• Bouts de rien : dans ma Yaris

    Chen Zhen

    Galerie Perrotin

    crédit photo anthropia # blog

     

     

     

    Enfourchant ma Yaris noire, écoutant plein pot Ledzepp, me souvenant des harmoniques que ça faisait, Stairway to Heaven, enfin là c’est pas le paradis, plutôt l’enfer pavé des autres, quand on le jouait avec Kuss, c’était mon premier morceau imitation, avant je donnais pas dans les morceaux rock, juste trois ou quatre, j’ai les noms, je file récupérer mon passeport, oui, ça y est presque, ne reste que le permis de conduire, photo précédente datait de 1975, avant l’année en l’Allemagne, ma tournée du matin, mes 450 pièces dans le panier, l’après-midi je repassais devant l’usine en auto-école, et l’inverse la semaine suivante, me suis revue longtemps avec la tête de l’époque, la petite flûte qui donne cette impression de légèreté, t’entends, Olive, quand les doigts dérapent sur les cordes, ça tressaille, des fois c’est ça la guitare, le bois et le métal, la matière, enfin au début, cheveux longs à mi-dos, robe imprimée coton, plus moi du tout, ça, les vieux permis, et voilà que j’allais faire le grand saut dans l’espace-temps, enfin pas encore, parce que le permis, c’est pour dans un mois, non, mais c’est qu’ça m’travaille, quand-même de fin janvier à mai, un car-jacking te met sur le flanc de l’identité quand t’habites le 93, c’est parce qu’on t’avait tout volé, me dit Olive, tu peux le dire, frangin, les papiers, l’inspiration et tout le reste, pourtant, j’étais déjà biométriquée dans la database et en plus, j’avais la même adresse, j’étais sympa, bonne copine, deux certificats de naissance, deux justificatifs de domicile, les récépissés de plaintes, une par papier, née en France, bat and bat, normale quoi, pis c’est pas ça, dans le contexte, ça me chatouille, certain et certaine, sans raison, comme si ça suffisait pas, les emmerdes, des griffes qui vous déchirent la gueule, c’est ça, quand tu perds tes photos, sont où hein,  les connais même pas, rien à comprendre dit Olive, sont cons, c’est tout, et moi j’accélère, enfin pas trop parce qu’avec la nouvelle carte grise, faut garder quelques points, mais la simple idée de toucher enfin mon passeport, perdu mes beaux visas, too bad, mais en attendant je vais pouvoir partir ailleurs, un endroit où y passe pas le courant d’air froid, mais de quoi tu parles, me dit Olive, t’as qu’à leur faire pareil, ça m’salit la langue, j’aime pas, j’sais pas voler dans les plumes, ben, j’sais pas moi, t’as qu’à écrire une histoire, une histoire où tu leur zigouillerais la tête, tu les piquerais du bout de ta hallebarde, et pis avec les potes on s’mettrait tous autour et on les boufferait comme les cannibales de juillet ont fait, la cuillère direct dans la moelle du cerveau, la tête découpée comme un chapeau de tomate, ah, dégueu, d’accord, je retire la cuiller, c’est sûr, doivent pas être bons de ce côté-là, avec tous les trucs qui leur traînent dans le ciboulot, devraient faire une purge, oui, c’est ça, une cure de jouvence de l’Abbé Souris, une cure de gentillesse, juste pour pas qu’ils crèvent d’une mauvaise humeur à l’abdomen, d’un envers de la lymphe, d’un kyste sur le pull-over, parle pas de malheur, et en 7’58 minutes très précisément, j’ai passé la file d’attente de la Mairie, et me voilà prête à partir au 7ème ciel sur le premier jet venu, solo à deux sur la page. Y sont passés les porcs, me demande Olive, la tête dans mon giron, tandis que je regarde la petite colonne qui s’éloigne à l’horizon, tout en glissant le document dans mon sac confortable.

     

     


     



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