•  

    Débris de semaine : de l'intérieur, décoration et amitié

    Samedi

    On court après le temps, mais le temps ne nous en sait pas gré.

    Dimanche

    Devant le Franprix, Mina n’est plus là, les papiers de Robert ne lui avaient pas permis de rentrer en France avec elle, et elle n’avait pas les moyens de lui payer un nouveau passeport, indispensable pour passer la frontière. Je suppose donc qu’elle est repartie voir son fils en Roumanie.

    Lundi

    Décoration d’intérieur, quand l’autre intérieur s’estompe peu à peu, besoin d’esthétique, de faire du beau pour reconstruire. Cette intuition de la nécessité d’un grand chantier maison née juste avant la pénible nouvelle, et qui la relativise, n’en fait qu’une aventure à traverser parmi d’autres, plaisantes. Et ça y est, je sais couper les plinthes à quarante-cinq degrés, avec cet outil si pratique.

    Mardi

    Je n’écris plus Anchorage, je m’y remettrai en août. Il faudra reprendre le plan et introduire le contrepoint. Ne sais pas encore comment m’y prendre. Ce que je sais simplement, c’est la nécessité d’entrecouper le voyage d’autre chose. Et sans doute alléger le voyage, m’en tenir aux paysages sans les surcharger d’autobiographie. Me débarrasser de l’autobiographie.

    Mercredi

    La dernière séance. Vais pouvoir aller nager au petit lac pas loin.

    Cette nouvelle amitié avec une femme debout. Quel plaisir.

    Jeudi

    Le plus agréable, c’est ce moment où tu retires les dernières bâches, range le matériel de bricolage, dans le cagibi à côté de l’entrée.

    Ma maison, entrée ouverte sur une grande pièce de quarante mètres carré, tournant à angle droit sur la cuisine, et juste avant à gauche l’espace-bureau, là où j’entends mijoter le plat tout en écrivant, ma pièce à moi, avec le petit muret qui donne cette impression de profondeur, vue sur les bibliothèques du living, puis retour vers l’entrée où la porte du couloir introduit aux toilettes, la salle de bain, et les deux chambres. Et aujourd’hui, ouvrir la dernière pièce réjouit, ses dix-huit mètres carré en harmonie de blanc et taupe, avec une pointe fuchsia, des objets, la petite Carmen, une sculpture, posée sur sa tablette, quelques tableaux au mur, de quoi les méditer depuis le lit, et un vaste dressing, un vrai catalogue pour une marque de déco, je me sens presque prête à faire visiter pour la vente. Pourtant, la chambre fera d’abord son office de chambre d’amitié.

     

     

     


    votre commentaire
  •  

    débris de semaine : quelque chose comme des montagnes russes

     

    Lundi

    Le silence parfois a cette faculté de nous mettre à l’écart, ainsi l’absence, l’exclusion, le blocage. Quand les petites misères viennent en rajouter, en soulignement, t’as vu, t’es black, t’es bloquée, t’es blacklistée jusque dans ton mystère. Et pour certains, c’est drôle. Ta vie de merde, dit l’un d’eux, parce qu’on a des m….. dans la vie, on aurait une vie de m…... Lui, confond les deux.

    Mardi

    Histoire de prolifération, ça t’a valu d’annuler, mais le mardi suivant plus. Et ça déguste. Ça fabrique un tunnel immobile de sensation intense, non, non, vous n’avez pas le droit de bouger. Contre-coup, contre-choc, on.

    En rentrant en revanche on déguste du délicat, ça semble si vrai, si proche, alors on renoue. Toujours on renoue. Mais l’autre dégustation était lourde alors on se remet au café, on met tout ça dans l’humeur d’un poème qui plaint. Une chanson, un fado. Comme ça qu’on a toujours fait, chantes, ça fait du bien.

    Mercredi

    Miracle du corps qui se régénère d’une sieste longue et d’une nuit profonde. Et hop, on se remet aux peintures, aménagements et tri. On a fini la chambre. On chante en rangeant. Chantes, quand ça va bien aussi. Comme ça qu’on a toujours fait.

    En passant, on travaille, on a ces petits travaux qu’on glisse entre les tranches de soi.

    Et dans la centrale-roman, ça rumine, ça se prépare.

    Jeudi

    On répète avec la marionnette. On cherche un positionnement décalé, la vieille surréaliste, la vieille ne se résumant pas à l’âge de ses artères.

    Puis on travaille, on a ces petites réunions, qu’on glisse entre les tranches de soi.

