Par Anthropia
Jimmie Durham
Crédit Photo Anthropia
Qui n'a lu Testament à l'anglaise
de Jonathan Coe ignore le plaisir qu'il rate.
L'auteur de Birmingham né dans les années 60
témoigne de l'Angleterre sous Thatcher,
qu'on découvrira dans Bienvenue au Club
un solo de fraîcheur de ces teenagers,
entre rock et punk.
Sans oublier La Maison du sommeil,
un récit à suspens que vous ne lâchez pas.
Bref, le romancier Jonathan Coe fait partie
de ces narrateurs supportables,
de ceux qui écrivent encore comme au XIXème siècle,
mais sont sauvés parce qu'ils brossent des fresques
de notre époque, qui sonnent juste.
Cette fois, Jonathan Coe nous entraîne
sur la piste d'un écrivain, qu'il n'a pas connu,
dont il n'aime qu'à moitié les romans expérimentaux.
Il confie la première fois qu'il en a entendu parler,
c'était devant la télé, avec ses parents,
un homme seul sur une plage, un documentaire,
où B.S. Johnson (c'est son nom) monologuait.
Et la famille avait éteint le poste.
Ce truc-là n'était pas pour nous.
Le fils Coe était monté dans sa chambre.
Quelques mois après ce documentaire, Coe l'a appris plus tard,
l'écrivain s'était suicidé.
Voilà, on pourrait s'arrêter là.
Mais tout commence en fait.
Bienvenue dans l'enquête,
Jonathan Coe nous narre l'histoire de cet enfant d'ouvrier,
de cet étudiant tardif des lettres, de ce prof
qui savait s'y prendre avec les enfants,
de cet écrivain sûr de lui en écriture,
cela se lit comme un polar.
On devine qu'il y a là une dette de Coe.
Est-ce ce dos tourné de la famille face au documentaire ?
Ou une culpabilité vis-à-vis du fougueux éléphant
qui marche résolument dans les pas des Joyce et des Beckett,
parce que Coe, lui-même, n'a pas eu le courage
de cheminer sur les sentiers escarpés de l'aventure littéraire ?
Peut-être est-ce tout simplement que Johnson se plante,
dans ses amours, dans ses amitiés, dans ses croyances mystiques.
N'aurait-il pas rencontré une Dame blanche, sa Muse ?
N'érige-t-il pas ses piètes rencontres de quelques mois
en égéries inoubliées ?
et qu'à ce titre, il émeut, il énerve, il touche, il concerne.
Et pas seulement l'auteur.
B.S. Johnson, c'est celui que nous, la famille, avons enterré.
Qui connaît Monsieur Johnson ?
Et Coe paie sa dette, fait mieux encore,
rend cet homme attachant
on a envie de se précipiter sur ses romans,
tous bancaux, pas tip top, et pourtant,
juste pour voir, comment il s'y est pris,
comment il a tenté, échecs après échecs, ses expériences littéraires.
C'est une sorte d'artiste des romans tordus
que nous présente Coe,
tout en pistant chez l'homme,
ce qui a pu arrêter ce désir de vivre, en plein élan.
Jonathan Coe
B.S. Johnson,
histoire d'un éléphant fougueux
Quidam Editeur
Collection Made in Europe
30€ (je sais c'est cher, mais on en a pour une bonne semaine)
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