• crédit photo anthropia # blog

     

     

    J'ai une gomme à daim pour effacer les taches sur mes chaussures en daim.

    J’ai un presse-citron en métal, acheté en Allemagne, qui fait la valeur d’un quartier de citron et qui presse juste le quartier, pas davantage. J’ai aussi un presse-citron en forme de pis de vache, en plastique tout mou vert amande, avec une petite ouverture vers le bas qu’on referme d’un bouchon de la même matière.

    J’ai une brochure publiée dans les années trente par Peugeot, dont le titre est « Sochaux : don de Peugeot » inscrit sur une flèche qui montre quelque chose à droite et à l’arrière-plan mais qu’on ne voit pas sur l’image, sujet que je creuse depuis qu'elle trône dans ma bibliothèque.

    J’ai un bol à préparation culinaire en plastique avec socle anti-dérapant, bec verseur incurvant l’un des bords, de la bonne taille pour les pâtes à pain, pizza, crêpes, kougelhof, brisées, feuilletées, le solide design allemand, increvable, datant des années soixante-dix.

    J’ai un moule à kougelhof en terre cuite qui date du début du vingtième siècle de mon arrière-grand-mère alsacienne et qui fait de meilleurs gâteaux pour le dimanche matin.

    J’ai un moulin à café manuel Peugeot qui date du début du vingtième siècle de ma grand-mère franc-comtoise, que je ne jette pas en cas de guerre ou d’explosion nucléaire.

    J’ai une fraise à laquelle il manque trois dents, que j’ai empochée quand je travaillais à l’atelier des perceuses électriques Peugeot à Audincourt, une de ces fraises mal engagées exprès, parce que le contremaître, on le savait, allait être en rupture de stock et que ça permettrait de se reposer de cette machine infernale. L’ouvrière qui avait été chronométrée pour établir la production moyenne de la fraiseuse pensait qu’on l’évaluait sur sa rapidité, c’était la femme d’un artisan, elle aimait la belle ouvrage, elle a donc mis le paquet en une heure, résultat les autres, on se faisait suer sur la bécane à tenir une journée au même rythme.

    Sauf que je ne la retrouve pas depuis le déménagement.

    J’ai un chausse-pied avec rallonge qui permet de retirer plus facilement les bottes.

    J’ai un problème avec mon allemand transgénérationnel dans le français, je ne sais jamais où mettre mon complément d’objet direct.

    J’ai aussi un gratte-dos comme une main au bout d’un sceptre en bois blond, offert par mon amie du Kansas. Comme ethno-psy, elle s’occupe des rites sataniques et des bébés au micro-onde. Brrr.

    J’ai un chargeur à piles rechargeables par geste écologique, mais une radio à piles normales en cas de coupure d’électricité.

    J’ai une brosse à poils de chat (à papier collant) pour retirer ceux qu’elle me laisse sur la veste de tailleur noir juste avant de partir. J’avais pareil le bavoir à mettre sur l’épaule pour le rot avant de saluer mon bébé de fils.

    J’ai un thermomètre de cuisson pour vérifier que mes macarons sont à bonne température, ce que je vérifie, mais eux je les rate quand-même.

    J’ai deux couteaux à huîtres pour m’éviter de tout ouvrir moi-même.

    J’ai des presse-livres tellement bien rangés que je ne sais plus où je les ai mis.

    J’ai des boîtes doublées en Bemberg où se rangent les couteaux et pelles à tarte de l’argenterie héritée de ma grand-mère. La couleur bleue en est passée, mais elle adhère toujours au support préformé de l’intérieur de la boîte. Après réflexion, je me demande si c’est du Bemberg ou un autre tissu.

    J’ai une roulette à pâtisserie pour dessiner des contours en zigzag dans les rectangles de pâte que je prépare pour Carnaval. Je dessine d’un trait une fente dans le milieu et fais un nœud. Et quand les beignets gonflent dans la friture, les zigzags font des pétales et c’est beau.

    Au-dessus du piano, j’ai une affiche sous verre, un dessin rouge et noir fait à la main avec à-plats de couleur, annonçant un concert au Circus Club, rue de Malte, l’affiche est abîmée, -un coin est déchiré-, et jaunie aussi. Le Circus Club a fermé.

    J’ai un tire-fil pour enfiler le fil dans le chas de l’aiguille, c’est plus facile avec l’âge, même si j’hésite toujours pour savoir s’il faut un h à la place du s à la fin de chas. Et pour la canette, un geste d’une beauté que j’ai acquis aussi, le voici.

    J’ai des coquilles à escargot et des coquilles Saint-Jacques que je cuis consciencieusement dans l’eau et le gros sel après usage pour pouvoir les réutiliser.

    J’ai un fil à couper le chedar, un fil à plomb et du fil dentaire, ça devrait faire le compte.

    J’ai la Norma en trois versions, dont deux avec la Callas dans le rôle-titre.

    J’ai le recueil des douze numéros de l’Internationale Situationniste, couverture argent, de chez Champ Libre, publié en 1975, qui n’est pas la version originale de chez Van Gennep, mais plus belle, enfin je l’avais, avant que mon fils ne me le pique.

    J’ai une râpe spéciale pour hacher les pommes de terre cuites à l’eau, qui donnent les reuchtis, réchauffées à la poêle.

    J’ai toujours du Synthol chez moi, parce que mon père en avait et que ça peut toujours servir (mais à quoi ?). De même, j’ai toujours des clous de girofle en cas de mal de dent (et pour le pot-au-feu) et de la glycérine pour badigeonner les aphtes, même si je ne badigeonne plus personne et qu’on n’en trouve plus en pharmacie.

    J’ai un vrai souci avec la conjugaison de l’impératif présent à la deuxième personne du singulier, celle des verbes pronominaux, et d’autres fautes que j'ignore. Me demande si ce sont les cours manqués, quand je me faisais opérer des amygdales, qui en sont la cause. Il y a aussi les « j’ai » et les « est » et les « il y a » qui ne devraient pas passer.

    J’ai deux têtes sculptées du Royaume du Bénin en ébène –héritage familial-, que je disposais toujours à bonne distance sur le muret du salon et qui depuis quelques temps sont posées l’une à côté de l’autre, et je ne sais pas qui l’a fait.

    J’ai un plateau en argent avec petites poignées en bakélite et fond du plat en miroir, qui date des années trente et me vient de ma grand-mère suissesse, plateau que je trouve incomparable dans sa forme et dans ses tons.

    En fait j’hésite, parce que j’ai un tabouret/chaise africain repliable en bois exotique qui, dans son genre, est aussi un ancêtre doué du design.

    Enfin j’ai…, mais il n’y a pas de fin à cette histoire, parce qu’au j’ai, il n’y a que perte et accumulation, don et usure, volume et manque de place, nostalgie et mal de tête, et qu’il y aura toujours des choses qu’on n’aura jamais et que ce qui se compte ne compte pas.




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  • Autruches portes ouvertes

    Philippe Talis

    crédit photo anthropia # blog

     

     

    Il est entré, Il n'est pas seul,

    il est accompagné par une femme,

    il entre dans mon bureau,

    comme celui que j'avais rue C-N,

    mais plus grand, dans le bureau, deux pièces,

    dans l'une une table longue, des papiers dessus,

    dans l'autre, ce n'est pas un bureau, c'est une chambre,

    le lit en bataille, vaguement gênée, pas professionnel,

    souvenir de ce qui s'y est joué, encore plus gênée,

    mais il n'a pas moufté, comme si normal,

    alors ma gêne s'envole.

     

    Ça grimpe, les pierres qui chassent sous les pieds,

    vigilance, et la pensée qui sourd maligne

    profite de ce temps occupé,

    et puis là-haut, voie lactée,

    Il est là dans les étoiles, sa voix, la voix râpeuse de,

    il éructe Pfanne, la poële,  

    et je pense à Ulysse, son odyssée à lui-,

    livres offerts, ça parle des exils,

    m'a initiée, mais à quoi,

    il avait quelque chose pour moi,

    et on s'est perdu, 

    là pour moi, voyais pas.

     

    Son portrait, sais pas dessiner,

    mais lui, l'ai croqué, quelques jours avant,

    cheveux en palissandre et gris,

    sa pogne sur le couteau, la croix presque effacée,

    attaché à cette seule trace,

    au crayon ça s'altère,

    l'image évanescente, lui ce visage parti déjà,

    et ses derniers mots,

     terminer sur ça, Alphorn, là-haut sur l'Eiger.

     

    Je suis dans des phrases, en villégiature,

    j'y parcours l'espace des phrases,

    et c'est chemins d'un sens et de l'autre,

    plans compliqués de maison, échaffaudages,

    mais ce n'est pas ma tête, j'ai un aperçu,

    un point de vue dans la tête,

    comme si neurone, j'observe, j'entends,

    je découvre l'entièreté de la chose, pas du tout moi,

    j'y suis dans l'étrangeté d'une autre cage que la mienne,

    et c'est partageable, pas mieux, et c'est ça le réveil du rêve.

     

    Le rêve et la marche ont la même fonction,

    nettoyer la tête.

     

     

     

     

     

     

     


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  • Crédit photo anthropia # blog

     

    Crédit photo anthropia # blog

     

    Arrivée dans ce paradis du schiste, le brillant sur chaque parcelle de l'écran, du retour des feuilles de chênes verts aux remblais des routes, et ce matin, ton paysage, la contemplation à ta fenêtre, les à-pics plus forts que soi, la transcendance ; s'il en est Un, il est là.

    Et ces humains qui vivent à l'année dans la rude vie des maisons d'antan, avec internet et salle de bain cependant, ça fait la différence, parce que le monde s'ouvre doublement, dans la perspective physique comme dans celle virtuelle, le monde est un hameau.

    Ravitaillés par les corneilles. Elle dit vrai, composer avec le lacet, le lacet qui rend tout tellement loin, les vallées qu'il faut enfiler les unes derrière les autres et sans doute par temps dur l'hiver.

    T'enfonçant dans ces sinuosités, cette impression d'une nuit sans fin, superposition de la nuit de la veille, c'était d'abord le sombre où tu aimes te perdre, comme te perdre ces derniers temps, cette jachère en toi que tu acceptes enfin, mais n'en sais pas le bord, où le ne pas aller trop, et l'obstination de soi, en toi depuis. Puis tu as eu peur, hein, avoue, tu t'es perdue, tu as eu peur, tu as tenté des raccourcis, tu as eu peur, échoués, tu as eu peur, tu as tenté un autre paysage, tu as eu peur, peur d'un virage en épingle mal négocié, peur d'un écart pour éviter un sanglier, peur de verser dans ces failles de la montagne, peur de ne pas savoir sortir d'une carcasse. Peur. Connu ce sentiment sur un voilier, aux îles Scilly, quand les vagues de cinq mètre donnent cette sensation que le bateau sombre pour ne plus remonter.

    Ici, quand on oublie quelque chose, faut oublier. Radicalité d'un choix, qui va avec création, méditation et slow life. La vie dans ce rythme lent, qui t'attrape sitôt arrivée, et le miracle, c'est qu'il y a place pour une civilisation ici, les amis autour, le travail, un lieu de trois maisons, pris en passant pour un hameau abandonné, mais c'est un centre, là une activité à temps plein, occuper le pays, le construire, lui donner ses facilities, et fondations passent par là et ventes artisanales et cybercafé et plus tard centre de formation.

    La suite du chemin, c'était. Ce bar, en bord de village, où tu es entrée boire un café, le couple, la femme qui te souligne toi seule si tard sur la route, et toi peur encore, peur de sa peur à elle, puis cet homme à la tête aveyronnaise, qui ne parle pas qui écoute, te laisse raconter un peu, comprendre ce qui te met là, puis annonce l'arbre et puis l'arbre qui vont jalonner ton, comme ça tout à trac, un GPS vivant, un qui parlerait homme. Et tu remontes plus courageuse, la voie lactée là-haut.

    Le soir, tous ces gens, les néos, venus là dans les soixante-dix, le soir, dans cette maison-hameau, labyrinthe à six portes d'entrée, douze escaliers ou petites marches, toilettes sèches, sept poubelles (et liste des surnuméraires), le petit bureau avec la baratte à usage lutrin, le grand bureau et la bibliothèque qui en fait le tour, l'écrire-produire en tous genres, palais borgésien, si on est là, c'est qu'on a tous choisi d'y vivre.

    Et les guitares ne manquent pas. Celle qu'il te passe, une folk, Alhambra, ça existe ça en folk ?, et là sonne comme une Gibson, souvenir de ta vieille cassée par le chat des voisins, son velouté, ce toucher doux et profond, et sonore si sonore, une chapelle romane à se perdre, les Espagnols ont profité d'une série pour Gibson, ont copié et la copie aussi belle que l'original. Ta G., achetée à Londres avant de repartir, passé tout ton salaire de job d'été pour petits friqués en goguette, logeant chez, dans le Kent, souvenir d'un loup noir et d'une veste d'astrakan.

    Dans le jardin, les récits s'enchâssent. Les trois chorales, une pour chansons révolutionnaires, une chorale d'hiver, une autre encore, un théâtre, quelques vers d'un poète. Et puis cette histoire que le vrai souci des abeilles, ce n'est pas principalement le pesticide, mais le varroa, ce pou des ruches qui tue les ouvrières et que les reines d'ici ne savent pas trucider, contrairement à celles d'Asie, -Asie, d'où le nuisible est venu dans les années quatre-vingt,  suite à une mission d'apiculteurs cévenols dans les pays là-bas, se vantant de leur savoir faire, qui en ont rapporté le fléau-, qui détruit plus fort que le toxique américain. Ce que ne disent pas les apiculteurs, car ils devraient alors dire leur indélicatesse à traiter eux-mêmes leurs essaims aux produits tueurs. Et le bon miel alors n'est que, la femme aux ruches dit qu'elle traite aux produits doux.

    Cette affaire plus étrange de la fécondation des figues, le Blastophaga, la femelle qui niche dans la figue, et que le mâle vient forcer au travers du fruit, le et la fécondant dans le même mouvement. Et le goût de, et l'hôtesse qui en vient. Et le secret de son jus de pomme, cinq pour cent de jus de coings. Et la courgette jaune parfumée au citron confit, quelque chose du Yuzu. Quand les histoires de filtre, comment la terre, comment les conteneurs à tamis, comment l'eau fait le tour de la matière, de la source au robinet et retour à l'arrosage. Ces petites sciences au labeur, penser local, local, local, mais réfléchir global, global, global.

    Et puis la creuse, plonge dans le sillage, ce sera Maison des Vents.

    Et là, on n'en dit rien, que poésie qui vient.

    Cette branche du figuier prolonge le vent, le précédant de tout son élan.

    Au passage, découvrir que Claude Simon a écrit, puis a vécu une partie de sa vie ici, courir chercher l'eau pure dans les non-rizières qui font signe, ces absolues coïncidences. 

    Puis retour au Pays des îles, et là acclimatée, sortilège des Noms de Pays, se mettre à écrire.

    Et vient le couloir des damnés, deux fois aller là, tous alignés dans la salle de canicule, Plan C. du Préfet, aller dans le désir le voir, l'avé, le vieux, Léo, celui qui parle, rit, dans l'aphasie de production, si le geste d'un jour avait dit le contraire, aujourd'hui, le trois était bien un trois, geste regard et parole, le serpent cognitif, ça monte et ça descend, mais qu'est-ce qu'ils attendent pour l'orthophon les budgets toujours les budgets, et Léo, toujours aussi dandy d'une main et d'une jambe, dans son parler de peut-être il peut, le toucher, le caresser, manger avec lui, et voir l'institution dans ses petites misères, pour la 2002-2, oublie, et lui de se marrer, gardé son quant-à-lui, dans l'hémi pas blêmi. Et la vieille Augusta muette et sourde peut-être, ses yeux de sorcière, sa barbe de trois jours et ses coups de colère, ne passe rien à l'imbécillution, toute à l'affaire de sa boucle d'oreille, couleur corail aujourd'hui, et ceux qui gardent, veillent, signalent "pas mixé s'il vous plaît", et "demander le choix pour le café", c'est pas toujours pareil, l'aphasique aime varier, alors ne pas calquer les jours sur les jours, sortie d'enfer mais y retournera.

    Et l'oiseau qui s'obstine à s'appeler rossignol du soir au matin, quand ce n'est peut-être qu'un merle. Qui verra.

    Le vert, la montagne, foundamente, les sombres histoires de villages, le vieux et puis le jeune, générations mélange, et puis les configurations du ciel, une étoile filante, on se sent l'âme mystique dans ces Marches de la Lozère. Et pourtant ce n'est qu'un pays d'hommes et de femmes.


