• Débris de semaine : Transparent n'est pas une couleur

    Rouge de l'autre côté

    crédit photo anthropia # blog

     

     

     

    Longtemps que je ne suis revenue sur les jours, qui filent, se délitent, me délitent.

     

    Un dimanche

    Suis arrivée auprès de Mina, avec mon barda, une couverture et un rouleau de feutrine de plastique, ne sais comment l’appeler, de celle qui me restait d’un vieux chantier de parquet, on la positionne sous les lattes, de quoi insonoriser ( ?) ou amortir ( ?), en fait à quoi ça sert, n’en sais rien non plus.

    J’avais pensé à lui apporter ce matériau léger pour au choix, mettre sous le corps, dans le Parc de Saint-Denis, -quand on y dort à même le sol, il faut sans doute se protéger de l’humidité, la rosée du matin, et peut-être mettre une couche supplémentaire, ont-ils des matelas pneumatiques comme n’importe quel campeur up to date, j’en doute-, ou le poser par-dessus sur la couverture, pour l’imperméabiliser, résister aux pluies intermittentes, chaud et anti-pluie donc.

    Quand je suis arrivée à sa place attribuée, le léger débordement du mur, au sol, là où elle s’assied avec Robert pour mendier, se trouvait déjà une femme qui lui montrait un mail, avec l’adresse d’une association de défense des Roms, elle lui demandait si elle pouvait lire, la femme parlait vite les mots se précipitaient moi-même n’était pas sûre de tout saisir, et Mina ne semblait pas comprendre, alors j’ai fait le geste d’écrire et là elle a souri, oui, je sais lire.

    Marrant que le lire et l’écrire se rejoignent même pour elle. On dit qu’avec le clavier pour stylo les petits perdront quelque chose de ce lien, je pense que ce sont les enseignants qui vont  y perdre une pédagogie, qu’il va falloir réinventer le b-a, ba, la méthode analytique devenant désuète dans ce nouveau paysage. Quant à la globale, on sait ce qu’il faut en penser.

    Puis sortant du Franprix, une ménagère de plus de cinquante ans, comme nous toutes là, a apporté un paquet de gâteaux pour Robert, j’ai tiqué, est-ce de première nécessité ?, puis acquiescé (mais on ne me demandait pas mon avis), précisément, apporter des gâteaux, des sucreries, c’est ce qui manque au quotidien.

    Comme cette fois où on avait fait une fête pour les SDF de La Défense, ceux qui vivaient dans les parkings, près des chaufferies, que les gardiens protégeaient, que les DRH venaient visiter, enfin les DRH avec un cœur, si, si, ça existe. On s’était promis de ne leur donner pour une fois que le superflu, des chanteurs qui avaient accepté de jouer gratis, des livres pour se distraire, simplement à la sortie du spectacle, ils partaient avec un sac-à-dos rempli d’un panier repas et de quelques bricoles utiles quand on vit dans la rue. Ah oui, on avait aussi un atelier Infirmerie, un atelier Coiffure, et quelques portants avec des vêtements chauds à emporter. Mais l’idée de base, c’était de leur donner ce qu’ils n’avaient que rarement au quotidien, la culture. Et ils étaient sortis heureux, fiers qu’on ait pensé à eux pour une fête inhabituelle. De quoi nourrir l’imaginaire, faire rêver pour une fois plutôt que mettre le nez dans une soupe qui n’a rien de populaire, une soupe qui vous sert la grande solitude qui est la vôtre dans un bol, une soupe qui vous dit, c’est toi, là, dans la rue, tu n’as plus que cette possibilité pour manger. L’aide terrible qui vous sauve et vous enterre à la fois.

    J’ai bien aimé ce moment d’un dimanche matin où une solidarité de quartier se mettait en branle, chacun à sa manière, on passait et on pensait à Mina et Robert. Et eux semblaient contents de ne pas être transparents.


    Un jeudi ou était-ce un vendredi.

    Place Clichy, au Cinéma des Cinéastes. Vu Mud. Boue. Le Collins ajoute his uniform was crumpled, untidy, splashed with mud et aussi to get stuck in mud, s’embourber, et un peu plus loin, mud-slinging, médisance, dénigrement. Tout ça dans le film. Le pitch officiel, « Ellis et Neckbone, 14 ans, découvrent un homme réfugié sur une île au milieu du Mississipi. C’est Mud : un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise ... ». Mud, la boue macule ses joues, mud, il s’est embourbé dans une sale histoire de meurtre du copain de son amour de jeunesse, mud, où se vit l’initiation d’Ellis, qui croit à la belle histoire d’amour de son ami, qui vit la sienne de son côté, qui lutte contre le mud-slinging, tous ces gens qui dénigrent son ami, sur fond de parents en pleine crise, qui finalement se rend compte que la réalité est plus complexe que ce qu’elle semblait, fin de son amourette, confrontation au réel tordu de cet ami, colère, et puis rebasculement final, où les ambivalences se révèlent et se retricotent pas trop mal. L’initiation, quand elle finit comme « leçon de vie », dont on tire le positif. Un bon film, où se vit une certaine transparence des relations. Même dans la boue, c’est possible.

     

    Un lundi nuit

    Les fantasmes ne se présentent plus à l’orée de la nuit, ils résistent, transparente à moi-même, je veux dire que le point imaginaire est flou, que les scénarii échouent faute de visage, la statue des certitudes a été déboulonnée, pas celle du récit toutefois qui s’organise, comme si je devais payer de ce trouble intérieur le prix de l’écriture. Rien d’automatique donc, c’est peut-être ce qu’on reproche à la transparence, quand elle est exigée comme un passe-droit, qu’on la veut sans la désirer vraiment.

    Ici elle se fait mendier. Et puis non, pas mendier, marcher pour la trouver, le réel se gagne par les pas de la réalité, résister avec le pas-nommé pour horizon, et peut-être qu’en place de la transparence, se trouvera une opalescence, laissant deviner les reflets irisés de la couleur, toutes les couleurs, comme ces objets technologiques qui via un petit circuit imprimé font défiler les mille et un tons de la vie.



     



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