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    figuier sens dessus dessous

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    méditation sur image

    m'en vais écrire, la réserve est là

    chercher la déprise


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  • Christian Boltanski

    Trois colonnes : Jean Martine Sylvie, 2000

    FIAC 2007

    Cliché Anthropia

     

    La société est en panne de rituels.

    Un homme considéré comme schizophrène, ayant assassiné sauvagement deux femmes, ne peut être jugé pénalement. Les familles de victimes sont en panne de symbolique. Qui va dire ce qui est arrivé ?

    Les familles de la Shoah sont démunies devant leurs morts en camp, dont les corps sont perdus, leur fantôme les hante. Que faire pour enterrer des morts sans corps ?

    Une jeune mère, moderne, résolument athée, vient de faire incinérer sa petite, les amis se pressent dans une usine en pré-fabriqué, hangar moderne en tôle ondulée, dans lequel le petit cercueil est posé sur un tapis-roulant jusqu'à une sorte de «passe-plat», qui engloutit dans un non-lieu l'enfant mort. Pas un mot n'a été prononcé, on n'a pas le rituel pour ça.

    Deux-cent personnes sont parties dans un plan social, la direction n'a pas fait de cérémonie de départ et pour cause, la haine intériorisée transforme les licenciés en pauvres petites choses terrées chez elles, ne sachant comment prendre cette éviction non méritée. Comment extérioriser ces sentiments incompréhensibles et destructeurs ?

    Un homme vient de recevoir une lettre de rupture de la part de la compagne de quinze ans. Il lit les mots insultants, les mots de mépris, sans comprendre ce qu'il a fait pour mériter ça. Il ne parvient pas à oublier et se met à boire. N'a pas les mots pour s'en sortir.

    La réponse automatique à toutes ces questions de nos jours se résume par un conseil lapidaire : «va chez un psy ». Comme si la mort, les accidents de la vie étaient une pathologie de celui qui les subit et pas le lot habituel de la vie.

    Jadis, on aurait été chez le confesseur, on aurait demandé une prière à sa communauté religieuse ou on aurait porté comme un trauma transmis de génération en génération son malheur.

    Et pourtant, un type, nommé Abraham, et, à l'époque, il n'avait pas encore fait alliance avec Dieu,  nous a appris un truc utile : construire un autel. Lui, chaque fois qu'il lui est arrivé un événement embêtant, faire le mac en prêtant sa femme au Pharaon, prétendant qu'elle est sa soeur, perdre une bataille, avoir un enfant à plus de cent ans, chaque fois qu'il est pris de court en quelque sorte, il érige un autel. En gros, il prend trois pierres, les met les unes sur les autres, il fait une sculpture, prononce deux mots, et basta cosi, la vie continue, il peut repartir vers d'autres cieux.

    Je sais, vous allez dire que cette introduction du religieux ne vous concerne pas, que vous êtes résolument athée. Moi aussi. Et pourtant, l'autel pour moi se passe fort bien d'un Dieu. L'autel est un acte symbolique qui marque l'événement, qui en fait un lieu de mémoire, qui permet de «commémorer» à date-anniversaire le souvenir de ce qui s'est passé. En quelque sorte, c'est extérioriser, mettre la douleur dans une case «Se souvenir», pour qu'elle n'envahisse plus le quotidien, mais se trouve mise à sa place symbolique.

    Et le symbolique, malgré ce que dit Lacan et son noeud borroméen, c'est l'imaginaire, non au sens de fantasme, forme passive de l'image, mais l'imaginaire créatif, celui qui apporte de l'eau de source au système.

    Ritualiser, inventer ses rituels, voilà la réponse. Faire une cérémonie avec d'autres, faire un «Nous» face à la douleur individuelle, inventer un discours, un rite -mettre des pétales de rose sur le cercueil, poser trois petits cailloux, allumer vingt bougies, brûler la lettre de rupture et les photos d'antan devant un beau paysage, ou comme Sophie Calle inventer une installation et demander à 100 femmes de commenter de cent points de vue la lettre de rupture-, bref formaliser dans un objet, un truc, un machin, le souvenir du dol.

    La religion, tout au long des millénaires, s'est emparée de la notion de rituel. Ce faisant, elle a privé l'homme moderne de ses moyens propres de faire son deuil, de nommer la douleur, de lui donner une limite, un contour, une date de remémoration. Celui-ci, en rejetant les religions mortifères, a confondu la notion de rite avec la religion. Mais la religion a simplement su confisquer cette force créative de symbolique à son propre profit.

    A nous de récupérer le symbolique, les rites, à nous de les inventer, d'en construire. Ah, je sais, vous avez peur d'avoir l'air zinzin, comme disait ma grand-mère. Dans le film «Darling», on voit une petite fille, qui n'a pas eu la mère, «suffisamment bonne» pour la prévenir qu'elle allait avoir ses règles et qui subit la chose comme un traumatisme, une humiliation, la honte. La soudaineté de ce sang entre les jambes, demander à une étrangère un chiffon pour se torcher, voir le torchon dépasser du short trop court, parce que la mère n'en rachète pas. Tout cela fait trauma. Alors, parce qu'elle doit en faire quelque chose, à sa manière, elle se met à ritualiser la chose, en déposant lors de chaque cycle une sorte de fleur de sang sur le mur de sa chambre. Zinzin, pense-t-on avec son père. Non, juste initiatique. Elle a fait une œuvre de cet instant traumatisant.

    Certains psys qualifieraient cela d'hystérique. Moi je pense que l'art, la transposition en œuvres des moments forts de la vie, est un devoir de salubrité publique et devrait être enseigné à l'école.

    Avec la perte du lien social, de la notion de «Nous» permanent, certains pensent que le symbolique n'est plus une voie pour l'homme. On supprime le service militaire. Plus de communion solennelle, pas de bar-mitsva, plus de certificat d'études ou de bac. Est-ce à dire qu'il n'y a plus de rite initiatique, plus de possibilité de se penser "humain de la famille des humains" ? Je pense que nous savons créer des «Nous» conjoncturels, pour des occasions spéciales, pour matérialiser les moments de passages, nous redonner l'espoir et le goût de vivre.

     

     

     

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    * Inventez vos propres rituels


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  • Christian Boltanski

    Trois colonnes : Jean Martine Sylvie, 2000

    FIAC 2007

    Cliché Anthropia

     

     

     

     

    La société est en panne de rituels.

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    Un homme considéré comme schizophrène, ayant assassiné sauvagement deux femmes, ne peut être jugé pénalement. Les familles de victimes sont en panne de symbolique. Qui va dire ce qui est arrivé ?

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    Les familles de la Shoah sont démunies devant leurs morts en camp, dont les corps sont perdus, leur fantôme les hante. Que faire pour enterrer des morts sans corps ?

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    Une jeune mère, moderne, résolument athée, vient de faire incinérer sa petite, les amis se pressent dans une usine en pré-fabriqué, hangar moderne en tôle ondulée, dans lequel le petit cercueil est posé sur un tapis-roulant jusqu'à une sorte de «passe-plat», qui engloutit dans un non-lieu l'enfant mort. Pas un mot n'a été prononcé, on n'a pas le rituel pour ça.

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    Deux-cent personnes sont parties dans un plan social, la direction n'a pas fait de cérémonie de départ et pour cause, la haine intériorisée transforme les licenciés en pauvres petites choses terrées chez elles, ne sachant comment prendre cette éviction non méritée. Comment extérioriser ces sentiments incompréhensibles et destructeurs ?

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    Un homme vient de recevoir une lettre de rupture de la part de la compagne de quinze ans. Il lit les mots insultants, les mots de mépris, sans comprendre ce qu'il a fait pour mériter ça. Il ne parvient pas à oublier et se met à boire. N'a pas les mots pour s'en sortir.

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    La réponse automatique à toutes ces questions de nos jours se résume par un conseil lapidaire : «va chez un psy ». Comme si la mort, les accidents de la vie étaient une pathologie de celui qui les subit et pas le lot habituel de la vie.

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    Jadis, on aurait été chez le confesseur, on aurait demandé une prière à sa communauté religieuse ou on aurait porté comme un trauma transmis de génération en génération son malheur.

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    Et pourtant, un type, nommé Abraham, et, à l'époque, il n'avait pas encore fait alliance avec Dieu,  nous a appris un truc utile : construire un autel. Lui, chaque fois qu'il lui est arrivé un événement embêtant, faire le mac en prêtant sa femme au Pharaon, prétendant qu'elle est sa soeur, perdre une bataille, avoir un enfant à plus de cent ans, chaque fois qu'il est pris de court en quelque sorte, il érige un autel. En gros, il prend trois pierres, les met les unes sur les autres, il fait une sculpture, prononce deux mots, et basta cosi, la vie continue, il peut repartir vers d'autres cieux.

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    Je sais, vous allez dire que cette introduction du religieux ne vous concerne pas, que vous êtes résolument athée. Moi aussi. Et pourtant, l'autel pour moi se passe fort bien d'un Dieu. L'autel est un acte symbolique qui marque l'événement, qui en fait un lieu de mémoire, qui permet de «commémorer» à date-anniversaire le souvenir de ce qui s'est passé. En quelque sorte, c'est extérioriser, mettre la douleur dans une case «Se souvenir», pour qu'elle n'envahisse plus le quotidien, mais se trouve mise à sa place symbolique.

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    Ritualiser, inventer ses rituels, voilà la réponse. Faire une cérémonie avec d'autres, faire un «Nous» face à la douleur individuelle, inventer un discours, un rite -mettre des pétales de rose sur le cercueil, poser trois petits cailloux, allumer vingt bougies, brûler la lettre de rupture et les photos d'antan devant un beau paysage, ou comme Sophie Calle inventer une installation et demander à 100 femmes de commenter de cent points de vue la lettre de rupture-, bref formaliser dans un objet, un truc, un machin, le souvenir du dol.

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    La religion, tout au long des millénaires, s'est emparée de la notion de rituel. Ce faisant, elle a privé l'homme moderne de ses moyens propres de faire son deuil, de nommer la douleur, de lui donner une limite, un contour, une date de remémoration. Celui-ci, en rejetant les religions mortifères, a confondu la notion de rite avec la religion. Mais la religion a simplement su confisquer cette force créative de symbolique à son propre profit.

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    A nous de récupérer le symbolique, les rites, à nous de les inventer, d'en construire. Ah, je sais, vous avez peur d'avoir l'air zinzin, comme disait ma grand-mère. Dans le film «Darling», on voit une petite fille, qui n'a pas eu la mère, «suffisamment bonne» pour la prévenir qu'elle allait avoir ses règles et qui subit la chose comme un traumatisme, une humiliation, la honte. La soudaineté de ce sang entre les jambes, demander à une étrangère un chiffon pour se torcher, voir le torchon dépasser du short trop court, parce que la mère n'en rachète pas. Tout cela fait trauma. Alors, parce qu'elle doit en faire quelque chose, à sa manière, elle se met à ritualiser la chose, en déposant lors de chaque cycle une sorte de fleur de sang sur le mur de sa chambre. Zinzin, pense-t-on avec son père. Non, juste initiatique. Elle a fait une œuvre de cet instant traumatisant.

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    Certains psys qualifieraient cela d'hystérique. Moi je pense que l'art, la transposition en œuvres des moments forts de la vie, est un devoir de salubrité publique et devraient être enseignés à l'école.

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    Avec la perte du lien social, de la notion de «Nous» permanent, certains pensent que le symbolique n'est plus une voie pour l'homme. On supprime le service militaire. Plus de communion solennelle, pas de bar-mitsva, plus de certificat d'études. Est-ce à dire qu'il n'y a plus de rite initiatique, plus de possibilité de se penser "humain de la famille des humains" ? Je pense qu'on peut créer des «Nous» conjoncturels, pour des occasions spéciales, pour matérialiser les moments de passages, nous redonner l'espoir et le goût de vivre.

     

     

     

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