si cette réduction au corps devrait trouver une origine dans cette post-modernité(concept fumeux selon moi) elle la trouverait dans les modes de productions et commerces modernes et sa réduction comme toutes choses en marchandises : Frustrer, capter le désir et l'énergie libidinal et dans la frustation et l'insatisfaction faite norme proposer son illusoire immédiate satisfaction. Ou aussi le Pasolini en moi y verrait une toute autre origine plus scabreuse et inavouable, qui proviendrait du refoulement d'un inconscient issu d'une grande dépression entre deux T.S. : réduire l'autre au corps, aux fluides, réduire l'humanité à la dichotomie beaux corps forts/corps chétifs, mourants sales, réduire aux corps pour refouler la pensée qui dérange.
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    2
    MORASSE
    Lundi 14 Janvier 2008 à 19:30
    à poil!
    C'est qu'elle est bandante la Simone, sauf votre respect... Comme le temps passe. Imagine-t-on Badiou ou Onfray à poil ? Et même le Jean Sol Partre sur une photo retrouvée ?
    3
    Anthropia Profil de Anthropia
    Lundi 14 Janvier 2008 à 21:51
    service DGCCRF
    Ils ont changé d'ordinateur, je crois qu'il y a des bogues. Rapprochez-vous de la DGCCRF et de Que choisir en ligne
    4
    Vendredi 18 Janvier 2008 à 10:06
    Etrange, Thierry
    Je pense que le corps comme vous le dites finalement a toujours été pris dans l'acte marchand, à toutes époques, et que ce n'est donc pas cette conception qui évolue. Celle qui évolue, c'est celle d'un corps maîtrisé certes, mais aussi corps comme dernier mot. Et cela c'est intéressant. Quand les mots sont démonétisés comme aujourd'hui, à quoi se raccrocher ? Nouvelle religion ? Oui, sans doute.
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :