• Mon pedigree : notes pour un cv

    Body Techniques

    (after A line in Ireland, Richard Long, 1974),

    2007/Série de 8 photographies

    Carey Young

    Exposition au Quartier (Quimper)

    crédit photo anthropia # blog

     

    Tentative pour un CV de pensée valorisant la vie de l'esprit, ce qui m'a marqué

     

    Qu’est-ce que je faisais en 1983 ?

    La bifurcation, c’est sans doute là qu’elle a eu lieu.

    J’étais partie pour la création, cinéma à Besançon –ce film sur les mains au travail, un montage de mains d’ouvriers, de potier, etc., et puis l’analyse filmique avec cette élève de Langlois et histoire de l’art-, puis à Montpellier à Paul Valery (souvenir surtout de chanter dans les restaurants), puis l’Allemagne avec cette année de musique, puis retour à Paris, travail avec RV sur projet dictionnaire des "Noms de pays", sur un projet de constitution écologique, les combats anti-nucléaires, Plogoff, la coopérative bio du XVème, la période vivifiante avec les amis, Jean, et là Paris VIII, de 1981 à 1984, Licence, maîtrise et DEA, juste avant connu les cours de Deleuze en 1980 à Vincennes, les gens assis dans le couloir, on n’entendait pas bien, ça faisait un peu trop gourou pour moi, juste avant le déménagement de Vincennes à Saint-Denis, souvenirs marquants les cours avec Ludovic Janvier, ceux avec Hélène Cixous (sur la pelouse du Château de Vincennes le samedi avec les traductions provisoires des textes de Clarice Lispector) et puis Marie-Claire Boons sur Lacan (lu les Fragments d’un discours amoureux), étudiante travailleuse, et là chansons, groupe, tours de chant en cabaret et en maisons de la culture, l’ArTanière aussi rue de la Glacière, ce lieu où j’ai rencontré Bernard Haillant, sa poésie, trois passages en TV (n’aimais pas les gens creux, le temps à attendre dans la coulisse pour passer une chanson).

    1983, c’est la bifurcation amoureuse, rencontre de JB (en fait, interviewé deux ans avant pour les besoins d’une émission). L’écriture dans la revue Types, le numéro qui invitait des femmes à écrire, les groupes mixtes où on passait des heures à réinventer les relations hommes/femmes, post-féminisme radical, jamais été ma bataille, Psychanalyse & Politique, on disait Psychetpo, pas ma position, en écho aux manifs quelques années plus tôt, la tentative de créer un centre avortement-contraception à l’Hôpital Saint-Antoine, l’échec, la comparaison avec l’Allemagne où on avait mis à peine un an pour en créer un à Mannheim, quelle différence dans le dialogue avec les élus, on était pris au sérieux là-bas, la bataille pour Bercy aussi, bataille pour sauver le vieux village, la chanson sur France Culture, gagnée, pour se voir imposer le POPB Bercy, on a échappé au centre commercial en hauteur voulu par Giscard mais en échange les ridicules façades de gazon sur la pyramide aztèque se moquant de nos élans et le mode de tonte du gazon, ont osé inventer les tondeuses à filins, et on a finalement eu le centre commercial dans les pavillons eux-mêmes, finalement on l’a perdue, cette bataille-là, comme les autres avant nous avaient perdu celle des Halles, et puis Radio-Tomate, les émissions « Du rêve sur la planche », le CINEL avec Guattari, les cours rue de Condé, sais plus, confonds avec les soirées chez Régis –même rue ?- beaucoup plus tard autour de l’élaboration des Cours de médiologie générale, et du projet qu’on avait fait pour l’Expo de Séville, croisé certains soirs Bernard Stiegler, avant d’aller à sa soutenance de thèse, souvenir de Régis dans sa cuisine en train de dire qu’ils se faisaient signe avec Félix de cuisine à cuisine à travers la cour, peut-être que c’était rue de Tournon qu’on se retrouvait, souvenir du grand divan où on se mettait les uns à côté des autres les jambes repliées en tailleur et souvenir de la soutenance de Régis, le grand tra-la-la intellectuello-bourgeois parisien.

    Un pedigree, sans doute, mes tatouages, qui ont fait que j’ai pu résister presqu’une décennie, élevage de bébé qu’on dit, ma belle réussite, jamais regretté, dix ans pour digérer les expériences tous azimuts, dix ans pour éviter de l’intérieur d’une boîte l’envoi à Cherbourg, passage obligé des jeunes consultants, dix ans pour préparer l’écriture, puis trois romans jamais édités. Heureusement qu’il y avait la lecture pour tenir dans l’aridité de ce monde où j’ai œuvré, fait une carrière comme on dit, tenté l’anthropologie sociale pour y comprendre quelque chose à ce monde d’hommes de la technique, créé ma SARL, s’appelait Moderato ou Tarquinia ou peut-être bien Stein, j'oublie, c'était il y a si longtemps, (mon test c’était les clients capables de dire le titre entier, il ne s’en est trouvé qu’un pour me le dire, mon chouchou), et surtout fait une longue psychanalyse, cinq ans de lecture de la bible avec les psys, quelques morts sur le chemin, fréquenté les rabbins intellos aussi, Lévinas un peu, avant qu’il ne meure, Bernheim très peu, Ouaknin davantage, puis un an de tentative approfondie chez les massortis, cherché mes racines en Allemagne (notes, photos, journal, de quoi alimenter un bouquin), dix ans pour aboutir à l’art contemporain, puis dix ans encore pour faire la synthèse de ce qui comptait pour moi, pour arriver à ce qui de toujours a été mon point de départ, écrire, mais comment. L’aventure du blog. Un mort sur le chemin. L’achat et la décoration d’un appartement. Et puis l’arrivée à Proust. Voilà.

    Un détour, mais qu’est-ce que t’as fichu tout ce temps, un détour, tant de choses à traverser pour avoir l’esprit libre.




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