• Dans la brouette

    Atelier van Lieshout

    Woman in wheelbarrow

    2006

    Galerie Bob van Orsouw

    FIAC 2008

    Crédit Photo Anthropia 

     

    Pour commencer, une des raisons de l'infratexte de l'art contemporain, c'est de donner les bases sur lesquelles travaille l'artiste, on n'en a moins besoin pour l'art des siècles précédents, parce que l'infratexte est diffus dans la société, on sait tous des choses sur Giotto, sur Van Gogh, et donc on n'a moins besoin d'apprendre. Pour l'art contemporain, chaque artiste postule ses présupposés, et l'observateur tente de voir ce qui représente un pas en avant, un pas intéressant, soit parce que c'est nouveau, soit parce que c'est émouvant ou drôle, que cela travaille sur le support, sur la surface, sur le concept, sur le temps, etc.

    Dans l'atelier van Lieshout, dont j'ai déjà montré une oeuvre, un bébé sur le sol, aller sur Art contemporain p.2 in Shaking baby, ce qui me touche c'est le choix d'une matière durable, ici la céramique (avec le risque d'échec à la cuisson) pour une oeuvre légère, humoristique. Je suis touchée par ce rapport entre le dur et l'anecdotique.

    Parce que plantant une situation incongrue, un nu dans une brouette, on pense bien sûr au déjeuner sur l'herbe, un nu en extérieur.

    Je suis aussi touchée par le rapport entre la fermeture de la femme (céramique sans vagin) et l'aspect offert de son corps, on est confronté à une sorte d'impasse relationnelle, une femme offerte et fermée à la fois, et peut-être cela a-t-il à voir avec la posture moderne de ces femmes "impossibles", celles des pubs qu'on a tant transformées, rallongeant le cou, restructurant le visage, qu'on ne saurait en trouver une telle quelle dans la réalité.

    C'est aussi le corps nu qui renvoie à la sexualité apparemment facile, mais les gens n'ont jamais autant crevé de solitude, ouverture/fermeture.

    Et puis ce corps-là, c'est un corps fantôme, un corps de poupée barbie, sans sexe, sans poil, et le pire sans visage, c'est une ébauche de corps virtuel.

    Un art contemporain qui amène à réfléchir, c'est ce que j'aime.

     

     


     


  • Commentaires

    1
    yannick G
    Mercredi 11 Février 2009 à 10:54
    Ce n'est pas
    ma position préférée... Ben quoi, ce n'est pas à cela que se ramène et résume le fameux/fumeux concept de cet artiste... Ah bon ? yG ps: Wolinski en aurait fait un gribouillage en cinq secondes, il m'aurait peut-être, je dis bien peut-être, arraché un quart de sourire, mais là, devant tant d'heures de réalisation, le décalage tombe pour moi à plat, les bras m'en tombent et je détourne mon attention en une demi seconde. C'est tout le problème que j'ai avec une certaine approche de l'art contemporain, le concept m'apparait si "faible", si peu "éclairant", une blague pour pissotière, que je me demande encore pourquoi les artistes en appellent toujours au "concept" pour initier ou légitimer leur travail. Certes, cette œuvre aurait pu s'intituler, ceci n'est pas une femme faisant la brouette... mais c'est alors Magritte qui m'en aurait historiquement détourné. Expliques moi Anthropia, pourquoi elle t'interpelle, stp.
    2
    Mercredi 11 Février 2009 à 13:04
    réponse sous l'oeuvre
    pour toi Yannick G.
    3
    yannick G
    Mercredi 11 Février 2009 à 15:54
    Faire cuire n'est pas faire réflechir (part 1/2)
    Merci pour ce développement. Concernant l'infratexte, ce que j'appellerai le métalangage nécessaire à la compréhension d'une œuvre, il devrait être plus simple en effet de comprendre une œuvre "classique" qu'une œuvre "contemporaine", la société ayant depuis plus longtemps digérée les bases implicites de la première. Il n'en reste pas moins qu'une méta-analyse est nécessaire pour que je comprenne les "Les Ménines" de Vélasquez (cf. Michel Foucault, "Les mots et les choses", collection tel). On en revient donc rapidement, une fois le principe général admis, au cas par cas, quelque soit l'époque. Ici donc, vous dites : "ce qui me touche c'est le choix d'une matière durable, ici la céramique (avec le risque d'échec à la cuisson) pour une œuvre légère, humoristique. Je suis touchée par ce rapport entre le dur et l'anecdotique." Je constate également ce rapport entre l'investissement matériel/temporel et la fugacité/légèreté du message. Cependant, chez moi, cela m'affecte davantage que cela ne me touche. Je ne vois toujours pas, y compris après votre explication, le déjeuner sur l'herbe ou le rapport femme ouverte/femme fermée et ce qui s'en suit dans votre discours (ou celui de l'artiste ?). (à suivre part 2/2)
    4
    yannick G
    Mercredi 11 Février 2009 à 16:12
    Faire cuire n'est pas faire réflechir (part 2/2)
    Je vois par contre le fait que la matière choisie n'autorise que l'ébauche des formes, pas les détails (poils et sexe absent, car trop difficile à faire ainsi. Sans compter que les seins suffisent à signaler que c'est une femme et non un homme, pas besoin d'un visage, le signe sexuel distinctif principal étant à lui seul la totalité du signifiant renvoyant à ce signifié, c'est la femme comme corps sexué qui est visée), ce qui sied parfaitement à une ébauche, mais celle-ci reste longue, périlleuse (comme vous le notez avec la céramique) à mettre justement en "oeuvre". C'est effectivement la mise en lumière de cet unique contraste, rapide à conceptualiser, esquisser/long, délicat à réaliser que je perçois. Un contraste qui s'il m'interpelle, ne m'incite pas au respect, bien au contraire. J'y vois l'équivalent de ces exploits physiques aujourd'hui absolument incongrus et de fait condamnables, par exemple, traverser l'atlantique sur un truc pas fait pour le faire, à l'époque de l'avion ou des transatlantique. Comme vous, je recherche "Un art contemporain qui amène à réfléchir, c'est ce que j'aime." Or, ici, je réfléchis, mais contre l'œuvre, son existence même, pas avec elle. yG
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    5
    Anthropia Profil de Anthropia
    Mercredi 11 Février 2009 à 17:24
    Si vous admettez
    que cela vous a arrêté, énervé, l'artiste vous a donc interpellé, pas sur la base d'une esthétique à l'ancienne, mais sur ce qui fait l'art d'aujourd'hui. Plus intellectualisé certes.
    6
    yannick G
    Mercredi 11 Février 2009 à 18:00
    Tout est sujet de réflexion. Or, tout n'est pas art.
