• Diego Perrone La mamma di boccioni in ambulanze e la fuisione della campana

    (droits réservés)

     

     

     

    J'ai gardé d'une méfiance ancienne à l'égard des religions le réflexe de ne pas habiter près d'une église. J'ai toujours pensé que les cloches qui y sonnent sont faites pour envahir ma vie privée, pour remémorer aux chrétiens leurs devoirs à l'égard de Dieu. Mais me le seriner au creux de mon lit, quand je fais l'amour, dans mon bain ou lors d'un repas, c'est distiller à mon cerveau gauche via le rythme campanile les messages subliminaux de deux mille ans d'interdits de tous genres. Un peu comme dans ces villes arabes où chante le Muezzin, grande ressemblance de ce point de vue avec notre histoire occidentale.

     

    Et comme pour tout ce qui essaie de me manipuler à l'insu de mon plein gré, je préfère ne pas.

     

    A Colmar, au XIIIème siècle, une cloche avait été mise en place, la Zenerglocke, la « cloche des dix-heures », qui sonnait le soir et qu'on surnommait aussi Cloche des juifs, car elle signalait aux Juifs l'heure de quitter la ville, ceux-ci n'étant pas autorisés à dormir intra-muros. C'était l'époque des grandes pestes médiévales, des accusations d'empoisonnement des sources et des puits, des pogromes. Celui de Strasbourg en 1349 avait aussi eu pour conséquence de mettre en place une Cloche des juifs,  sonnant chaque soir le couvre-feu et cette obligation de quitter la ville. Cette pratique était répandue et s'est prolongée jusqu'à la Révolution française. A Neuviller-lès-Saverne, le bourdon, appelé Bürgerglocke (cloche citoyenne), sonnait chaque soir à dix-heure. Dès qu'en tintait le premier coup, les autres églises reprenaient en chœur la sonnerie et l'on fermait les portes de villes. Dans d'autres villes, on mettait des chaînes dans les rues. 

     

    Il n'y avait pas que les Juifs qui étaient concernés. A Colmar, les protestants aussi devaient quitter la ville. Et chaque soir, donc, chaque corps de métier devait replier son tablier, ranger son établi, prendre sa vareuse, chaque homme de la religion honnie désenlacer une femme aimée et quitter la ville pour rentrer chez soi, dans les villages et bourgs voisins, la banlieue, le long de routes sans lumière.

     

    Je me suis laissée dire par un protestant, il s'est présenté ainsi, qu'à Colmar, chaque soir à 22 heures, elle sonne toujours, la Zenerglocke, et qu'à cette heure plus proche du loup que du chien, il y pense, il ne plie pas bagages car il vit là, mais il sait ce qu'elle signifie. 

     

    Bien sûr, elle n'est plus que le symbole de cette autre époque, les portes de la ville ne se ferment plus derrière lui, mais il se sent convoqué à revisiter l'histoire. Petite madeleine, qui vient lui rappeler quotidiennement le statut de ses ancêtres coreligionnaires, par la cloche de dix-heures, il est toujours le paria de la ville catholique.

     

    Et je me dis qu'une région et une Eglise, qui conservent sans scrupule de telles traditions, devraient peut-être revoir leurs pratiques. Parce qu'après tout, nous vivons sous un régime républicain, où chacun est prétendument égal à chacun.

    Pour en savoir plus sur les cloches de nos villes, lisez cet article intéressant d' Eric Sutter
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  • Photo Mathieu Reinart

    Détail (droits réservés Alapage)


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    Cendrillon est en tête des charts en ce moment. Eric Reinhardt qui se prend pour icelle fait dans la personnalité multiple, il écrit tous les scénarii de la vie dont il est le héros, que se serait-il passé s'il n'avait été Eric Reinhardt, ou plus exactement, quels Eric Reinhardt se cachent sous la peau de l'écrivain, avatars de lui-même qui s'il avait suivi certaines pentes savonneuses du vice ou quelques pistes erratiques l'auraient habillé en sérial-killer, en hedge funder ou en...

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    Heureusement y avait la marraine, enfin la copine, qui l'a plongé hurlant dans une réalité réelle, et l'a forcé en quelques sortes à donner le meilleur de lui-même dans ses romans.

