-
Par Anthropia le 19 Février 2011 à 11:34
Dubossarsky - Vinogradov
Japanese beauties under the water
2005
Galerie Krinzinger, Vienne
FIAC 2008
Crédit Photo Anthropia
Epopées intimes
Philippe Minyana
Entretien avec Hervé Pons
Les Solitaires intempestifs
votre commentaire -
Par Anthropia le 11 Juillet 2010 à 11:31
Vie et mort d'un stylo (détail)
Salon de Montrouge
Crédit Photo Anthropia
Cela commence comme un soir de coupe du Monde, quand tous vos amis vous ont fait faux bond, vous cherchez vainement sur votre menu TV une série potable à regarder. Et vous tombez sur un feuilleton que vous aviez jusqu’ici réussi à éviter, un sous-sous « Grace Anatomy », j’ai nommé « Mercy Hospital ».
J’en étais à une petite demi-heure, me tâtant pour zapper, quand arriva cette stupide histoire de pingouins. Un type avait enlevé deux pingouins au zoo pour les donner à sa petite amie qui venait de rompre. Elle adorait chez eux leur grande fidélité ; lui, pensa la récupérer en lui offrant les mammifères. Mais cela se passa mal, les pingouins le rouèrent de coups de becs et il arriva à l’hôpital défiguré et recherché par la police. Confiant à l'infirmière son inquiétude pour les pingouins, ils étaient dans le van, il convainquit la nurse, ni vu, ni connu, de les lâcher, dans la nature,pour que la police les récupère.
J’en étais là du poussif épisode, quand l’histoire se prolongea par une scène de la même infirmière, en mal d’inspiration pour récupérer son ex, qui crût bon de s’inspirer du coup du retour de flamme de l’être aimé à l’aide de pingouins en peluche. Elle sonna à la porte de son cher et tendre, qui lui rappela fort opportunément qu’elle l’avait trompé avec un autre type. Bref, échec sur toute la ligne. C’est là que je dis Stop à l’indigence télévisuelle et décidai de me plonger dans ma dernière razzia librairiale (oui, je sais je viens de l’inventer).
Vous savez, on devrait toujours prendre des risques en matière de littérature. En fait, je n’en ai pas pris. J’ai compté renouveler le miracle avec deux auteurs que j’ai tellement aimés. On ne devrait jamais dire qu’on aime un auteur, mais qu’on aime un livre. J’ai donc tenté le dernier Daniele Del Giudice, « Horizon mobile », vous allez rire, le roman commençait par une histoire de pingouins sur la banquise, mais stoïque, je décidait de m’accrocher ; je tentai de suivre ce journal de voyage, j’en étais sûre, le petit miracle du « Stade de Wimbledon » allait se reproduire, ce livre sublimissime. Et bien non, après trois chapitres, puis le saut de pages, tentant de trouver quelque chose qui m’inspirerait, j’ai dû lâcher Daniele. Désolée, mais je n’entendais plus ta voix, je n’entendais que des bouts de récits, oui, les Yahgans, j’ai lu, page 135 et suivantes, mais comment dire, c’était des histoires d’explorateurs, et je ne t’ai pas trouvé malin sur ce coup-là, toute la partie défilatoire (oui, celui-là aussi je l’ai créé) me tombait des mains, j’allais dire des mots. Alors je t’ai quitté.
J’ai voulu me vautrer dans les bras de Frédéric-Yves Jeannet, dans son dernier « Cyclone ». Chez lui, son « Charité » m’avait scotché, un grand livre, puis j’avais suivi, même le dialogue par mails entre Annie Ernaux et lui, mais son Cyclone ressemblait à Dien-Bien-Phu, la photo de Christine Spengler, après la bataille : un cataclysme de mots, un enchevêtrement de phrases, les unes derrière les autres sans queue ni tête, sans respiration, vous me direz, alors c’est réussi, pour un cyclone, oui, mais non, parce que je n’ai pas pu accrocher, pas de place pour ma pensée dans ce souffle enchaîné. Dans Charité, il m’avait emmené, une grâce, une pureté, là il m’a laissé au bord du chemin, l’incantation des destinations étrangères ne fonctionnait plus, l’incessante traversée des océans non plus. Suis-je lasse de son histoire, toujours la même, de lire toujours le même roman ? Peut-être. Peut-être aussi est-il las lui-même de la raconter.
