• Bouts de rien : mais que dit-il, Wilhelm ?

    crédit photo anthropia # blog

     

    Dès l’Ouverture, il me réjouissait Rossini dans cette haute enfance, Guillaume Tell, disque entendu sur le tourne-disques de mon père, pas un Teppaz, plutôt un Pathé-Marconi,   La voix de son maître, relue des dizaines de fois cette « réclame » tentant de la comprendre en lien avec sa tête de chien, métaphore à double ou triple détente que je tentais de réduire avec mes pauvres moyens, sonnait comme le « papa a toujours raison » que notre père nous lançait d’un ton moqueur, c’était une époque où les papas n’avaient qu’à se baisser pour cueillir nos louanges, nos croyances, le meuble en faux bois enfin je crois, genre teck en était-ce, avec plateau permettant de mettre en attente plusieurs disques, bien pensé l’outil, revu ça dans le juke-box du café face à la gare de Montbéliard où on se retrouvait avec les copains de lycée, toujours est-il que dans l’enfance c’était du classique qu’on écoutait et du jazz aussi, était-ce le premier dans mon souvenir, ce disque de Deutsche Grammophon, la joyeuse cavalcade, on y entend les chevaux, les hommes échevelés, leurs carquois et flèches dans le dos, ça emmène, ça évoque la Suisse, et la Suisse m’appartenait, Guillaume Tell me disait la bravoure, l’irrévérence à l’égard des puissants aussi, l’épisode à risque bien sûr, le cliché, l’arbalète, la pomme, le garçon, mais Wilhelm triomphait, la libération, les cantons, comme si grand-père y avait participé il racontait et ça ne faisait pas mythe, plus vrai par les mots de la géographie qu’il maîtrisait, le canton de Uri, ça riait dans les mots, [ou} et [ri], avec cet accent qui suspendait le i en l’air comme dans les Alpes avant l’écho, et puis son intonation quand il parlait de Brunnen ou de Reuti (il prononçait [roy] en roulant les r), l’émotion des noms de pays comme en leur creux même, il y a bien sûr dans cette Ouverture la phrase musicale douce qui venait alterner avec les bruits de bottes et de sabots, comme ça qu’on se construit dans le monde des hommes quand on est une fille, la petite phrase douce, oui celle-là, on l’aime pour le cœur des hommes, le Heimweh (l'âme, ô weh), on entend là quelque chose d’un autre genre, ou une faille qui nous accepte, mais dans les soirées l’ambiance était toute autre chez grand-père, on ne s’arrêtait pas aux larmes, toujours on repartait en rythme, et pourquoi je parle de ça, parce que ce matin les mots d’un homme dans le livre jamais lu avant, et que j’ai peur de lire après la phrase « Leur expliquer que Francfort, précisément, représentait pour lui un incident ancien, très pénible  », les mots d’un écrivain qui ne passent pas.


    Tags Tags : , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :