• L'autre Fadette

    Francis Alÿs

    Paradox of praxis

    Mexico City, 1997

     

     

    Dans mon enfance, je pouvais passer des heures au grenier sur les vieux volumes en carton rouge et or de la collection Hetzel. Mon favori était La petite Fadette de George Sand. Le mot fadette m’étonnait, il m’évoquait la campagne, la pauvreté, j’associais aussi au farfadet, petit lutin à l’esprit follet, mais c’est au pied de la lettre que je prenais le mot, puisque je pensais qu’il s’agissait d’une petite fille fade, une fadette, quoi. Par identification sans doute, je n’avais pas encore l’égo très développé.

    Plus tard, j’avais découvert que Fadette signifiait, celle qui a des pouvoirs de fée (du latin fatum, le destin), ce qui correspondait bien au personnage de cette petite-fille de sorcière, qui cueillait des simples dans les marais, pour les rapporter à sa grand-mère, qui en faisait des potions magiques.

    J’en étais là de mon paysage intérieur, quand la presse envahit mes yeux, mes oreilles et mes narines, avec le mot, mais cette fois dans le sens tout à fait trivial, de FADET, pour FActure DETaillée, apparemment sorti tout droit du jargon policier.

    Il s’agit pour la police de pister les sources des journalistes. Rien à voir avec une écoute, c’est une lecture dont il s’agit, on analyse la traçabilité des appels, on repère les noms des correspondants soucieux de démocratie ; bref, comme l’a dit notre ministre de l’Intérieur, il s’agit tout juste d’un "repérage" par la facture. D’une manière ou d’une autre chez les UMPistes, tout finit toujours en gros sous, on s’en sert pour toucher, pour coucher, pour taxer et pour épier. Le bling-bling, alpha et oméga du sarkozysme.

    Comme ces mots barbares, DAB (distributeur automatique de billets), TGV ou RTT, la FADET est donc un acronyme, né de l’esprit sans culture d’un ingénieur ou d’un comptable, et ici d’un policier, pour se simplifier la vie.

    Sauf que là, il a pollué mon cerveau gauche, celui des contes de fée de mon imaginaire enfantin. Et ça, je ne suis pas prête à lui pardonner.


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