• Goya + - 

    Cliché Anthropia

     

     

    Lundi

    Le chien du voisin est guéri, il trottine l'arrière-train bandé.

    Depuis son retour, le voisin se tient les côtes,

    il s'est mis une sorte de corset blanc à la taille.

     

     

    Mercredi

    Lever aux aurores.

    Vu le soleil se lever sur la mer,

    On m'a prévenu, je vais entrer

    dans la cage aux fauves.

    Mais les fauves sont gentils,

    je les caresse, ils ronronnent.

     

    Mercredi

    Atterri à Bastia.

    Monte avec un chauffeur de taxi

    qui commence par mettre en route le compteur

    puis se met à tchatcher sans démarrer.

    Il ne sait pas où est la rue principale de Bastia.

    Il parle avec nonchalance, la voix d'un mafioso,

    je sens mes préventions

    remonter à la surface.

    On démarre.

    Mon répondeur m'appelle,

    j'écoute le message.

    Quand je dis : supprimez !

    j'ai l'impression de donner

    un ordre à mon homme de main.

    L'oeil noir du chauffeur

    me scrute dans le rétroviseur.

    C'est fou ce qu'un mot tout simple

    change de sens selon le contexte.

     

    Jeudi

    Tête à tête avec Le Monde, Le Figaro,

    Libération, Le Canard Enchaîné,

    Le Pas aveugle de Marie-Claire Grafé,

    j'en reparlerai.

    C'est jour de grève.

    A l'aéroport de Bastia,

    on attend des heures,

    parce qu'à Paris, les aiguilleurs tricotent.

     

    Vendredi

    Ma phrase du jour à un jeune collègue, qui énerve les vieux crocodiles.

    "La beauté de la pédagogie voit sa limite dans l'impatience des grosses têtes".

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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    Lundi

    Next ne va pas bien. Elle court partout, miaule et gémit à fendre le coeur.

    Chaleurs printanières. Ouvrir la porte.

     

    Mardi

    N'ai pas parlé ici de mon nouveau voisin, Osvaldo.

    Il est peintre, sculpteur, tendance néo-cubiste. Un grand.

    Pas mon style, je suis plutôt art contemporain.

    Mais le jardin a changé de couleur, surtout le vendredi.

    La fête, tous les vendredis.

    C'est ça les artistes argentins.

     

    Jeudi

    Chez mon marchand de journaux.

    Vous l'avez vu hier soir à Windsor. N'importe quoi, son discours.

    Il fait dans l'affectif. Z'avez-vu la tête de la princesse Anne ?

     

    Un vieil homme entre. Il prend le Figaro.

    Le marchand de journaux, remonté :

    Mais vous avez tort. Vous voyez bien, ce Sarko, il fait n'importe quoi.

    Le vieil homme à casquette et à veston de gabardine beige. J'm'en fous.

     

    Il sort.

    Mon marchand de journaux. Vous savez, celui-là, il se fait engueuler par toute sa famille,

    il est le seul à être sarkozyste dans une famille antisarkozyste.

     

    Il se fait engueuler, mais il s'en fout.

     

    Je sors. Je recroise le vieil homme plus loin à la boulangerie.

    Il me reconnaît, me sourit.

    Et la phrase sort toute seule. Pourquoi vous votez Sarkozy ?

    Il me regarde. L'air d'un petit garçon malicieux, de 70 ans.

    Ben vous voyez, il est jeune, dynamique. J'aime ça.

    Je ne rétorque pas. Rien à faire, celui-là n'entend que ce qu'il veut.

     

    Vendredi

    Ai revu Jean.

    Son cheval, qui était malade, est mort. C'était le petit-fils de Roquépine.

    Est-ce qu'on dit comme ça pour les chevaux.

    Est-ce que ce cheval connaissait sa grand-mère ?

     

    Samedi à la boulangerie

    Ma boulangère me regarde contrariée. Quoi ?

    Elle m'explique. Elle est en colère.

    Elle a vu à la télé un Chinois de l'ambassade de Chine à Paris.

    Il l'a énervée. Non mais vous voyez ce qu'ils font là-bas, contre les Tibétains.

    Et ce Chinois qui dit n'importe quoi.

    Je ne l'avais jamais vue aussi remontée, ma boulangère.

    Une petite femme, toute en boucles et en sourire. 

    Elle est marocaine.

    Elle aurait pu être boudhiste tibétaine.

     

    Samedi un peu plus tôt

    Il est passé. Une barbe de trois jours. Il m'a regardé.

    Ca y est je suis rentré.

    Cela faisait 360 jours qu'il était au Chili.

     

     

     








     

     

     


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  • L'homme de pierre sur le toit

    Cliché Anthropia

     

    Lundi

    Un groupe de fauves dans l'arène. Ils me tournent autour, prennent la parole chacun leur tour.

    Outrecuidance, spectacle, le lion et sa crinière, le tigre rapide, le vieil éléphant.

    Je suis dompteuse de profession.

    Mais là, je fatigue.

     

    Lundi soir

    Je prends la route. J'entre dans la nuit.

    Impression d'un temps qui ralentit, qui m'enveloppe.

    J'aime le danger de la nuit, dans la jungle de la pensée.

     

    Mercredi

    Téléconférence depuis la chambre d'hôtel. Choisir l'arrière-plan.

    J'évite le fonds avec lit, le fonds avec porte sur laquelle les tarifs sont affichés,

    et le fonds avec fenêtre (contre-jour).

    Ne reste qu'un tout petit angle entre la salle de bain et la chambre.

     

    Mercredi

    Rien de plus pour la journée.

    Visite de la fabrique de papiers peints chez Zuber à Rixheim.

    Des fresques coloniales, qu'on n'a pas le droit de photographier.

    De longs panoramiques qui garnissaient les murs des salons de la haute-bourgeoisie.

     

    Des indigènes nus cachés derrière des bambous, quelques bêtes sauvages,

     

    des femmes en robes à crinolines, des maisons blanches à baldaquins.



    Notre Occident a tant fantasmé sur les corps basanés et nus des autochtones.

     

    Mercredi

    Recherche sur Justine, la petite morte de 1917.

    Retrouvée. Morte, je veux dire. Morte en Alsace.

    On m'avait dit qu'elle était morte ailleurs.

    En Allemagne, de faim, à neuf ans.

    Pourquoi cette légende familiale ?

    Je voulais savoir où elle était morte. J'ai la réponse à ma question.

    Mais comme d'habitude, la réponse cache d'autres questions.

     

     

     

     

     









     


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  • Thomas Hirschhorn

    Luxus (détail du tableau "Eponges")

     

    in Le syndrome de Broadway

    Une proposition du Commissariat

    Exposition du 1er juillet au 16 septembre 2007

    Carte blanche donnée par Sandra Patron,

    Directrice du Centre d'Art du Parc Saint-Léger, Centre d'Art Contemporain

    Pougues-les-Eaux

     

     

     

     

    Lundi

    Je fête l'anniversaire d'un ami. Il a cuisiné un repas raffiné, des cailles, une mousse à l'orange. Quand je rentre, quelqu'un à la maison me raconte son repas d'artiste du soir, un repas noir, du caviar au radis noir, du rabbit aux petites pommes de terre violettes,  et le dessert pris entre glace à la réglisse et poire belle hélène. Et je me réjouis de n'avoir à partir travailler que le lendemain.

     

    Mardi

    Conduite dans un état second, le travail ruine la santé.

     

    Mercredi

    Ai revisité une friche industrielle que j'aime, un couvent de travail en rose et vert, dans un coin d'Alsace.

     

    Jeudi

    Les hôteliers qui vous annoncent à 20 heures qu'ils ne peuvent vous conserver la chambre réservée sont des criminels. Surtout quand vous savez que vous n'arriverez à la ville suivante qu'à minuit. Heureusement, cet hôtelier-là est correct, il m'a trouvé un autre hôtel et tout s'est bien terminé.

     

    Vendredi

    Ce que je retiens de cette journée de séminaire, dans un état proche de l'Ohio... Ce soir, Jean, avant de partir, avait l'air inquiet. J'ai demandé ce qui le préoccupait. Il m'a dit, mon cheval est malade. Et tout à coup, la vie urbaine, le monde du travail, les clients, les séminaires m'ont semblé tellement vains face à ce simple constat : le cheval de Jean est malade. En rentrant sur mon Pégaze à deux ailes, je regrettais de ne pas être en train de chevaucher dans la campagne, à la recherche de la lune blonde, dans la douceur d'une nuit éclairée.

     

     

     

     




     

     

     


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  • Cliché Anthropia

    Coloriage

     

    Lundi

    Vu le film No country for old man, des frères Coen, inclassable comme tous leurs films, entre polar et western. Réflexion sur la folie, la violence d'un "nettoyeur", sur l'appât du gain au péril de la vie, et la question des générations, un film d'hommes pour les hommes, je me suis sentie souvent indifférente à ces trucs de Mars, moi qui vient de Vénus (enfin il paraît). Même si Tommy Lee Jones, dernier rejeton d'un longue lignée de flics et excellent acteur, sauve le film. Une vie passée à juguler le mal, à apprendre sur les formes du meurtre, jusqu'à ce qu'il se sente hors du coup, lui aussi.

     

    Mardi

    Anecdote entendue dans un café. Un type va faire un bilan de santé à la Sécu. On appelle son nom, Monsieur T. Il se lève, se fait ausculter par le médecin, fait des prises de sang, rentre chez lui et attend les résultats. Une semaine plus tard, il reçoit un coup de fil, c'est le service de santé. Une femme, Mme T., a reçu ses résultats pour le compte de son mari, mort il y a des années, qui aurait fait des tests sanguins la semaine dernière. Elle a appelé affolée, croyant à un revenant. Non, c'était ses résultats à lui, son homonyme. Il a peur. Quand il finit par les recevoir, il constate qu'il n'est pas séropo, ouf, il a eu chaud. Il se dit qu'il n'aurait pas aimé qu'une autre personne le découvre à sa place. Il se dit que les fichiers sont mal faits, qu'ils auraient pu vérifier. Il se dit que la Sécu, c'est plus ça.

     

    Mercredi.

    Un ami me raconte son voyage en Italie, il était sur la piazza Navona, quand Prodi est sorti, sous les flashs d'une nuée de journalistes. Il avait remis sa démission. Sur la place, mon ami était entouré de centaines de néo-fascistes, la main levée, avec des slogans pro-Berlusconi.

     

    Jeudi

    Drôle d'Italie, à qui on n'a rien à envier avec notre ministère de l'identité nationale et les pratiques anti-étrangers. Voir ce qui est arrivé à cette enseignante mexicaine en voyage de tourisme en France, qui s'est fait embarquée dans un centre de détention. C'était dans Rue89.

     

    Vendredi

    Ai reçu un coup de fil, un ami a perdu sa maison. Il venait d'emménager. Il est parti quelques jours. Quand il est rentré, sa maison n'existait plus, brûlée jusqu'au sol. Toute sa vie dans les flammes. Il paraît que c'est un rongeur qui a provoqué le coupe-circuit. Et je me suis souvenue des objets, des photos, des livres, des manuscrits, des ordinateurs, des disques rares, des diplômes, des papiers, des oeuvres d'art. Voir sa maison voler en fumée, c'est triste, mais la maison d'un écrivain qui disparaît, c'est encore plus triste, les livres que nous ne découvrirons pas, les textes en attente.

     

    Samedi

    Suis allée voir la maison de Chateaubriand, à côté de la vallée aux Loups, un grand parc, la paix, la paix, la paix.

     

     

     


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