Par Anthropia
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Je suis à la banque, la banque où je retire de l'argent, la banque où j'en dépose, la banque où j'ai fait mon prêt, la banque près de chez moi, la banque qui me veut du bien, la banque qui me doit des comptes, bref la banque.
<o:p>J'attends dans la queue. Deux, trois personnes. Devant moi, une petite femme africaine, la quarantaine, le boubou, avec une veste en tweed, mélange cinquante-cinquante, façon robusta.
<o:p>Elle se retourne vers moi, me jette un regard d'épuisement, ses yeux fixent rapidement un ciel incertain, à qui elle n'adresse manifestement aucune prière, pour retomber sur mon visage, aussi vite qu'ils étaient montés, elle fait une moue, elle est fatiguée, elle n'aime pas attendre, elle ne dit rien, parce qu'elle sait que cela ne sert à rien.
<o:p>Madame, elle se remet dans l'axe pour faire face à l'employé de la banque. Il est assis, nous sommes debout. Elle s'approche, se penche pour se faire entendre. Elle dit, je veux ouvrir un compte. Il lui demande les papiers. Elle sort de son cabas des documents, un passeport étranger, qu'elle pose sur le bureau.
<o:p>Visage vaguement dédaigneux de l'employé, son buste recule sur le dossier, il touche du bout des doigts ce que l'autre a empoigné à pleines mains. Il regarde. Très vite, son visage s'immobilise, impassible. Il dit, attendez, je vais voir.
<o:p>La femme se retourne pour me regarder. Nouveau soupir. C'est long.
<o:p>Puis une employée s'approche, les joues rouges, les yeux sur le qui-vive, elle vient se mettre debout à côté de la chaise, se penche vers la femme et lui murmure d'un jet : partez vite, il vient d'appeler la police.
<o:p>Je vois le dos de la femme tressaillir, le corps se met à trembler, elle ramasse très vite ses documents, fourgue le tout dans son sac, puis se retourne pour sortir. Elle a le visage grimaçant et en larmes. Elle fuit, la honte est sur elle, elle est la paria.
<o:p>Je sors derrière elle. Je ne peux pas rester dans la queue à faire comme si de rien n'était, à dire bonjour au monsieur, à traiter mes petites affaires bien tranquillement entre Français de souche.
<o:p>La femme est déjà loin. Moi, je marche dans la rue, sans bien savoir ce que je veux faire, je ne suis pas sûre de vouloir rester dans cette banque. Existe-t-il en France un réseau bancaire non-délateur, un patron qui a pris parti, qui a dit, pas ça chez nous. Cela existe-t-il ? Merci de me le faire savoir.
<o:p>Vais-je rester dans cette France-là, quand on annoncera bientôt le Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale ? Quand les rafles se généraliseront, en douce, quand on interdira les vidéos sur Dailymotion, pour s'assurer de l'impunité ? A quand les disparitions sans suite ? Quand je vois la vie qu'il mène à ces personnes, je pense qu'il est capable de pire.
<o:p>Cette nuit, j'ai cru comprendre que l'acide avait coulé sur le dos et dans les yeux des jeunes, pire que des gaz lacrymogènes. Cette nuit, j'ai vu des gens qui se disaient mes amis acclamer Néo-Lepen. Cette nuit, j'ai vu des Français mous se vautrer à plat-ventre devant un nain. Je ne sais plus dans quelle France je vis. Elle est où, la patrie des droits de l'homme ?
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