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    J'ai entendu sa lecture, qui ne m'a pas convaincue d'acheter le livre, malgré le buzz infernal depuis la rentrée.

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    Cendrillon donc, mais aujourd'hui c'est du conte de fée dont je veux parler, parce qu'il faut enfin que cesse le scandale absolu, la fatale erreur qui perdure jusqu'à nos jours, ou plutôt qui se développe à grande allure. L'algue tueuse, le ravageur contre-sens, j'ai nommé la pantoufle de verre.

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    Si vous tapez, Cendrillon, Conte, sur Internet vous tombez inéluctablement sur cette phrase : « Le prince la suivit, mais il ne put l'attraper; elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre ».

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    Vous vous attendez donc qu'elle se casse en mille morceaux. Manque de chance, la pantoufle de vair n'est pas en verre.

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    Comme tout un chacun qui s'est intéressé un jour d'un peu près aux contes de fée, je savais que verre s'écrivait en fait vair et que c'était de la fourrure. C'est tout ce que je savais. Mais j'avais un certain avantage si j'en juge par le nombre d'amis étrangers qui ont tous lu cette histoire dans la version traduite qui reproduisait en hébreu, en anglais, etc., le mot VERRE et qui s'étonnaient donc de ce que les Frenchies fassent des chaussures aussi fragiles.

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    Mais hier, je ne sais comment le sujet est venu sur le tapis, l'expert de la couleur, chez qui je dînais, celui qui a écrit le non moins expert Dictionnaire de la couleur, déjà commenté ici, la référence suprême pour apprendre sur la couleur, la lumière, etc., s'est mis à dévoiler le fin mot de l'histoire.

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    Vous apprendrez donc que VAIR est un mot qui vient de vairié, qui veut dire chiné. Qu'en l'occurrence la pantoufle de vair est en fourrure chinée de gris et de noir. Que cette fourrure était taillée par les peauciers dans la peau des écureuils, qu'on appelait pour certains Petits gris, qui faisait les manteaux les plus précieux, car il fallait en rabouter de nombreuses peaux (mettre bout à bout) pour arriver à réaliser des pièces de grande taille, il en fallait beaucoup de petites mains pour en venir à bout. Disposer d'une pantoufle de vair était donc un luxe.

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    Mais il est vrai que de nos jours, avec les ligues de défense de la nature, les anti-fur et les autres, raconter que la pantoufle de vair est en fait une pantoufle faite de pauvre petit écureuil, à qui on a fait la peau, cela ne sied pas à une héroïne de conte de fée. Alors, on préfère parler de verre et perdre la graphie rare du mot vair.

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    Pourtant cela aurait été joli de la garder en vair la pantoufle, d'imaginer que quand on la laisse tomber, elle ne se casse pas en éclats, mais se ramasse comme un doudou que le beau Prince met dans sa poche, qu'il caresse obsessionnellement jusqu'à ce qu'il la retrouve.

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    Mais une question demeure. Combien faut-il de peaux d'écureuils pour réaliser une pantoufle ? Cette question-là reste pour l'instant sans réponse. Une hypothèse, peut-être que celle de Cendrillon n'en comptait qu'une, étant donnée la petitesse du pied, ce qui rendait unique la personne qui pouvait la chausser.

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    NB : Ah tiens les Suisses, qui bloguent nombreux sur ce site, hein Emelka et Alain, savent eux que pour rabouter, on rapond chez les Helvètes. (Rapondre. Mettre bout à bout).

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    Cochon d'Allemand

    de Knud Romer

    Editions Les Allusives

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    On le lit, on entre peu à peu dans ce récit d'enfance, et on aime la fraîcheur du langage.

    Knud Romer, qui tient ce nom d'une lointaine origine italienne, est d'abord et avant tout le fils de l'Allemande, dans ce petit village danois, plein de suffisance et d'anti-germanisme primaire.

     

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    Et il ne fait pas bon être le fils d'une femme, à qui tout le monde tourne le dos, alors qu'elle a reçu la croix du mérite, pour ses actes de résistance au nazisme. Il faut croire que la nouvelle n'est pas parvenue dans cette bourgade, entre l'usine de betterave et le bureau d'assurance, où on se perd si aisément, que pendant la guerre, quelqu'un de la famille danoise du mari a fait un plan aux armées d'occupation allemande pour leur indiquer le chemin de la capitale.

     

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    Drôle de ville, qui n'a pas fait grand-chose pour s'opposer à l'envahisseur, et pourtant il y aurait eu de quoi, faire sauter un pont ou éteindre le phare, mais qui se venge de sa propre lâcheté en menant une guerre des boutons au petit garçon et à sa famille.

     

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    Knud Romer nous promène dans son arbre généalogique, fait de bric et de broc, de riches et de pauvres, de voulant réussir et de loosers. Il nous fait reconnaître la mère traumatisée à son regard fixe qui le transperce, quand les morts reviennent la hanter au détour d'une bouteille de vodka.

     

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    Il nous parle de grandir dans une petite famille suffisamment insuffisante comme toutes les familles, dans un petit pays de normopathes psychorigides, plus mesquins peut-être qu'ailleurs, qui isolent le triangle oedipien qui lui sert de nid, jusqu'à lui faire désirer la mer, la fuite, la ville.

     

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    Un bon livre de la rentrée, touchant et cruel à la fois.

     

     

     

     

     

     

     

     


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    Déformation du mot "lurette", de "heurette", petite heure.

    Depuis plus d'une heure semble la bonne traduction.


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    Masaï

    Guerrier debout

    Ousmane Sow

    (droits réservés)

     

     

    Sur la route de retour, sur le chemin devrais-je dire, dans les Monts de Lacaune, dans les senteurs de terre, parmi les gens qui n'ont pas besoin des vanités et des lumières de la grande ville pour exister, j'ai rencontré un homme, un homme qui ne m'a pas souri lorsqu'il m'a dit bonjour, et à qui curieusement je n'ai pas eu envie de sourire en lui rendant son bonjour.

     

    Comment dire, il y a des rencontres humaines, qui se font dans le regard, et lui et moi, on s'est reconnu. Sans se connaître.

     

    Je vous vois déjà concupiscer, imaginer, croire, mais non, circulez, y a rien à voir, en tout cas pas de ce côté-là.

     

     

    Cet homme, je l'ai rencontré, car il a vécu. Un ancien régisseur de théâtre parisien, qui a patiemment construit les chefs d'oeuvre d'éminents metteurs en scène inatteignables dans leur toute-puissante notoriété et qui a su leur dire leur fait, quand ils abusaient. Un homme qui a vécu plusieurs vies, qui a l'épaisseur des humains qui ont su traverser leur souffrance et qui sait ce qu'il a perdu, comme chez Vincent Delecroix, dans son livre "Ce qui est perdu". Comme cet écrivain d'ailleurs, il a quelque chose à voir avec le Danemark, il a traduit pour moi le nom de Kierkegaard, en danois cela veut dire cimetière, quand on sait comment Kierkegaard a préféré passer sa vie à parler de la mort, plutôt que d'épouser la fiancée qu'il courtisait, on se dit qu'on se fabrique dans les noms, les noms de famille. Cet homme-là a un nom, mais nous le tairons ici.

     

     

    Et quand je le rencontre, cet homme parle par son corps. Sa maladie, l'articulation du genou. Son mal a dit : Je/Nous ? Il a mal à un genou, sur un chemin de vacances, quand on marche, c'est embêtant, un genou qui fait mal.

     

     

    Alors, j'ai eu envie de lui raconter la mienne de vie. Mais nous ne l'avons pas fait, ou juste un peu. Il ne m'a pas dit, l'attente quatre ans pour avoir enfin un nom de père, l'enfance sur terre battue, les gueules familiales monstrueuses, les aller-retour entre l'institution et l'inhumaine famille, les coups et les paroles qui ne guérissent pas. Il ne me l'a pas racontée, car je l'ai lue dans ses yeux, cette enfance qui se réveille de temps en temps sur un sentier de conte de fées, quand le Petit Poucet se souvient.

     

     

    Mais je me suis sentie mieux de voir son regard de vivant-malgré-tout, de résistant de la joie, contre les brisants de mère abandonnante et les tempêtes qu'on laisse passer en attendant l'accostage dans un port accueillant. Et je voulais vous dire que c'est bon de rencontrer un homme-debout.

     

     

     

     

     

     

     

     


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