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Par Anthropia le 9 Janvier 2012 à 09:13
I awaked to find my spirit had returned
Merci de m'indiquer l'auteur si vous le connaissez
Courtesy Maison Rouge
My Winnipeg
Crédit photo Anthropia
"Je crois que ma Bovary va aller ;
mais je suis gêné par le sens métaphorique
qui décidément me domine trop.
Je suis dévoré de comparaisons, comme on l'est de poux,
et je ne passe mon temps qu'à les écraser ;
mes phrases en grouillent."
Flaubert. Lettre à Louise Colet. Croisset, lundi 27 décembre 1852. (5 heures)
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Par Anthropia le 11 Décembre 2011 à 10:45
Les anneaux de Buren et Bouchain
à Nantes
Juste en face de la maison d'enfance de Jules Verne
Crédit Photo Anthropia
Un extrait de la nouvelle "L'Amérique n'existe pas" de ce livre fantastique de Peter Bichsel, Histoires Enfantines
Le roi n'avait plus de bouffon.
« Viens avec moi », dit-il à Colombin.
Et les laquais et les servantes du roi, les comtes et tous les autres, tout le monde crut alors que Colombin était le nouveau bouffon.
Mais Colombin n’était pas amusant du tout. Il était là, avec son air étonné, ne parlait presque pas, ne riait jamais mais souriait lentement, et ne faisait rire personne.
« Ce n’est pas un bouffon, c’est un benêt », disaient les gens, et Colombin disait : « Je ne suis pas un bouffon, je suis un benêt ».
Et les gens se moquaient de lui.
Si le roi l’avait su, il se serait mis en colère, mais Colombin ne lui disait rien, car cela lui était égal que l’on se moque de lui.
A la cour, il y avait des gens très forts et des gens très intelligents, le roi était le roi, les femmes étaient belles et les hommes courageux, le prêtre était pieux et la fille de cuisine était laborieuse-seul Colombien, lui , n’était rien du tout.
Quand quelqu’un lui disait : « Colombin, viens lutter avec moi », Colombin disait : « Je suis plus faible que toi ».
Quand quelqu’un disait : « Combien font deux fois sept ? » ; Colombin disait : « Je suis plus bête que toi ».
Quand quelqu’un disait : « Est-ce que tu oses sauter par-dessus ce ruisseau ? », Colombin disait : Non, je n’ose pas ».
Et quand le roi demandait : »Colombin, que veux-tu devenir ? », Colombin répondait : « Je ne veux rien devenir, je suis déjà quelque chose, je suis Colombin ! ».
Le roi dit : « Il faut pourtant que tu deviennes quelque chose », et Colombin demanda : »Que peut-on devenir ? » .
Alors le roi dit : « Cet homme barbu, là bas, au visage brun et tanné comme du cuir, c’est un navigateur. Il voulait devenir navigateur, il est devenu navigateur, il traverse les mers et découvre des pays pour son roi ».
-Si tu le veux, mon Roi, dit Colombin, je deviendrai navigateur. »
A ces mots, la cour tout entière éclata de rire.
Alors Colombin se précipita hors de la salle en criant : »Je découvrirai un pays ! Je découvrirai un pays ! ».
Histoires enfantines – Peter Bichsel - Gallimard
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Par Anthropia le 8 Novembre 2011 à 12:16
Antoine Boute
Lisant « Tout public » en public
Crédit Photo Anthropia
REVOLUTION IS NOT A PIQUE-NIQUE (IN PARIS) !
Galerie APDV, 8 rue Changarnier, 75012 ParisPour en savoir plus ici
« Tout public l’hiver
Alors en ce moment ce que j’écris c’est
un roman dont le concept est d’être
tout public.
C’est un roman attention
sans trop de décès
ni trop de violence
ni trop de scènes sexuelles
atroces etc.
Dans ce roman que j’écris en ce moment
tout est dans la mesure
les scènes bien senties
le dosage du psychologique.
Du coup dans les premières pages on voit un mec
se promener dans la forêt avec son chien
la scène se passe à la fin de l’hiver
le mec se promène dans le froid avec son chien
et une femme court vers lui.
La femme s’approche
elle est très agitée et elle dit au mec :
« Monsieur s’il vous plaît venez m’aider mon enfant est coincé dans la maison j’arrive pas
à le décoincer ! »
Hop ni une ni deux le mec accompagne la femme
ils arrivent à sa maison qui est en fait
juste au bord de la forêt
juste à la bordure
à la lisière de la forêt.