    Vous dites Anthropia :"Si vous admettez que cela vous a arrêté, énervé, l'artiste vous a donc interpellé, pas sur la base d'une esthétique à l'ancienne, mais sur ce qui fait l'art d'aujourd'hui. Plus intellectualisé certes." Mais justement, ce n'est pas lui, cet artiste, qui me donne à réfléchir, c'est moi qui vient avec ma réflexion. Lui être reconnaissant de ce que "JE" produis comme analyse m'obligerait à l'être vis-à-vis de tout ce qui m'amène à réfléchir, une pomme tombant d'un arbre, un étudiant tuant sa vieille logeuse, un abruti traversant l'océan en pédalo, que sais-je encore. Non, je n'adhère aucunement à ce schéma qui fait de nous tous, y compris de nos pires bourreaux/salauds/abrutis, les acteurs/auteurs de nos réflexions, ce pourquoi nous devrions les en remercier. Ils ne sont que le substrat de nos pensées, c'est bien assez, mais pas de quoi pour eux se vanter, encore moins de trouver là une raison valable d'exister. Être un sujet de réflexion, c'est trop peu pour mériter mon respect. yG
    7
    Anthropia Profil de Anthropia
    Mercredi 11 Février 2009 à 19:11
    tout n'est pas art
    non tout n'est pas art, mais un artiste qui pose une oeuvre aujourd'hui doit interpeller et tous n'y parviennent pas. Et qu'on ait à faire un chemin soi-même, oui, l'art ne se donne pas du premier coup, il demande un cheminement.
    8
    yannick G
    Mercredi 11 Février 2009 à 20:28
    Du racolage passif et actif
    Interpeler pour exister, cela va de soi pour un artiste qui se veut ouvert aux autres et doit donc capter l'attention, mais interpeler à tout prix ne doit pas devenir son unique crédo pour autant. L'artiste est comme nous tous responsable de ce qu'il produit pour attirer l'attention, tout n'est pas plus permis à l'artiste qu'aux autres. J'ajouterai que si j'accepte de cheminer vers l'œuvre, j'attends d'elle qu'elle chemine aussi vers moi, pas qu'elle me laisse faire tout le parcours. Cela doit être une rencontre, et pour cela, il ne suffit pas qu'elle soit posé-là, depuis le temps, nous avons pris du champ avec le coup de l'urinoir, serai-je tenté de dire. S'il suffit d'aller vers pour transformer quelque chose en art, c'est dans mon regard et mes pas uniquement que se situe alors l'œuvre, et je n'ai donc pas besoin de musée ou de galerie et d'artistes pour avoir cet œil et cette démarche-là. A me laisser avancer seul, certains artistes contemporains m'ont ôté la nécessité même de leur être... heureusement pour moi, il y en a d'autres, moins avare et qui au lieu de laisser voir/réfléchir donne aussi à voir/réfléchir. yG
    9
    Anthropia Profil de Anthropia
    Mercredi 11 Février 2009 à 21:59
    C'est pas faux
    que la limite de ce cheminement, ce pourrait être la disparition de l'artiste, et pourtant il est là, il pose une oeuvre, et en face, il y a nous, la réception. Nous pouvons ne pas aller dans le musée ou la galerie, mais pour autant ce que nous verrons dans la rue ne sera pas une oeuvre d'art simplement du fait que cela nous interroge. Ou alors c'est nous qui sommes artistes, par l'oeil que nous posons sur ce que nous voyons, par le cadre que nous décidons.
    10
    yannick G
    Mercredi 11 Février 2009 à 22:17
    Hors d'oeuvre.
    Oui, c'est là tout le sens de mon interrogation sur le statut d'artiste de nos jours. Où est-il désormais, de quel côté de l'œuvre ? Et l'œuvre elle-même par conséquent, où est-elle, dans la rue, le musée, sur les écrans... De moins en moins je trouve les distinctions classiques autour de l'art, en particulier le triptyque artiste-galerie-spectateurs, pertinente et surtout enrichissante. Ouvrons nos yeux, le monde nous parle sans cesse. yG
    11
    yannick G
    Mercredi 11 Février 2009 à 22:28
    Disparition
    Vous remarquerez que dans le triptyque que je nomme classique, artiste-galerie (ou musée)-spectateurs, l'œuvre a déjà disparu. Ce n'est pas un hasard ou une négligence de ma part, je pense qu'une pièce vide de tout acte créatif peut constituer aujourd'hui une œuvre censée porter un concept censée lui-même nous amener à réfléchir... Le geste créatif se suffisant à lui-même, la création peut disparaitre. Mais alors, pourquoi devrions transférer la réification désormais inutile de l'œuvre vers l'artiste, le porteur du geste ? Pourquoi devrions-nous attendre d'être en sa présence, celle de son geste, pour percevoir si ce n'est du sens, du moins un questionnement dans le monde qui nous entoure sans cesse ? Que n'avons-nous besoin de lui pour mettre en branle la machine à réflexion que nous sommes ? yG