    On ne cherche pas trop à voir à côté, on a l’impression, mais l'impression ne compte guère.

    On est dans les montagnes russes, mais on a l'âme russe, alors.

     

     

     

     


    votre commentaire
  • un, deux, trois, comptine

    Lire la suite...


    votre commentaire
  • crédit photo Anthropia # blog

     

     

    Lundi

    Où on prépare un spectacle avec les Toboggans Poétiques, pas encore annoncé, alors je n’en dis pas davantage, nos textes dits par des marionnettes, enfin nous, mais via les marionnettes activées par des marionnettistes, nous ou d’autres, et je découvre que c’est tout un art de savoir la tenir, de savoir comment orienter son regard pour qu’elle s’incarne aux yeux du public, la marionnette qui m’a été confiée  pour mon Poème cherche Respiration est issue de l’art du bunraku , une marionnette à taille humaine, même si elle n’a pas les traits d’un visage du Japon, elle en a la subtilité et on est deux pour l’animer, une marionnettiste et moi. Tout un art, oui, on n’aura pas assez des multiples répétitions prévues pour venir à bout de cette séquence qui ne fait que 3 mn dans le futur spectacle.

                                                                               

    Mardi

    En clientèle, comme on dit, me rends compte que c’est dynamisant, l’aller-retour, mais ce mardi, le choc d’un récit, le détroussement d’une vieille femme, abus de confiance par chéquier, et moi, choquée, écrit cette nouvelle en écho. M’est venue la voix du fils pour narrateur, j’aurais pu choisir un autre point de vue, mais c’est celui-là qui est venu, lui qui a découvert le pot-aux-roses. Envie de dire à tout le monde, faites attention, surveillez les comptes de vos parents âgés, même les meilleurs structures ne voient pas tout..

    Jeudi

    On m’a confié l’éditing des 18 pages de nos textes pour une revue poétique. Ne suis pas sûre d’être la bonne personne, mais on fait ça en mode participatif avec les Tob, c'est agréable, on en est même à voter le doublement ou pas de la consonne de ce mot créé pour nous, les Tobogganistes. Moi personnellement j’avais d’abord opté pour Toboggannistes, mais l’autre rime avec pianiste, alors ça me va. 

    Vendredi

    Me suis fait faire une carte de groupe sanguin. Est-ce que c’est très intime d’indiquer son groupe sanguin sur le web, l’intérieur absolu, sans traçabilité, sinon celle qu’on décide si on donne son sang, sauf que bientôt même nos données médicales numériques vont se retrouver chez Big Brother, dans le cadre de la Loi sur le Renseignement qu’on nous prépare, consultables par n’importe quel agent de police un peu trop curieux, sans le contrôle du juge, alors que le secret médical est le pilier de la politique épidémiologique, que sans la garantie que leur maladie, SIDA, ou autre, ne sera connue que du médecin et des patients, les gens ne se font pas dépister, par crainte, faisant ainsi galoper les courbes épidémiques. On ne mesure pas l’impact de cette loi sur la politique de santé. N’ai rien lu à ce sujet. Les médecins et les associations de patients feraient bien de s’y intéresser. Tout ça pour dire que mon groupe commence par. On ne se refait pas.

    Et en passant une remarque pour le Centre de Référencement de la Transfusion Sanguine, demander le statut marital du donneur façon Rhésus Mademoiselle, est-ce bien nécessaire, mon sang parce que féminin a-t-il un statut marital, est-ce qu’il change de couleur pour une femme mariée, (genre sang bleu comme pour les nobles, ou quelque chose comme la pureté du sang à l’espagnol), et pas si c’est un homme. Me demande à quoi cela peut bien leur servir de tracer ça.

    Samedi

    Presque rien fait. Repos, écrit un texte, vu des amis, des lectures, et soirée TV accompagnée par Twitter. Et pourtant, pas l’impression que c’était du temps perdu.

    Dimanche

    En allant voter, suis tombée sur un faire-part de condoléances, il s’appelait Moussa Doucouré, un brave jeune, mort pour un scooter. Me suis demandé si ce qu’on dit d’un art éphémère de la rue ne trouve pas ici sa limite, rien n’est venu effacer ces fresques murales posées sur le mur depuis 2004, est-ce que la pérennité de l’hommage ne confère pas à ces dessins le statut d’œuvre d’art et à la rue qui les abrite le nom de musée de rue. Est-ce que nos musées ne sont pas remplis de ce type d’hommages à de grands inconnus de nous.

                                                                  

     

    Ou alors on parle des cimetières et des pierres tombales. Mais pas à ça que j’ai pensé en passant devant.

    Et puis il faut en venir à la pénible nouvelle, que Mina, ma copine rom, rencontrée sur les marches du supermarché, n’était pas là aujourd’hui, ni son fils Robert, pas plus que ces semaines passées. Mohamed, le vigile du Franprix, corrobore, ça fait longtemps qu’il ne l’a vue. M’a gentiment proposé de demander de ses nouvelles à une femme rom qui passe le lundi pour faire les poubelles du magasin et qui la connaît bien.


    2 commentaires
  • Citation de Marcel Duchamp

    sur Takis, Les champs Magnétiques

    Palais de Tokyo

    En ce moment

     

     

     

    Un lundi

    On met quelques jours de conseil en route, ça tombe à pic pour les finitions avant revente de l’appartement, la règle, le « nickel chrome », tout a été refait, électricité, plomberie, salle de bain, une très grande pièce à vivre style loft avec grande cuisine et espace bureau séparés (transformation de la souillarde), peintures La Seigneurie classieuses, les deux chambres refaites, avec les tramways à deux minutes, la gare RER à 7 mn à pied, le métro à 10 mn, petit bois côté chambres, arboré côté living, et le balcon bien fleuri au moment de la mise en vente. C’est mon projet de 2015. J’ai habité ici cinq années, une expérience. Un petit coup de peinture, ici ou là, rangement général, suspension des tableaux, diagnostics à faire. Ceci n’est pas encore une annonce immobilière.

    Quitter cette ville de banlieue, je regretterai mon voisinage « melting pot et poète », mais me suis fait des amis que je reverrai, je regretterai la verdure,  le silence, favorable à l’écriture, et l’harmonie de ces pièces. Je ne regretterai pas la Mairie though, les manigances, etc. Le projet c’est « quitter d’abord » pour me donner les moyens de la suite prévue.

    Un vendredi

    Passé de longs moments au Palais de Tokyo, les nouvelles expositions, surtout Takis et ses champs magnétiques, un paysage de compteurs électriques et voyants lumineux en tous genres, le bouleversement de la boussole, et ses belles sculptures érotiques. En 1962, Marcel Duchamp dit de lui « Gai laboureur des champs magnétiques et indicateur des chemins de fer doux » et on s’y retrouve dans ce portrait.

    Un week-end

    Revoir une amie lointaine qui ne passe qu’une fois par an, poursuivre la conversation qui surfe avec les mails et les sites internet, l’IRL donne une certaine température de l’autre, cette fois, l’impression qu’elle vient respirer ici, difficile d’avoir ses amis à distance, dans mon projet d’aller la voir.

    Un mercredi

    N’y a pas que moi, tout le monde semble vouloir bouger en ce moment, certains partent pour la Drôme, un très cher près de Montpellier, d’autres cherchent à s’acheter un théâtre à la campagne, on découvre hier qu’un autre cher a fomenté son projet dans l’ombre, ce n’est pas la première coïncidence de nos vies, toujours un étonnement, et ce n’est pas que sociologique je pense, même si la bougeotte, qui chatouille le peuple, a sans doute aussi à voir avec l’indigence de nos gouvernants à nous offrir un projet désirable, trouver nos solutions de bonheur privé, les construire en dépit d’eux, faire avec nos équilibres financiers aussi.

    Un jeudi

    L’atelier pourrait s’appeler « Respirer/Ecouter », je le fréquente précisément pour ces raisons qu’un texte poétique s’inscrit dans l’aller-retour avec le public, avec les autres acteurs sur scène, qu’on apprend à trouver la posture d’instinct, par la présence aux autres, l’inspiration née du plus profond de soi, à combiner avec la flûte jouée comme un souffle qui se cherche, et un saxo qui anime les mots avec discrétion ou violence dans ses gammes schönbergienne (!), jamais un accompagnement, plutôt un contrepoint, et la musicienne personnalise ô combien.

    Un samedi

    Ils arrivent, se tiennent chaud, serrés sur les bancs, et on leur offre un spectacle, deux heures d’éclats, de rire et de poésie. On a refusé du monde. Comme si notre groupe paritaire, où ne domine que la joie de préparer ensemble ces interludes, savait transmettre ça aux autres, des glissades poétiques d’un solo à l’autre, le jeu entre les textes-maîtres et les textes frais des jours, une énergie.

    Un jeudi

    Pensé ne pas y revenir, et pourtant de temps en temps, rependre ces « débris de semaine », comme une queue de comète sur le blog, ça s’appellera comme ça.

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique