• Ta terre pour toujours

    Fayçal Baghriche

    Globe Terrestre, 2009

    Crédit Photo Anthropia



     

     

    Elle s'appelle Vanessa. Elle est d'origine vietnamienne.

    Elle a été adoptée, elle vit en France.

    Pour ses quatorze ans, ses parents ont décidé

    de lui offrir un voyage sur SON continent.

    Je veux dire qu'au lieu d'aller au Vietnam,

    ils iront en Thailande, comme si c'était pareil.

    Pas un pélerinage, ils sont à l'hôtel, en vacances ;

    comme une petite madeleine d'Asie,

    que ses parents lui offrent,

    elle qui n'est plus jamais revenue,

    depuis ses trois ans.

     

    Plus jamais revenue sur quoi ? sur sa base ?

    Quelle est la nature du lien entre une exilée et son continent ?  

    Viennent-ils pour la réinitialiser ? Je n'y comprends rien, à cette idée-là ; 

    faire goûter de l'Asie, à une Asiatique,

    cela m'a un goût de faute de goût, d'idée pas juste,

    doit-on lui rappeler que des peuples ont les yeux bridés ?

    Je n'y comprends rien à cette idée-là.

    Mais c'est comme pour le choix du prénom d'arrivée, Vanessa,

    pourquoi pas son premier prénom,

    quitte à faire dans l'exotisme.

     

    Enfin trêve de digressions.

    Vanessa en décembre avec ses parents à l'Hôtel de la Pagode,

    au bord de la mer.

     

    Manque de chance. On est en 2004, le jour de la grande vague :

    elle arrive, elle submerge tout.

    Le tsunami a englouti l'hôtel,

    l'hôtel s'est effondré sur les chambres,

    les chambres ont écrasé Vanessa et ses parents.

     

    Et tout ce qui reste,

    quand les gens en parlent,

    ce qu'ils retiennent, quand ils racontent l'histoire :

    ils voulaient lui faire voir sa terre.

    Comme un argument qui reproche.

     

    Comme s'ils étaient morts pour lui faire plaisir.

    Les récits de mort expliquent mal, toujours.

    Y avait comme une faute de goût,

    n'étaient pas à la bonne place au bon moment,

    à mon tour je tente d'expliquer, mais y a rien à comprendre.

     

    Qu'ils reposent en paix,

    sur sa presque-terre, leur terre pour toujours.

     

     

     

     

      

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Juléjim
    Samedi 20 Juin 2009 à 19:00
    Carrère
    Finalement, tu l'as lu toi aussi "D'autres vies que la mienne" ? La première partie, consacrée à ce drame du tsunami, est véritablement poignante. Si ce n'est déjà fait, on comprend mieux en quoi l'écriture littéraire est au-delà du réel, et donc au plus près du vrai.
    2
    Anthropia Profil de Anthropia
    Dimanche 21 Juin 2009 à 00:09
    Ben non, juléjim
    Cela c'est l'histoire d'une famille qu'on m'a racontée il y a peu, et je ne crois pas que cela soit la même histoire que celle de Carrère, dont j'ai dit que je ne le lirais pas.
    3
    Juléjim
    Dimanche 21 Juin 2009 à 10:56
    Evidemment non !
    Je n'ai pas voulu insinuer un quelconque plagiat, l'amie ! J'ai juste fait le lien entre les deux récits. Et pourquoi ce refus du Carrère , s'il vous plait ?
    4
    Anthropia Profil de Anthropia
    Dimanche 21 Juin 2009 à 11:10
    parce que
    J'ai détesté son précédent, qui m'a semblé malhonnête (positionnement abusivement victimaire), vaniteux et bourgeois. Et dans le dernier, au travers des émissions que j'ai suivies, j'ai l'impression qu'il se rachète une conduite, mais du coup, j'ai un vilain soupçon et n'ai pas envie de me faire avoir.
    5
    Juléjim
    Dimanche 21 Juin 2009 à 12:16
    Rien à voir...
    ... en effet. Autant "Un roman russe" est tourné, retourné vers lui-même, autant "D'autres vies que..." est "au service" de celles et ceux qui sont à l'origine du livre. Une sorte de démarche d'écrivain public. Moi ce livre m'a fait un bien fou. J'ai, nous avons tous des êtres chers à jamais disparus. Ils nous manquent et ils nous accompagnent tout autant. Peut-être que pour Carrère aussi il y a de ça dans ce que l'écriture a pu lui apporter. De toute façon, qu'il soit sincère ou pas, qu'est ce que tu risques vraiment ? Tu n'es même pas obligée de l'acheter !
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