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L'enquête sur Béatrix s'obscurcit

La Cenci

Guidoni

 

Des fantômes hantent l’histoire de l’art, Bilal dans son expo au Louvre nous conte l’histoire de Béatrix, qui inspira le tableau de Delacroix, Jeune orpheline au cimetière, en 1824. Il termine son récit sur la révélation du terrible secret de la jeune femme. « Béatrix Fouache épouse deux ans plus tard un jeune palefrenier. Elle a des enfants, sa vie sera harmonieuse. Jamais personne ne saura comment elle a fait choir son père de son cheval dans un ravin, un matin ensoleillé d’hiver. Sept ans de viols discontinus étaient ainsi effacés. Ce matin-là, il avait commis celui de trop, et elle a eu le courage… »

Le récit pourrait s’arrêter là, sauf que cette histoire m’a rappelé un fait-divers similaire qui était arrivé à une autre Béatrix en 1599, celle peinte par Guidoni et évoquée dans une nouvelle à tiroirs de Stendhal Les Cenci ici.

Stendhal avait découvert le portrait de Beatrix à la Galerie Barberini, lors d’un séjour à Rome. Puis avait mené l’enquête et découvert les minutes du procès Cenci. Il avait entamé un récit où il reprenait l’ « Histoire véritable de la mort de Jacques et Béatrix Cenci, et de Lucrèce Petroni Cenci, leur belle-mère, exécutés pour crime de parricide, samedi dernier 11 septembre 1599, sous le règne de notre saint père le pape, Clément VIII, Aldobrandini ». On découvrira plus tard que le fils n’avait pas été condamné, la justice romaine sachant protéger ses patriciens.

J’ai déjà écrit ici la façon singulière dont j’ai été mise sur la piste de Beatrix. Une amie possédait une des copies innombrables (jusqu’au XIXème siècle) du tableau de Guidoni ; un jour, elle tomba sur une des reproductions de son tableau en allant voir le film de David Lynch, Mulholand drive, une autre histoire de meurtres et de gémellité. Le cinéaste avait décoré une des pièces d’un appartement de ce portrait de la Cenci, donnant ainsi une des clefs de l’énigme du film.

Ce qui distingue l’histoire de Delacroix de celle de Guidoni, c’est la fin heureuse de l’histoire. Delacroix ne voit qu’une pauvre orpheline qu’il console. Bilal reconstitue la scène. « Ce jour de fin d’année 1823, dans le haras, le peintre n’a pourtant d’yeux que pour la jolie jeune femme aux yeux rouges implorant le ciel. Une orpheline, qui vient de perdre tragiquement son père tombé dans un ravin. La position de Béatrix (elle s’appelle ainsi) lui plaît. Son cou, et cette bouche qui semble chercher de l’air. De profil, l’image est saisissante. Il fait un rapide croquis, imparable du premier jet. Il s’approche de la jeune femme, la console de quelques mots. Perdre un parent est douloureux… « Oui », sanglote Béatrix. ». Quand Guidoni peint la jeune meurtrière à la veille de son exécution.

Changement d’époque. Le XIXème siècle permet aux filles de trouver des stratagèmes, quand les filles du XVIème siècle étaient doublement immolées. Seuls les pères ne changent pas.

Mais pour moi, le mystère s’obscurcit. Etrange coïncidence ; dans les deux cas, les pères commettent des incestes à répétition, dans les deux cas, les filles se prénomment Béatrix, dans les deux cas, elles trouvent un moyen de faire verser le corps de leur père dans un ravin. Et dans les deux cas, les visages de ces Beatrix se trouvent immortalisés dans des portraits saisissants de deux maîtres de la peinture.

Et je me demande si l’histoire de Delacroix n’est pas une légende qu’il aura servie à ses mécènes. Un peu comme Vermeer qui lui aussi s’était inspiré de la meurtrière de Guidoni dans son célèbre tableau, La jeune fille à la perle.

Décidément, la vérité sur l’affaire Béatrix n’est pas prête d’être découverte.

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