En littérature, prendre des risques n’est peut-être pas de réessayer avec un auteur déjà lu, mais de faire des découvertes, des vraies. Il y a quelques semaines, j’avais essayé Alice Zeniter, « Jusque dans nos bras ». Elle ne boxe pas dans la même catégorie, c’est une petite jeune, la vingtaine. Un roman générationnel, comme on dit, tout ça parce que sur le conseil de son éditrice, ça commence par une litanie de « Je suis de la génération de ». Mais cela permet d’entrer dans la génération de nos enfants. C’est frais, bien senti, en plein dans la problématique des sans-papiers, de mariage blanc, des copains de mon fils, Alice pourrait être une de ses meilleures amies, il en a des comme ça.
A recommander donc.
Mais hier soir, j’ai tenté à nouveau l’aventure en compagnie d’un ami de plume, Pascal Quignard, dans « La barque silencieuse ». Il y a son bégaiement, « j’aurai passé ma vie à chercher les mots qui me faisaient défaut ». Il y a son érudition, de l’étymologie du corbillard aux corbeillats, étrange transport de nourrissons qu’on emmenait en nourrice par la Seine, aux métamorphoses d’Ovide, à la « tristesse mortelle » de Mme de Lafayette. Nous sommes sur le Styx, nous parcourons le chemin des mille, qui mène de vie à trépas, le va-et-vient de sempiternité, comme une scie, qui se fait de plus en plus entendre aux derniers jours de la vie. Cela se déguste, sans désespoir, sans idées noires. On apprend, on pense, on considère ; les derniers instants comme objet d’un récit, les morts burlesques, elles le sont toujours, les morts hésitantes, les signifiantes, les inconcevables, les terrifiantes. Cela ne fait pas livre, pensez-vous ? Allez-y goûter, vous verrez. Certains risques littéraires méritent d’être pris.
votre commentaire -
Par Anthropia le 14 Mars 2010 à 12:40
François Curlet
Boulevard
2005
Fred Vargas.
Critique de l'anxiété pure
Librio
3 € (pas beau, mais pas cher)
Il y a du Thomas Bernhard dans Fred Vargas.
Oui, j'ose, elle se lâche, elle entre dans un monologue de ouf,
dans un souffle long, qui vous le coupe parfois ;
vous donne au passage quelques leçons d'écriture,
à l'Antartique, en buvant un café au café,
quand vous tombez sur le premier venu venu.
Tout l'indique : elle lutte ardemment contre l'anxiété pure qui la guette.
Le projet, sans doute une semaine de travail,
pour se débarrasser de ses tracas, de ses obsessions d'amour,
et par la même occasion des nôtres.
Je m'identifie, pensez-vous.
Et bien, oui, par certains côtés,
parce que cette femme depuis longtemps est une mienne amie,
parce qu'on sent que chez elle la sororité, ça marche fort,
la "mienne jumelle", comme elle dit, c'est aussi nous.
Et puis, elle est bien zinzin, quoi,
elle a des chevaux mal dressés,
qui s'emballent trop souvent,
elle est de cette famille des grands nerveux,
chère à Proust et à Yves Saint-Laurent.
N'ai-je pas compris que j'avais eu des acouphènes,
le jour où un certain tueur en série a guéri ceux d'Adamsberg ?
Une frangine, je vous dis.
Alors sa critique de l'anxiété pure fonctionne.
J'avoue que j'ai sauté quelques pages,
mais je n'ai pas abandonné,
j'ai suivi jusqu'au bout.
Le L.A. et le F.I. sont notre escabeau,
ou plutôt les joints en acier qui relient les deux pans.
L.A. comme libre-arbitre, F.I. comme for intérieur.
Ne jamais s'en séparer, bagage obligatoire,
en cas d'amour, de guerre ou de tracas.