    12
    Anthropia Profil de Anthropia
    Mercredi 11 Février 2009 à 22:36
    tu vois
    Soit l'art ne t'intéresse pas et alors ne lui demande pas rien, mais ce n'est pas parce que tu as un regard sur le monde que cela invalide le geste de l'artiste. Moi j'accepte d'entrer dans la réflexion sur l'art, j'entre dans la galerie, je m'intéresse à trier parmi les artistes ce qui pour moi résiste, comme réel transgressif, comme interrogation, et c'est passionnant de faire ce tri.
    13
    yannick G
    Jeudi 12 Février 2009 à 08:32
    Loin de moi
    l'idée de vous éloigner des galeries/musées et de votre travail de tri Anthropia. Bien au contraire, j'aurai plutôt tendance à vouloir enrichir votre espace en gommant les frontières à mes yeux artificielles entre œuvre d'art et non-œuvre d'art, entre artiste et spectateur, entre galerie et l'en dehors. Les happening collectifs organisés dans l'espace public par messagerie téléphonique, qu'ils soient initiés par un sujet qui se revendique artiste ou non ou par un groupe publicitaire génère également des questionnements, dont les protagonistes directs ou indirects ne sont pas les auteurs pour autant. Certes, il existe toujours d'autre part l'artiste "classique", celui qui se veut initiateur du questionnement, mais est-ce le seul auquel nous devons être attentif ? En quoi son désir de se faire entendre, lui, légitime son questionnement ? Voilà ce qui m'interpelle dans mon rapport à l'art contemporain. yG
    14
    Anthropia Profil de Anthropia
    Jeudi 12 Février 2009 à 09:13
    Mais ceci
    n'empêche pas cela, et vous le savez Yannick G. que pour être intéressée par l'art je n'en suis pas moins concernée par ce que je vois ailleurs. Pourtant je pense que se poser comme acteur de l'art contemporain donne une voix, un regard. Ce qui me parle, c'est justement de voir comment cette voix chemine dans le temps, comment tout ça fait une famille de pensée, de quête. C'est la voix qui m'intéresse dans la littérature, par exemple, et le regard sur le monde chez le plasticien.
    15
    yannick G
    Jeudi 12 Février 2009 à 09:53
    Tout à fait d'accord,
    l'un n'empêche pas l'autre, à ceci près, qu'il ne suffit pas qu'il y ait un regard (ou une plume) pour que celui-ci m'interroge durablement. Ici en l'occurrence, cette œuvre ne m'interpelle que quelques secondes peu cruciales dans ma vision du monde (il en va de même de nombre de romans qui me tombe des mains avant que je ne les prenne). J'ajouterai que Si le discours oral/écrit de l'artiste permet de développer sa pensée, c'est a contrario, parce que son œuvre seule en est incapable. Le plasticien, dès lors qu'il abandonne son matériau d'expression pour s'exprimer, se transforme en orateur ou écrivain. Ce qui ne veut pas dire que ce qu'il dit est inintéressant, mais qu'il est impuissant à le dire par son œuvre, qui n'est alors qu'un alibi à un discours qui se déploie ailleurs, dans la parole ou le texte, de l'artiste ou des spectateurs/critiques. Une fois de plus, l'œuvre disparait, elle n'a été qu'un déclencheur, une amorce et non une synthèse de la réflexion. C'est dommage lorsque cela se produit, c'est merveilleux, lorsque cela n'arrive pas. yG
    16
    Jeudi 12 Février 2009 à 10:24
    J'avoue
    que nombre de tableaux de vierges du XVième me lasse de la même façon, et si j'ai besoin de savoir qu'ici l'artiste a peint tel lieu, là que c'est la femme de tel bourgeois qui pose, pour m'y intéresser, c'est que l'art des siècles précédents charrie son lot de trucs inintéressants. Pourtant il y a des tableaux qui vous imposent leur "quelque chose", il y a des artistes qui vous scotchent sur place, plus ou moins, et il faut bien y aller voir pour voir ce qui sort du lot. Cette femme dans la brouette pour moi sort du lot et j'en vois des centaines d'oeuvres que je n'ai pas envie de photographier.
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