Le jardin n’est pas entretenu du tout
il y a de la végétation parasite partout
des mauvaises herbes etc
et surtout plein de désordre
des vêtements
des objets en tout genre éparpillés sur ce qui était
avant
une pelouse.
Tout ce désordre a l’air d’y être depuis déjà un bout
de temps vu que
le tout commence déjà à pourrir
quand on lit ces pages on sent vraiment l’odeur du pourri de ces vêtements
nous monter à la gorge
on se demande vraiment dans quelle histoire
on est occupés à se faire embarquer là en ce
moment.
Tout public
Antoine Boute
Les Petits matins (éditeur)
Ce texte sur mon blog parce que j’en aime l’humour, la posture narrative (extra-diégétique comme dirait Genette), l’auteur raconte un livre qu’il écrit, on est dans le récit, puis se fait le critique de son travail comme s’il montait via la caméra sur grue prendre son texte en plongée. Antoine Boute est venu lire Tout public dans les jardins des logements sociaux de la Porte de Vincennes, invité par la Galerie APDV d’Yvon Nouzille.
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Par Anthropia le 6 Août 2011 à 12:09
Anish Kapur
Monumenta
Le Grand Palais
Crédit Photo Anthropia
A ne pas emporter sur la plage, parce que les livres méritent le fauteuil, la lampe qui éclaire juste au-dessus, la position du lecteur, tournant les pages, sans se contorsionner.
La Grande Maison de Nicole Krauss
Un roman "spannend", une élégance dans l'écriture, des "lignes de faille" comme aurait dit Nancy Houston, et ce qui fait lien, c'est un secrétaire énorme, plein de tiroirs, que les écrivains se repassent, un poète chilien, une écrivaine de New-York et une autre d'Angleterre. Et puis ce personnage étrange, une sorte de détective des objets perdus, un antiquaire qui écume l’Europe et dont les enfants terribles sont craquants.
(Profitez-en pour lire aussi Histoire de l'Amour en poche de la même Nicole Krauss).
Actes de naissance d'Elisabeth de Fontenay
Un livre d'entretiens, qui retrace une sorte de biographie par les livres et les philosophes. Une femme entêtée, qui se positionne entre l'extrême-gauche et le judaïsme, et dont l’histoire familiale a structuré la pensée, dans ses combats et ses apories. Emouvant et intellectuellement nerveux.
Le garçon qui voulait dormir d'Aharon Appelfeld
L'itinéraire d'un enfant perdu, qui s'est joint aux migrants, sortis de camps de concentration, et qui vont traverser l'Europe jusqu'à Naples avant de s’embarquer pour Israël. Ils se succèdent pour porter dans leurs bras ce garçon sans identité, qui veut dormir pour ne pas oublier ses parents. Parce que seuls les rêves les lui restituent, en image et en parole.
Les grandes personnes de Marie N'Diaye
Une pièce de théâtre, sur les destins tressés de familles, je n'en dis pas davantage parce que c'est court et saisissant. Une femme de peu se lève et dit les choses en face. La vérité.
Vivre pour écrire d'Anouar Benmalek, entretiens réalisés par Youcef Merahi (Zellige)
Une série d'articles sur l'écriture, son amour de la vie, son parcours, des entretiens avec cet auteur algérien francophone, qui dit son rapport à la langue française. "Un roman n'est pas là pour illustrer une thèse, mais pour rendre compte d'une expérience humaine avec toutes les ambiguïtés, les défaillances, les imperfections mais aussi la grandeur de l'être humain".
Façons de lire, manières d'être de Marielle Macé (nrf essais Gallimard)
Un essai sur le style, comme moteur de l’individuation et processus de devenir de soi.
Le style pour Marielle Macé, c'est « la capacité humaine ». Selon elle, le style est partout présent dans l’existence, il n’est pas cantonnable à une recherche de distinction, statutaire, le désir de se séparer, d’intimider par exemple, mais il désigne quelque chose comme la mise en jeu permanente de notre capacité à donner un certain aspect à notre présence, à notre présence à nous-mêmes, à notre présence aux autres, à notre façon de regarder, d’être affecté par les choses. Le style, c'est l'art d’en faire un instrument permanent de constitution de soi.
Elle donne un sens au mot "style", cherchant à en faire, non le mot de la fin, mais une question, quelque chose de l'ordre d'un processus, comme le moteur de l'individuation, un processus d’un individu pris dans un milieu, dans son rapport à la musique par exemple ou au paysage. Tout ce qui met en rapport avec une forme autre que soi, au contact de laquelle on est conduit à se déphaser, se rephaser et à aller un peu plus loin dans le rapport à soi et dans le rapport aux autres.
