• Casse-auto # 2 - 17 à 30

    L'Assemblée Nationale

    Crédit photo anthropia # org

     

     

     

     

    II

    Vers la scène du blanc

     

     

    La dompteuse n’hésitera pas, vous êtes prévenus |

     

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    Je peux encore y retourner au multivox, au poly-narrateur, même pas peur, je me sens comme le dompteur face à ses lions, indisciplinés, mauvaises têtes, dangereux aussi parce qu'ils me confrontent à ces bords de moi qui pourraient bien me ratatiner un de ces quatre, si j'échoue.

    Alors, oui, intégrer l'échec dans le jeu, on est bien peu d'chose ma bonne dame ; ce dire, comme le flamboyant ? comme la « pas grand-chose », moi, pas grave, comme ça, rien à faire, pas pleurer, et même le montrer, ici, vous me voyez en train de galérer, eh bien, c’est moi, en train de galérer, sur ce putain, on ne prononce pas ce mot, de récit, qui s'écrit envers et contre moi, je voudrais la tenue, la continuité, et je brise, "rate le coche", ça s’interrompt sans cesse. La brisure et peut-être l’interstice, où m’installer pour le temps du récit.

    Un chapitre de la confusion, cette tentative d’échapper par tous les coins de la terre à la grande scène du blanc, c’est la période de l’enchaînement des expériences, se donner la sensation de vie quand tout est froid à l’intérieur. Partie dans toutes les sphères, le sens de la visite, ce n’est pas encore l’heure.

     

     

     

     

    A la Synagogue de Delme, près de Nancy, cheval à hue et à dia |

     

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    Marie Cozette, directrice du Centre d’art contemporain : je me souviens de cette installation de Maïne à la Synagogue, je crois que c’est ici que le curateur de l’Office de Colmar l’a rencontrée et qu’il a eu l’idée de l’inviter.

    On lui avait donné une de nos Carte blanche pour faire ce qu’elle voulait de notre espace. Delme est une ancienne synagogue, dessinée d’après les plans de la synagogue de Berlin avec son dôme et son style mauresque et byzantin. Maïne avait créé une sorte de nursery dans la salle carrée du bas. Par sa petite taille, la pièce évoquait le cocon d’une chambre d’enfant. A l’ancien endroit correspondant au tabernacle du Temple, là où on met la torah dans la tradition juive, elle avait dressé un berceau vide, au dais recouvert de dentelle blanche, doublé d’un lacet de guipure en led bleu, qui retombait de chaque côté.

    Un peu plus loin, elle avait installé un cheval à bascule toujours en mouvement et un grand coffre en osier, qui débordait de jouets métalliques, de toupies, de grosses autos, de vieux bus multicolores, ça donnait le sentiment que la chambre venait d’être quittée. Sur le mur, s’affichaient des photos représentant les jouets d’enfant, ceux-là mêmes aperçus dans la malle, mais en sépia, évoquant un monde révolu.

    Au premier étage, sur la coursive, la partie qui surplombe la salle carrée, qu’on avait repeinte en blanc, et qu’elle avait voulu laisser dans l’obscurité, elle est bordée d’un balcon - les visiteurs pouvaient l’apercevoir en se penchant. Elle avait sonorisé l’espace, des murmures, des mots, silence, chut, puis une voix d’enfant s’élevait et chantait des comptines en anglais. Le spectateur se penchait et découvrait un berceau vide, - qui était l’enfant absent ? -, et demeurait muet à l’écoute des nursery rhymes.

    Oui, je crois que cette installation avait amorcé le sillon que Maïne trace depuis cette époque, enfance et automobile, dans lequel il était toujours question de disparition, rendant compte de la difficulté à faire œuvre d’art aujourd’hui. Le berceau vide ? Sans doute, la trace de l’art, disparu.

     

     

     

     

    Tout est en place pour le protocole, mais pour quoi faire ? |

     

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    Compte-rendu de réunion de synthèse – Unité psychiatrique à Ste Anne

    (Autour de la table, le médecin psychiatre, l’interne, l’infirmier psy, l’aide-soignant, l’assistante sociale, l’agent de service hospitalier (celui qui balaie, qui récure, qui porte les repas, c’est une particularité dans cette Unité-là, ça fait partie du projet de service).

    L’infirmier : et pour Mme M., on fait quoi ?

    Le psychiatre : que dit le compte-rendu des Urgences ?

    L’interne : pas de problème particulier à l’examen après auscultation, une analyse de sang et urine a été demandée, l’analyse toxicologique n’a rien montré, apparemment pas de délire, pas de somatisation non plus, donc n’ont pas demandé l’EEG, ni le scanner, pas d’agitation non plus, on n’a rien sur elle, peut-être une pathologie dépressive, mais si pas de toxique, n’ont pas demandé d’analyses complémentaires.

     L’assistante sociale : j’ai rien non plus sur elle.

    L’ASH : l’a pas passé de nuit ici.

    Le psychiatre : j’aurais dû la voir deux fois, elle ne s’est pas présentée. Pas d’HO d’urgence non plus.

    Affaire classée.

     

     

     

     

    A la découverte d’un gadget qui n’a rien à voir avec la situation, mais on se tient chaud toutes les deux |

     

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    Aujourd’hui Aliette m’a donné un cours de coupe. Avec elle, j’oublie tout. Elle dort dans ma chambre. Y a des valises partout, enfin non, les valises on les a mises au grenier, mais ses vêtements, elle en a tant, une vraie collection. Y en a plein mon placard. Aliette, c’est ma cousine. Elle a onze ans, onze moins huit, ça fait trois ans de plus que moi. 

    Elle m’a donné sa collec de comics, j’y comprends rien, écrit en anglais, mais elle m’a dit qu’elle allait me les traduire, en échange je lui apprends les comptines françaises, elle dit qu’elle veut toutes les savoir. Un peu comme une autre sœur. On s’aime.  

    On est les deux doigts du même glove, elle qui l’a dit, moi la Française et elle, l’Américaine. En vrai, elle s’appelle pas Aliette, mais chut, elle veut pas qu’on l’dise ; c’est écrit Aliénor sur son passeport. Elle aime pas son prénom, alors pour lui faire plaisir, tout l’monde l’appelle Aliette. En anglais le «ette» sonne bizarre, ça fait un peu français, et ça elle aime bien, qu’elle me dit. Elle se trompe, Aliénor est plus joli, ça fait Reine. Il paraît qu’en américain, ça sonne mal, un peu pimbêche, et elle aime pas, ses copines se moquent d’elle. 

    Hier, Aliette m’a donné un téléphone en  porte-clefs, la mode en Californie, un p’tit téléphone cyan en plastique, mais on peut rien en faire, elle dit qu’ça s’appelle un gadget. Je crois qu’j’en avais jamais vu avant de gadget. Et ça téléphone pas, y a pas de cadran, juste qu’on le sent sous le doigt. Quelle drôle d’idée de m’donner un téléphone qui n’téléphone pas. 

    Avec elle, j’apprends plein de trucs, elle m’a montré comment tresser des guirlandes en papier chewing-gum américain, de longues chaînes qui sentent fort. Elle dit qu’c’est du menthol, ça sent pas comme nos chwing. Là-bas en Californie, toutes ses copines font des chaînes en papier comme ça, elle dit qu’on pense à son boyfriend. Elle m’a expliqué, un boyfriend, c’est un p’tit copain, alors la chaîne, on la fait de la hauteur de son boyfriend. Moi, j’en ai pas de boyfriend, y paraît qu’on en a un quand il porte le sac après l’école, alors moi j’en ai pas, enfin y a p’têt Michel Fischer, il aime bien quand on court avec nos capes dans la cour, p’têtre que je pourrais dire que c’est mon p’tit copain. Elle a fait un très très long ruban papier, doit être grand son boyfriend. 

     

     

     

     

    Par où mon âme est revenue |

     

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    N’y suis jamais allée qu’une fois à l’H.P., quand je craquais par la suite, je prenais les devants, la musique m’aidait, elle me consolait, une visite à mon âme qui me disait, ça va aller, ça va aller. Ensuite ça n’a plus suffi, pour aller plus loin, il a fallu l’art, la plasticité des formes, les concepts, cette urgence de nager au-dessus des racines, pour pouvoir retourner à cette scène.

     

     

     

     

    De Saint-Expedit, des Tamouls et des petits rituels |

     

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    Mme Chanemou, adjointe au Maire de Saint-Paul (Ile de la Réunion).

