• Limonade, alles war so grenzlos

    Limonade, tout était si infini

    (titre d'une oeuvre d'Hélène Cixous - récit à partir de cette phrase de Kafka)

     

     

    J'aime cette phrase, les bulles si fines de la limonade, qui s'échappent dans un mouvement ininterrompu, la gratuité de la boisson parce qu'inessentielle, de l'eau de seltz et du sucre, la potion d'une enfance à l'orée de la nuit, quand le sucre console de tout, et la liberté d'une phrase qui fuse pour ne rien dire, ne rien céder dans une première lecture qui se dérobe, comme l'annonce d'un rêve obscur à décrypter.

     

    Suite ininterrompue de gouttes de rien, d'onces de néant, qui aurait fait souffle. Cela s'agite, il y a du désir, dans ce désert plein d'eau, il y a du stupre, dans l'innocence de ce bonne nuit de grand-mère.

     

    La chaîne des insignifiances dans cette phrase et puis.

     

    Alles war so grenzlos, une immense nostalgie, le regret de ce qui ne fut une fois que le vide, l'absence d'être, comme promesse de tous les êtres. Au-delà de cette limite. Beyond this limit. Pas de limite à l'avenir de l'humanité. Pas de mur qui traverse le pays, pas d'interdit dans les têtes, pas de règle qui norme ou légifère, un espace-temps de toujours dans lequel nous rêvons avoir été. Le bain primordial, la scène primitive, le grand rut de la rencontre.

     

    Et puis, le doute. Alles war so grenzlos, sans frontière, sans barrière, tout était si ouvert. Cela a-t-il été ? Un jour vraiment, jadis ? Y a-t-il eu sur la terre une telle promesse ? Il aurait été une fois où l'univers s'offrait sans pudeur, où l'infini d'une sphère pleine d'air aurait enchanté le monde ? Fut-il un jour, ce jour du toujours et du jamais, du grand Eternel, du Paradis de rien défendu ?

     

    Et le war. Warus, Warus(1). Le War, comme la preuve d'une fiction. Il était. Il y avait. Et donc d'une déception. Si le tout m'avait été raconté, mais le tout est là-bas, bien enfermé dans son imparfait, qui n'en finit plus de finir.

     

    Alles war so grenzlos. Limonade, tout était si infini. Et maintenant, hein, maintenant. Tout est fini ? Non, le grenzlos résonne, il raisonne avec nos si et nos ah, bon. Le sans frontière reste ouvert, comme un passé qui ne s'achèverait pas. Et de ce grand tout nostalgique, Kafka fait une traîne de mariée, la queue de la comète, la phrase ouverte qui est ce qui fut et ce qui sera. Ehié asher ehié. Je suis ce que je serai.

    Anthropia

     

     

     

    PS : Merci à Mémoire vive pour la photo

    (1) Warus, warus, gieb mir ... Cette phrase de défaite absolue, de nostalgie d'avoir perdu, l'appel aux regrets. prononcée par l'Empeur Auguste à prpos du guerrier germain Warus.

     

     

     

     

     

     


    Tags Tags : , , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :