• Loreto et le poulpe

    Loreto Martinez Troncoso et Lore Gablier

    (...continuarà) o en el camino o ...

    Performance ou Prise de parole publique

    La Ferme du Buissson

    Crédit Photo Anthropia

     

    « D’où vient ta passion pour disparaître ? ». Telle est la question énigmatique, découverte dans un livre écrit en castillan, qui a poussé Loreto Martinez Troncoso à entamer un bien curieux voyage, celui de sa propre disparition.

    Elle ressemble à l’Indien qui revient sur ses pas pour en effacer les traces, sauf qu’elle, en fait, compte le temps en se citant : « ça fait cinq mois et dix-neuf jours que j’ai dit… ». Elle écrit un texte qui mémorise les citations de soi et de quelques autres. Hommage lui soit rendu de saluer les Bartleby et compagnie d’Enrique Vila Mata et de donner à voir l’itinéraire d'un écrit dans la tête de ses lecteurs.

    Loreto Martinez Troncoso fait une œuvre en forme de traçabilité, une œuvre de notre post-modernité, qui préfère les archives de ce qui fût à ce qui fût, créant ainsi une contradiction dans les termes, une disparition/apparition dans le même temps. S’écrire disparaître et se rendre ainsi plus visible qu’on le fût jamais. Mais dans le même temps, nous rappeler que nous ne savons pas dire ce qui fût, sans sa trace. Et que tout est bon alors, même les traces qu’on reconstitue après coup.

    C’est peut-être pour ça que j’ai du mal avec ses performances. Le pillage des traces des autres fait partie de son travail. Monte-t-elle un mur contre la panique de n'être rien ? Pour ce faire, elle va jusqu'à parler de ses écrits en public, puis devant l’impossible lecture collective, la crainte d'une perte de crédibilité ?, la déception du spectateur ?, elle tente de nous avoir par quelque bon coup : un poulpe sur l’épaule, elle joue à la sorcière en concoctant une potion magique et nous fait même boire pour oublier. Tout est bon pour Loreto Martinez Troncoso, du moment qu'on parle d'elle. L'effet de fascination pour échapper à la réflexivité*, quelque chose comme ça, qui me dérange, peut-être la mise en abîme de ce qu'est un artiste, quelqu'un qui veut à tous prix échapper à sa psyché. Et je préfère ceux qui traversent le miroir, qui créent dans l'au-delà d'eux-mêmes, sans vouloir en faire l'économie.

    Mais elle est jeune. Elle est fille de la téléréalité et peut-être bien, je dois le concéder, petite-fille de Dali et des autres.

    Et pour ceux qui veulent succomber à sa sorcellerie, qui veulent bien se laisser fasciner, voici la recette du mystérieux breuvage, ce spiritueux à base d’eau de vie, tradition régionale espagnole : Mélanger 40% d’alcool spécial pour fruits, le jus exprimé de quelques citrons, des baies noires de café,  chauffer le tout, puis boire ensemble, se passer le bol. De quoi chasser les mauvais esprits.

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    * la réflexivité peut être d'abord définie comme mouvement de l'esprit revenant sur lui-même pour prendre pleinement conscience de soi

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    Cette performance fait partie d'une exposition, La Ronde, pensée par la commissaire invitée par Julie Pellegrin, Emilie Renard, qui a lieu à la Ferme du Buisson du 12 juin au 25 septembre 2011 (interruption du 25 juillet au 16 août).

    Ronde en ce sens de la transmission des oeuvres d'un public l'autre, de la vie à l'art, de l'individu au collectif.

    A voir absolument la vidéo de Dan Graham, Rock my religion, qui retrace une transmission entre les danses extatiques des Shakers et les adeptes du rock (clic).


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