    On l’a rencontrée à notre cérémonie des morts, là où on va chaque année, notre communauté tamoul est très soudée, on s’y retrouve, en habits de fête, plein de couleurs, du jaune, du rouge, un rituel important dans nos vies.

    Ce qu’elle faisait là ? On n’a pas bien compris, elle avait un projet d’œuvre qu’elle voulait réaliser sur Saint-Expédit, je crois.

    Saint-Expédit est un saint d’ici, on le prie, oui, beaucoup de communautés de toutes obédiences le prient. Une vieille tradition de l’île. D’ailleurs promenez-vous dans la campagne, y en a partout des autels à Saint-Expédit.

    On a sympathisé et on l’a invitée à notre repas des morts, celui qu’on fait au premier novembre dans chaque famille tamoul.

    Oh, ça s’est bien passé. Très simplement. On s’assoit par terre, on mange le cabri massalé tous ensemble dans les feuilles de bananier, puis on procède au rituel, dans la petite pièce, on casse la noix de coco en petits morceaux, on fait l’aspersion sur l’autel de nos morts, on allume les bâtons, on jette quelques pétales de fleurs, on fait plusieurs fois le salut en se reculant, sans tourner le dos.

    Oui, très simplement, elle a mangé dans ses mains et elle a aussi fait ses saluts dans la petite pièce, fait l’aspersion pour rendre hommage à nos morts.

    Elle m’a parlé, elle avait l’air très ému. Oui, je m’intéresse beaucoup au christianisme, chez nous vous savez, on est un peu syncrétique. (Elle rit).

    On a parlé de ses années à lire la bible avec des psychanalystes, Genèse jusqu’au Cantique des Cantiques, là elle s’est arrêtée, le texte a résisté m’a-t-elle dit, trop dense. Je lui ai demandé de m’envoyer la traduction par Chouraqui et puis aussi les livres de Jacques Salomé, très important dans mon métier, je suis technicienne d’intervention sociale et familiale, on dit TISF, j’aide les familles en détresse.

    Oui, je l’ai emmenée dans les Hauts de St-Paul, pour lui faire voir les programmes qu’on a mis en place pour les traumatisés crâniens, un habitat à trois maisons qui se jouxtent, ce qui facilite le travail pour les intervenantes à domicile, pratique pour ceux qui ne peuvent plus vivre seuls.

    Après on ne l’a pas revue. Elle partait à Maurice pour quelques jours.

    Seule ?

    Oui, toute seule.

     

     

     

     

    Des plages de l'île Maurice, vue sur la chambre |

     

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    Mon Dieu, ton Dieu, les dieux du monde. Je les cherchais partout, Je voulais rituels et pacification. Etrangère à moi. Intérieur inaccessible. Sefer Tehillim. Lance tes mains de l’altitude, arrache-moi, secoure-moi des eaux multiples.

    Dans l’hôtel, à Cap Malheureux, face au rocher de Paul et Virginie, moi terrée dans ma chambre, suis sortie au bout de trois jours.

    M’est beaucoup perdue toutes ces années, me cherchait en vain. Ne savaitétait Je.

     

     

     


    Comme un ventre qu’on te greffe |

     

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    Il arrive de Kaiserslautern, Alex, il a réchappé du Vietnam, la chance, trois ans de service militaire en Allemagne. Il vient souvent les week-ends de perm’, on dit comme ça perm. Alex, encore un Américain, y sont quat’, donc on y a droit chaque année au moins un, et souvent le tour recommence, on vit en Amérique, on est des Françamerlocains, tous ensembles.

    Il me l’offre. Après m’avoir beaucoup chahutée, sept ans de plus que moi, un grand frère tout fou, me pince tout le temps, il se cache derrière le rideau en bas de l’escalier, je descends, et hop il est pour moi. Il rit de son grand rire, encore des dents de Kennedy, il est mon p’tit ennemi, m’attrape et me lâche. Sais pas bien si j’l’aime, parfois je le déteste, j’aime pas qu’on m’pince.

    Il me la donne, j’ai treize ans, il dit maintenant, tu peux. Il la sort de sa caisse, classique, espagnole, il la caresse en m’regardant, j’suis gênée, j’sais pas si j’peux, ma mère a tourné la tête, j’crois que ça voulait dire oui, on est le 21 janvier. La, mi, la, la, mi, la, ma première chanson, je ne sais pas pincer les cordes, ça me fait mal, pas de cale aux doigts pour les accords, il m’en montre trois quatre, le la mineur bien sûr, mon préféré, il dit Am, le sol pour rétablir, le do et puis le si, j’sais plus bien, ça fait une ritournelle. Il me montre le capodastre et me donne un médiator. Ça y est, j’suis lancée, finie la chorale pour tous, le piano dans le salon, le duo avec petit Phil, j’suis libre avec elle dans ma chambre, et personne pour me suivre au pied du pommier, la guitare, ma liberté.

    Ça vibre, ça m’fait ventre, ça s’mélange avec ma voix, j’suis guitare-seule, mon rempart, ma timidité cachée là dans la caisse, la résonance, je vais partout avec elle, je suis ventre de guitare, une autre sœur, encore une.

     

     

     

     

    Avance à reculons, comme en aviron |

     

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    Me cache, il me cache. Ma cachette derrière sa jambe, marche, il marche. Il s’arrête, m’arrête.

    (Mais qu’est-ce qu’elle a cette gamine à m’coller comme ça.)

     

     

     

     

     

    De l’émeraude prêtée aux jeunes filles mal rangées |

     

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    Suis sur ses genoux, pose ma tête contre son sein, sent bon, Chanel N°5, comme maman, son menton sur ma tête, cogne un peu, menton dur, m’a enfermée dans ses bras, Alice, m’enferme, la joue contre la joue maintenant, tout près, regarde, ses lèvres toutes gonflées, sa robe blanche brillante, c’est plissé là, et puis son sein, je vois la dentelle, et puis sa main prise dans mes mains, joue avec ses doigts, la caresse, le dessus, le dessous, c’est chaud et un peu froid, j’la mets sur ma poitrine, sa main à moi, Alice murmure, kitzele, kitzele, sa main cherche sous mon bras, elle chatouille, attrape sa main, et puis la bague, l’émeraude, la grosse et belle émeraude, vient l’autre, l’hidalgo, veut me la prendre, je l’écarte, l’émeraude je l’enlève, elle me la laisse, je la mets à mon doigt, je la caresse, et m’enfonce en elle, mon dos poussant son ventre, c’est mou, m’enfonce, chaque bord piquant, des lignes, un dessin, reflets, vert brillant, sous les bougies ça luit, l’émeraude à mon doigt, à moi.

     

     

     


    L’enquête sur Mme M. s’obscurcit, va falloir y mettre les moyens |

     

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    Procès-verbal

    Affaire : Mme M., suite à incident rue Donzerre

    Suite à expertises demandées et à enquête de voisinage, il apparaît que la conductrice, susnommée Mme M., a vécu un « symptôme de stress post-traumatique » consécutif à un événement qui l’a marquée dans son enfance, un accident de la route dont elle a été témoin auditif.

    L’enquête de voisinage nous a conduit à différents domiciles (plus de dix en une douzaine d’années), après ses études à Paris, il a été extrêmement difficile de suivre l’ensemble de ses déplacements, notamment à l’étranger, il semble qu’on l’ait identifiée au consulat du Bade-Wurtemberg au Schanzstrasse 2 à Ludwigshafen, puis dans le département d’outre-mer de La Réunion. Apparemment, elle a repris ses études à son retour à Paris.

    Compte tenu des difficultés de l’enquête et du manque d’éléments, demandons des investigations complémentaires. 

     

     

     

     

    Tutti frutti, oh Rudy |

     