Elle aborde la question de la lecture et de la littérature comme guide des conduites, une sorte de rapport de force pour le meilleur et pour le pire. Parfois tout simplement, les œuvres sont plus fortes que nous. Une forme possible d’assujettissement. Un texte classique domine, empêche.
Marielle Macé cite quelque part ce poème de Francis Ponge, que je vous recopie ici.
LES HIRONDELLES
ou
Dans le style des hirondelles
(RANDONS)
Chaque hirondelle inlassablement se précipite ― infailliblement elle s'exerce ― à la signature, selon son espèce, des cieux.
Plume acérée, trempée dans l'encre bleue noire, tu t’écris si vite !
Si trace n'en demeure…
Sinon, dans la mémoire, le souvenir d'un élan fougueux, d'un poème bizarre,
Avec retournements en virevoltes aiguës, épingles à cheveux, glissades rapides sur l'aile, accélérations, reprises, nage de requin.
Ah ! Je le sais par cœur ce poème bizarre ! Mais ne lui laisserai pas, plus longtemps, le soin de s'exprimer.
Voici les mots, il faut que je les dise.
(Vite, avalant ses mots à mesure.)
L'Hirondelle : mot excellent ; bien mieux qu'aronde, instinctivement répudié.
L'Hirondelle, l'Horizondelle : l'hirondelle, sur l'horizon, se retourne, en nage-dos libre.
L'Ahurie-donzelle : poursuivie, ― poursuivante, s'enfuit en chasse avec des cris aigus.
Flèche timide (flèche sans tige) ― mais d'autant véloce et vorace ― tu vibres en te posant ; tu clignotes de l'aile.
Maladroite, au bord du toit, du fil, lorsque tu vas tomber tu te renvoles, vite !
Tu décris un ambage aux lieux que de tomber
(comme cette phrase).
Puis, ― sans négliger le nid, sous la poutre du toit, où mes mots piaillent : la famille famélique des petits mots à grosse tête et bec ouvert, doués d'une passion, d'une exigence exorbitantes ―
Tu t'en reviens au fil, où tu dois faire nombre.
(Posément, à la ligne.)
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Par Anthropia le 2 Avril 2011 à 11:21
Les dames
Crédit photo Anthropia
Théâtre, drôle de forme pour représenter le fait divers, quelques petits huis-clos intrafamiliaux, une ou deux rencontres entre familles, une réunion de parents d'élèves ; la pièce de Marie Ndiaye est une tentative de mettre en actes les paroles, celles qui performent, celles qui noient en confusion, celles qui enferment dans la peur et celles qui délivrent des secrets.
Il y a le secret de Madame B., mère de Karim, qui vient en étrangère comme en majesté, une majestée dévastée, ravagée, qui n'a plus qu'une force, celle de dire qu'il n'est plus question, plus temps de se noyer, qu'un godemiché du maître... Le mot est lâché, pas le verbe. Dire la difficile vérité, pour éviter qu'elle ne s'échappe en état gazeux.
"Il nous est apparu, à mon mari, cet homme pacifique, et à moi qui suis une femme bénigne, que c'était là un très grand crime, dont la gravité nous a même donné une sorte de vertige.
Puis, à tenter de le regarder en face, cet acte effroyable, nous en avons été éblouis, presque aveuglés.
Les jours passent et le délit s'effiloche dans le temps monotone-mais nous nous cramponnons à notre certitude première, qu'il s'agit là d'une faute irréparable et que notre ébranlement doit résister aux efforts des uns et des autres de lui faire perdre son caractère absolu".
Un entêtement, l'insistance d'une femme puissante.
Mais des secrets, il y en a d'autres, à tous les étages ; les destins des familles s'entrecroisent, la fille partie loin, le fils interloqué, le Maître, un bon fils, ça se noue et se dénoue peu à peu, mais la vérité ne délivre pas du mal.
Le théâtre pour proférer. Un drame n'est pas un récit, c'est une mémoire de mots. Des mots nitro-glycérinés, des mots calcifiés. Les grandes personnes vacillent quand ne les maintient plus le corset du secret, mais la parole apparaît alors comme ce qu'elle devrait toujours être, un bégaiement.
Entendez-les dans Les grandes personnes de Marie Ndiaye chez Gallimard.
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