Je vous laisse aller assez loin
pour comprendre la recette miracle des Emèlborps.
Même si je vous l'avoue, j'aimerais bien que vous retrouviez,
sans doute à une des pages que j'ai loupées,
ce que sont ces fameux PFM, au nombre de 250,
qui posent des Problèmes "pas convertibles en Emèlborps",
j'y suis retourné pourtant mais sans trouver la solution.
Un livre bizarre, entre autobiographie et essai de philosophie zen.
Autoanalyse, dit l'éditeur, mais elle ne va pas très profond,
il y a de ces zones interdites, la mère, la famille,
on sent qu'il s'y passe un paquet de reproches et de tracas,
dont il faut bien vite se débarasser.
Il y a le "mien père", qui apprend le sens de l'inutile.
Pourquoi le latin ? Parce que ça ne sert à rien.
Oh, la jolie phrase, qui enseigne à ne pas voir que le travail.
Une phrase d'artiste, une phrase de dilettante, une phrase d'épicurien.
Mais alors, pourquoi l'autruche ? me direz-vous.
Parce que comme elle, elle a envie de se fourrer la tête dans le sable,
mais comme nous, elle s'efforce de courir plus vite que l'angoisse.
Elle tient ce fil, qu'il ne faut pas perdre et va jusqu'au bout.
Et puis, et puis...
Jetez-y un coup d'oeil, vous verrez, c'est jouïssif.
votre commentaire -
Par Anthropia le 20 Février 2010 à 11:58
Jaume Plenso
Proverbs of hell 32
One thought fills immensity corps
Biogallery, Fiac, 2007
Crédit Photo Anthropia
Revisité. Le pull marin revisité.
Le web revisité.
Le tiramisu ou Picasso revisité.
Il y a de la visite, façon tourisme,
on y retourne, eyes wide open,
on tente d'y voir quelque chose qu'on ignorait.
Le revisité est d'abord affaire de regard.
Mais aussi d'action.
Le pull marin revisité, c'est les rayures
qu'on tricote en obliques,
un petit col claudine pour déloger le col en V,
ou tiens, les motifs teints à même la soie sauvage.
Le pull marin comme du canada dry.
Et c'est là qu'est la ruse.
Revisité, c'est du commerce,
du marketing, du qui vous fait prendre
du fake pour de l'authentique,
je ne parle pas ici du venture,
qui convoque la mélancolie.
Qu'y a-t-il, sans blague, de plus laid
que des lattes de parquet revisitées
en lattes de plastique, couleur du bois comprise.
Comment croire à leurs balivernes,
la cheminé en fausses pierres
vous replongeant dans la maison de grand-mère ?
Mais bien sûr dans revisité,
il peut y avoir de la créativité,
un tarimisu revisité à la vanille,
au kiwi, peut avoir son charme.
Quand l'alternative proposée
vous rend curieuse, vous donne des images goûteuses,
apporte de l'invention, du charme, de l'humour.
Mais alors le web revisité, c'est quoi ?
Parce que le web on le revisite tous les jours,
on ne fait jamais le même itinéraire entre les liens,
c'est une partie de ping-pong,
où rien ne se passe jamais comme avant.
Le web revisité, c'est presque pléonastique,
par définition la toile est un système de neurones,
qui construit des connexions inattendues.
Que ne dit-on partout,
que le web est une des rares aventures
de notre quotidien ?
Oui, le "cul sur ma chaise",
comme disait le méchant Denis Olivennes,
je voyage, je rencontre,
j'erre, je me confronte,
et l'aventure parfois bouleverse,
allez-donc faire un tour chez K., crabistouille, MDA.
C'est peut-être le re- de revisité qui me gêne,
dans ce qu'il enferme dans un rituel,
et re-belote,
et le mot visite, j'aime pas les visites,
leur côté restreint,leur fausse nouveauté,
le sempiternel apéro avec les amuse-gueules,
tous les dimanches, j'allais en visite chez ma grand-mère,
j'aurais dû dire en re-visite,
et n'avais pas l'impression que c'était du revisité,
pas plus d'ailleurs que l'invité-surprise
qui ressort son éternel oeuf à la noix,
que son garçon fait mine d'admirer,
il ne faut pas décevoir papa.