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    Bop-bopa-a-lu a whop bam boo, Tutti frutti, oh Rudy, ce rythme de boogie-woogie qui s’est emparé de ma tête en arrivant à ce terrain vague, Tutti frutti, oh Rudy, comme la bande son de ces Américains de la seconde guerre, une radio liberté qui diffuserait encore ses morceaux devant le blockhaus où je viens de pénétrer, she knows just what to do, je me baisse sous une sorte de portail en béton, dont on aperçoit les armatures en métal, Tutti frutti, Oh Rudy, moi aussi, je fais dans le linguistique, j’apprends les langues, toutes les langues, Tutti frutti, oh Rudy, des inscriptions en anglais sur les murs, A whop bop-a-lu a whop bam boo, she knows just what to do, Tutti frutti, Oh Rudy, oui, c’est ça, une radio libre américaine, dans la périphérie de Mannheim, Tutti frutti, oh Rudy, un couloir sombre mal éclairé de néons qui interruptent, Tutti frutti, oh Rudy, des portes de chaque côté, laquelle pousser, Tutti frutti, oh Rudy, personne pour m’accueillir, je crie Wolf, Wolf, she knows just what to do, j'entends mon prénom, une porte s’ouvre et la tête hirsute de Wolf apparaît. Komm, komm herein, j'entrevois une batterie, un gars aux cheveux blonds, il accorde sa basse, je découvre le groupe de Wolf, à qui il me présente. Hier ist Maïne. Hi Maïne. Tutti frutti, oh Rudy, ça continue, la grande aventure de l’étranger, ici moi l’étrangère, je me cherche plus, je suis trouvée, Tutti frutti, oh Rudy, she rocks to the east, she rocks to the west, but she’s the girl that I know best, Tutti frutti, oh Rudy, très vite ils commencent à répéter, la balade de Wolf, Schade, schade, es ist alle so fade, la flûte traversière de Wolf, je l'aime, le jazz, c’est fou, Tutti frutti, j'auditionne, ils cherchent la chanteuse du groupe, au bout d’une heure ils sourient, ils l’ont trouvée, oh Rudy, got a girl named Sue, she knows just what to do, je chante et chante mes lyrics, Les filles d’maintenant, quand tu parlais de solitude, mais là je ne suis plus seule, Tutti frutti, oh Rudy, les gars improvisent, je laisse faire, sur leur longueur d’onde, on va répéter souvent, Tutti frutti, she rocks to the East, she rocks to the West, she’s the girl that I know best, Tutti frutti, tu me veux, Oh Rudy, moi aussi, Tutti frutti, Oh Rudy, and if you don’t love me, Tutti frutti, oh Rudy, on jouera à Die Bühne à Heidelberg, on s’amusera en tournée, payée plus que mon job chez Horten, ça durera tout l’été, puis l’année, puis Wolf jouera ailleurs, et moi je rentrerai, finie la pierre roulante, woogie boogie.

     

     

     

     

     

    Les trois dernières scènes sont arrivées tout de suite, comme un viatique |

     

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    Je fais des provisions, de chaleur, de tendresse, temps de l’enfance, temps de la musique.

    Je me blinde, j'ai besoin de ça, avant d'aller y voir. Oui, la route pour Colmar, elle arrive. Trouée, pas Trouée, je n’en sais rien, et puis la scène du vert, elle se prépare, la scène du blanc est déjà écrite, terrorisée. Et puis la profusion de moi, il faut bien, puisque je l’ai vécu, avant d'aller y voir.


     

     

     

    De l’organisation des usines dans les années trente, un des fameux stratagèmes |

     

    30

    Yves C., professeur à l’EHESS

    Maïne a suivi mon séminaire. Elle était intéressée par mes travaux sur Peugeot. J’ai fait ma thèse sur Mattern, un ingénieur qui a introduit de nouvelles méthodes de production à l’usine de S. dans les années trente. Je crois que son grand-père avait travaillé avec lui, il était responsable de l’atelier mécanique. Elle préparait une thèse sur le rapport au travail dans l’univers automobile, mais je crois qu’elle ne l’a pas soutenue.

    Elle a entendu parler de mon parcours par un de ses amis de lycée, qui m’avait connu en 1968, quand j’étais établi aux Usines. J’avais fait de la prison, il y avait eu un mort à l’époque.

    J’ai une très importante iconographie sur S., des centaines de photos, ma documentation. Je l’ai invitée à venir chez moi pour les regarder, quand j’habitais encore rue des Pyrénées. Elle a passé peut-être deux heures à les scruter une à une, je ne sais pas ce qui l’intéressait réellement dans ces photos, ce ne sont pas des photos d’amis, juste des points de vue sur les usines, la rue du Crépon, la rue Sous-la-Chaux, la rue de Belfort, bien sûr, des vues de la ville sous tous ses angles, mais sans personne dans les photos, une sorte de repérage formel qui la fascinait.

    Puis elle est repartie très vite, je n’ai pas compris pourquoi, je crois qu’elle avait un rendez-vous urgent.

     

     

     

     


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