• Rêverie interrompue par la police

    A reverie interrupted by the police
    Rodney Graham - 2003

    (droits réservés)


     




    Vous croyez voir un film de Buster Keaton, le burlesque devrait soulever vos côtes d'un rire irrépressible. Mais vous ne riez pas. Vous êtes dans une vidéo d'art contemporain, A Reverie interrupted by the Police de Rodney Graham.

     

     





    Comme Buster Keaton, l'homme à l'image affiche un air nostalgique.



    Sur la vidéo, avec des mouvements lents, il est entré dans le petit théâtre aux rideaux cramoisis, s'est assis sur le tabouret face au piano et s'est mis à jouer. Chaque instant dure une éternité.  



    Il porte sur son corps la trace de l'aliénation. Et vous le ressentez. C'est pourquoi vous ne riez pas. Cet homme est un prisonnier, il est en liberté pianistique surveillée, il est en permission de musique.


    Vous pensez à Miguel Angel Estrella, pianiste argentin, qui fût enlevé à Montevideo en Uruguay et demeura trois ans en prison. Pendant cette période, il conserva le mouvement de ses doigts en imaginant les sons sur un clavier muet, un piano né de sa psyché. Il avait ce don de s'extraire des geôles des généraux d'un accord virtuel plaqué, notes plus puissantes que les barreaux de sa prison.




    Ce prisonnier-ci a eu davantage de chance, on lui octroie un instant au théâtre, une aumône, l'os jeté au chien. Et pourtant pendant ces instants volés, la félicité est présente. Les triolets s'échappent, le goût de la belle est dans la tête, rien ne résiste à la musique.


    Mais l'homme porte un pyjama rayé, les grilles traversent son corps, a-t-il tenté une évasion, sort-il d'un asile. Point de salut pour lui. Un policier veille, veille à ce que tout cela cesse.  Il est présent dans la pièce, s'approche et vient poser sa main sur l'épaule pour rappeler l'heure, indiquer que la pause va vers sa fin.




    La scène est de pur Kafka, le prisonnier espère qu'au moment où on le changera de cellule, un maître, un bon maître, viendra dire, celui-ci, laissez-le moi, ne le remettez pas en prison.




    Mais le policier n'a ni la grâce, ni la perversion du maître, il exécute et vient finalement toujours interrompre la résistible échappée.







     


  • Commentaires

    1
    Dimanche 15 Octobre 2006 à 21:10
    Rêverie
    La vidéo dure 7mn
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