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    parmi les événements qu'il nous arrive combien résonnent comme coïncidences très peu mais ce sont ceux-là sur lesquels on s’empresse de projeter notre appétit de sens après qu’on a enterré dieu que la coïncidence serait la surface qui dit notre angoisse et notre envie de réparation que la simple existence du mot ouvre au monde de la nécessité de croire et qu’à cet endroit ne peut répondre qu’une respiration profonde une sourde allégresse tendant vers le réel une renonciation à prendre l’aléa pour le vrai le méandre pour le fleuve transitoire lacet qui ne dévie pas la flèche générale on y perd un peu de notre temps mais on peut toujours la laisser sur le bord du courant bornant le trajet de nos mûrissements


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    M’étonnais de ne pas la voir tous ces mois devant le Franprix, une vieille Rom l’avait remplacée, franchement ça n’était pas pareil, et ce matin, qui vois-je sur le trottoir, bien habillée d’un blouson de cuir noir, revenue s’asseoir sur le petit débord de béton devant la boulangerie, Mina.

    Tu étais partie en Roumanie ?

    Non, la police avait détruit ma cabane.

    Tu as trouvé où aller ?

    Oui, est allé à Alloche.

    Tu veux dire à Loches, à côté de Tours ?

    Oui, c’est ça, à côté de Tours.

    Elle sourit, toute contente que je l’aie comprise, et que oui, Tours lui dit quelque chose. En fait, elle parle mieux, avec davantage de vocabulaire. Elle m’explique qu’une femme rencontrée dans le quartier l’avait emmenée chez elle, dans sa maison en Touraine, elle travaillait, une notable, je tairai le métier par souci de discrétion, et Mina tenait la maison, lui préparait ses repas. Elles ont inscrit Robert à l’école juste en face de la belle maison et la vie est allée ainsi plusieurs mois. Mina en parle avec des lumières dans les yeux, un beau séjour. Et Robert était si content de son école.

    Mais tu es rentrée ?

    Oui, on a eu une nouvelle cabane à Sarcelles. Mais on était triste, on a pleuré, Robert avait des larmes, elle montre du doigt une larme imaginaire glissant sur sa joue, il aimait bien la dame.

    Mais pourquoi tu es rentrée alors ?

    Maintenant, on a une nouvelle maison, c'est bien.

    Je n’en saurai pas davantage. Quelque chose de nécessaire avait déclenché leur retour ici, avoir son chez-soi, peut-être juste ça. Qu'une cabane précaire serait préférable à un grand chez les autres et loin de ses amis. Peut-être ça, la cause du retour. Et qu'un délai de trois mois serait la limite au-delà de laquelle on risque de perdre les liens avec ses proches, sans doute aussi s’oublie l’habitude de se débrouiller seul dans la ville et que la domesticité, ça ne faisait pas son affaire. Elle a ajouté que le mari était reparti en Roumanie, d’un air si visiblement soulagé, que j’ai ajouté « bon voyage » en faisant un petit signe. Elle a ri. J'ai remarqué alors que sa cicatrice sur le front –souvenir de l’époux au couteau– avait presque disparue.

    Mina repart, que ça se mesure dans le sourire, dans le visage reposé, dans la conversation de tout, de rien qui se prolonge, la ligne droite d’une liberté retrouvée, d’un confort aussi, la cabane est très jolie, et quand elle le souligne, me monte au nez la senteur de sapin des planches équarries.


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