• Des couvertures roses et du réflexe de photographier

    crédit photo anthropia # blog

     

    Jeudi ou était-ce vendredi, j'ai revu Mina, en-dehors du classique week-end, j'étais allée faire mes courses au Franprix et elle aussi avait changé son habitude.

    Mina ne s’habille pas à la mode, n’a pas de vêtements dont on pourrait se dire, tiens, elle s’est mise sur son trente-et-un ou aujourd’hui, elle est « casual », ou alors ce serait un trente-et-un ou un casual années, quoi, soixante-dix, ou mode roumaine, toujours est-il que certains jours, elle a les cheveux bien tirés en arrière, le pull rouge à motifs impeccable, et on sent qu’elle a jeté un regard sur elle dans un miroir avant de sortir, et d’autres, elle porte trois épaisseurs de laine tricotées à la main en chiné genre les vingt pelotes pour cinq euros, la jupe écossaise sur bas épais, le teint brouillé, et là on se dit, elle n’a pas pris de douche et elle a dormi dehors.

    Et voilà, cette nuit-là, elle avait dormi dehors, parce que le studio prêté n’était plus disponible, pas compris pourquoi, et ce que raconte ses yeux, c’est qu’il y a urgence. Alors je file acheter des provisions qu’on peut conserver et manger sans cuire, parce qu’elle n’a plus de réchaud.

    En sortant, je vois Robert avec des crayons et un cahier, Mina très vite glisse, il lit le français, il veut aller à l’école. Je demande à Robert s’il peut lire des livres sans images, il me dit sans sourire que oui. Robert ne sourit plus, ça qui me frappe, il a les yeux presque durs.

    Mina explique, on dort dans le parc de Saint-Denis, je demande tu n’aimes pas le canal, elle dit non, et Robert d’expliquer que ce qui compte au parc c’est les arbres et leurs branches basses qui protègent de la pluie, et jeudi ou vendredi dernier, il pleuvait dru sur Saint-Denis et la nuit qui avait précédé aussi.

    Je file chez moi, prends tout ce qui ressemble à une bâche, j’ai ce rouleau de plastique fin d’un chantier, le dernier, hop je l’embarque, à une couverture, la couverture laissée par les déménageurs épaisse et nettoyée il y a peu, hop je l’embarque, à des toiles, j’ai ce velours vert pâle, utilisé pour recouvrir un canapé il y a longtemps, hop je l’embarque, je mets aussi des barquettes de plastique, ce matériel de pique-nique que j’utilise une fois par an, hop je l’embarque, dans la chambre, je prends la collection des Kamo de Pennac (pensée pour le fils), hop, je les embarque, je charge le tout dans un gros sac IKEA, et reviens leur apporter ça sur le trottoir. La mine contente de Robert devant les livres, fais un petit bruit de langue contre ses dents.

    A ce moment-là, un grand black apporte une valise à roulettes, on a mis des vêtements dedans, ça pourra aller pour le petit. Sur le trottoir, se trouvent à présent un sac en intissé bleu avec marque jaune dessus, une valise à roulettes d’un gris passé,  un sac plastique plein de victuailles, dont sort un gâteau industriel sous plastique. Je dis, tu vas arriver à emporter tout ça, elle dit, mon mari va venir me chercher.

    En rentrant, me rappelle mon idée de la photographier de dos, zappée dans l’urgence, me dis que c’est pour la prochaine fois.

    Etait-ce le lendemain, j’ai photographié près du canal un jeté de lit en boutis rose indien, et un peu plus tard dans un campement de rom dévasté un couvre-lit rose pâle. Ai pensé à la couverture de laine que j’avais donnée il y a un an déjà à Mina, rose aussi. Est-ce que les couvertures données aux Roms sont roses parce qu’elles sont majoritaires dans nos chambres à coucher ou est-ce qu’on les donne parce que le rose est passé de mode dans la literie contemporaine.

    Hier suis retournée au campement pour voir la dégradation après les pluies des derniers jours et la couverture rose avait disparu, mais pas le sac. Et là, ai pris la photo.

     



     

     


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