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  • crédit photo anthropia # blog

     

     

     

     

    Arrivée dans ce paradis du schiste, le brillant sur chaque parcelle de l'écran du retour des feuilles aux remblais des routes, et ce matin ton paysage, la contemplation à ta fenêtre, les à-pics plus forts que soi, la transcendance ; s'il en est Un, il est là.

    Et ces humains qui vivent à l'année dans la rude vie des maisons d'antan, avec internet et salle de bain cependant, ça fait la différence, parce que le monde s'ouvre doublement, dans la perspective physique comme dans celle virtuelle, le monde est un hameau.

    Ravitaillés par les corneilles. Elle dit vrai, composer avec le lacet, le lacet qui rend tout tellement loin, les vallées qu'il faut enfiler les unes derrière les autres et sans doute par temps dur l'hiver. T'enfonçant dans ces sinuosités, cette impression d'une nuit sans fin, t'as eu peur, hein, avoues, peur d'un virage en épingle mal négocié, peur d'un écart pour éviter une bête, peur de verser dans ces failles de la montagne, peur de ne pas savoir sortir d'une carcasse. Connu ce sentiment sur un voilier, aux îles Scilly, quand les vagues de cinq mètres donnaient cette sensation que le bateau s'enfonçait pour ne plus remonter.

     Quand on oublie quelque chose, faut oublier. Radicalité d'un choix, qui va avec création, méditation et slow life. La vie dans ce rythme lent qui t'attrape sitôt arrivée,. et le miracle, c'est qu'il y a place pour une civilisation ici, les amis autour, le travail, un lieu de trois maisons, pris en passant pour un hameau abandonné, mais là une activité, occuper le pays, le construire, lui donner ses facilities, et fondations passent par là et ventes artisanales et centre de formation bientôt.  

    Le vert, la montagne, foundamente, on se sent l'âme mystique dans ces paysages.

     

     

     



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  • A l'inconnu qui se reconnaîtra

    et transmettra ses coordonnées

    pour que je puisse le citer

     

     

     

     

    Que reste-t-il après sa mort ?

     

    la seule trace qui vaille c’est la vie éternelle,

    la vie qui passe dans les êtres qu’on aime,

    la vie qui nous rassérène, c’est de l’autre en moi

    le passage entre êtres et même entre êtres qui ne se connaissent pas,

    mais dont quelqu’un a parlé à l’autre

     

    j’ai souvenir d’une soirée, pour les dix ans de jean, on dit défunt,

    et moi qui pour la veuve me faisait l’artémise,

    la chroniqueuse des traces,

    moitié du groupe avait connu jean

    autre moitié aimait quelqu’un qui l’avait connu

    at j’ai demandé, quelle trace de lui gardes-tu en tendant mon micro

    et ils ont répondu, tous ceux qui l’avaient connu mais aussi ceux qui non

     

    et quand j’ai relu les pages sorties de là

    j’ai découvert qu’il était toujours là, jean, chacun avait sa part, l’inventeur de génie, le secrétaire de l’association française de cybernétique , le trublion qui la ramenait toujours, le récupérateur des légumes sur le marché d’Aligre, toutes denrées, même fromage à l’issue de la dernière minute possible du glanage, tous ces gens qui se retrouvaient à éplucher autour de la table, pendant qu'il faisait presser dans la centrifugeuse son énorme cageot de raisin récupéré, tous ces gens savaient ce qu’il était, jean, la prostituée au grand coeur, la vieille qui ne s'en sortait pas bien, le producteur de France Culture, le philosophe edgar et l’ingénieur renaud, et même l’étudiante écolo, tout ça mélangé avec la compagne et les enfants,

    et de tous ces repas qu’on faisait avec lui et l’inventeur de la sixième dimension qui venait expliquer sa théorie, le pauvre gosse de riches qu’on avait enfermé à l’asile et qui venait d’en sortir, le fils d’un ministre assassiné, la fille du mec, son meilleur ami, qui inventait des dictionnaires de noms de pays, oui, tous ces gens savaient ce qu’il était, jean,

    encore à distance, il irradiait, il réchauffait le cœur de tous, on en parlait en souriant aux dix ans, même s’il n’était plus là,

    alors, c’est le vivant qui sauve les traces, pas la machine, pas la matière

     

    tu es parti, jean le mutant, des bons et des mauvais moments, salut l’ami.

     

     

     



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