Revisited finalement,
c'est l'aporie de la consommation,
voilà tout ce qu'on sait faire aujourd'hui,
les 70'ies revisited,
le rock and punk and jazz and what else r.........
Allez, un peu d'art contemporain pour se revivifier,
cet après-midi, le vernissage de la Galerie Air de Paris,
rue Louise Weiss,
et plus tard, Wolf von Kries à la Ferme du Buisson,
de quoi se déglacer les neurones.
votre commentaire -
Par Anthropia le 15 Février 2010 à 17:25
Jimmie Durham
Crédit Photo Anthropia
Qui n'a lu Testament à l'anglaise
de Jonathan Coe ignore le plaisir qu'il rate.
L'auteur de Birmingham né dans les années 60
témoigne de l'Angleterre sous Thatcher,
qu'on découvrira dans Bienvenue au Club
un solo de fraîcheur de ces teenagers,
entre rock et punk.
Sans oublier La Maison du sommeil,
un récit à suspens que vous ne lâchez pas.
Bref, le romancier Jonathan Coe fait partie
de ces narrateurs supportables,
de ceux qui écrivent encore comme au XIXème siècle,
mais sont sauvés parce qu'ils brossent des fresques
de notre époque, qui sonnent juste.
Cette fois, Jonathan Coe nous entraîne
sur la piste d'un écrivain, qu'il n'a pas connu,
dont il n'aime qu'à moitié les romans expérimentaux.
Il confie la première fois qu'il en a entendu parler,
c'était devant la télé, avec ses parents,
un homme seul sur une plage, un documentaire,
où B.S. Johnson (c'est son nom) monologuait.
Et la famille avait éteint le poste.
Ce truc-là n'était pas pour nous.
Le fils Coe était monté dans sa chambre.
Quelques mois après ce documentaire, Coe l'a appris plus tard,
l'écrivain s'était suicidé.
Voilà, on pourrait s'arrêter là.
Mais tout commence en fait.
Bienvenue dans l'enquête,
Jonathan Coe nous narre l'histoire de cet enfant d'ouvrier,
de cet étudiant tardif des lettres, de ce prof
qui savait s'y prendre avec les enfants,
de cet écrivain sûr de lui en écriture,
cela se lit comme un polar.
On devine qu'il y a là une dette de Coe.
Est-ce ce dos tourné de la famille face au documentaire ?
Ou une culpabilité vis-à-vis du fougueux éléphant
qui marche résolument dans les pas des Joyce et des Beckett,
parce que Coe, lui-même, n'a pas eu le courage
de cheminer sur les sentiers escarpés de l'aventure littéraire ?
Peut-être est-ce tout simplement que Johnson se plante,
dans ses amours, dans ses amitiés, dans ses croyances mystiques.
N'aurait-il pas rencontré une Dame blanche, sa Muse ?
N'érige-t-il pas ses piètes rencontres de quelques mois
en égéries inoubliées ?
et qu'à ce titre, il émeut, il énerve, il touche, il concerne.
Et pas seulement l'auteur.
B.S. Johnson, c'est celui que nous, la famille, avons enterré.
Qui connaît Monsieur Johnson ?
Et Coe paie sa dette, fait mieux encore,
rend cet homme attachant
on a envie de se précipiter sur ses romans,
tous bancaux, pas tip top, et pourtant,
juste pour voir, comment il s'y est pris,
comment il a tenté, échecs après échecs, ses expériences littéraires.
C'est une sorte d'artiste des romans tordus
que nous présente Coe,
tout en pistant chez l'homme,
ce qui a pu arrêter ce désir de vivre, en plein élan.
Jonathan Coe
B.S. Johnson,
histoire d'un éléphant fougueux
Quidam Editeur
Collection Made in Europe
30€ (je sais c'est cher, mais on en a pour une bonne semaine)
1 commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique