• Des conversations de framboises et des collines respirantes, nager |

    Reportage sur un club d'aviron

    Crédit photo anthropia # blog

    voir aussi Radicant, un livre de Nicolas Bourriaud

     

     

    Des conversations de framboises et des collines respirantes, nager |

     

    N.B., curateur et essayiste

    Je pense que chez elle, l'oeuvre de Jean Messagier a beaucoup comptée, un tableau qu’elle avait vu enfant à la maison d’art de la ville de Sochaux, où elle habitait.  Printemps en Franche-Comté de mémoire, sa période où il peignait de vastes étendues indéterminées, le plus souvent monochromes, dans ce tableau, c’était deux taches bleues et vertes, d’un bleu et vert très crus, une œuvre vibrante, où se lit l'attachement que ce peintre portait à la nature, à l'air et à la lumière. C’est lui qui disait « moi, je ne trouve pas, je cherche » en réponse à Picasso, son fameux « je ne cherche pas, je trouve ». Un artiste qui a compté, qui a travaillé avec Alenchensky, avec qui il avait réalisé une toile à quatre mains, il a été connu pour son Grand Palais Des conversations de framboises et des collines respirantes. C’était également un innovateur en matière d’écologie. Sur sa tombe, il a demandé à faire graver « Ci-git Jean Messagier, Docteur ès printemps ».

    Elle disait que le tableau lui avait ouvert les yeux, que la forme abstraite de l’œuvre reliée à un titre plutôt réaliste l’avait interloquée, qu’elle n’avait pu l’oublier, comme un acte fondateur de sa vocation d’artiste. Ça avait été son Amérique à elle à la manière de Duchamp, quand il dit qu’il craignait l’influence de la racine sur lui, qu’il voulait s’en débarrasser et que, durant sa période américaine, il avait pu vivre cette absence de racines, parce qu’il était né en Europe. Elle répétait souvent cette phrase « j’étais là dans un bain agréable puisque je pouvais nager tranquillement, tandis qu’on ne peut pas nager tranquillement quand il y a trop de racines ».

    Oui, ça explique le début de son travail, elle créait des itinérances dans la ville, désorientant les spectateurs, je me souviens d’un parcours qu’elle avait appelé « Confluences » à Ivry, ça commençait par une vision de la ville, telle qu’on pouvait la voir depuis sa voiture, puis elle nous emmenait par des ruelles jusqu’à l’île de Chinagora, située sur la confluence de la Seine et de la Marne. Son propos était de faire voir les impasses, les voies perdues, on descendait sur un débarcadère qui se perdait dans l’eau, ou bien on découvrait une cache à scooters volés, un atelier clandestin, ou on contemplait des délaissés, les zones blanches de la ville, que les agents de l’équipement avaient laissées en jachère, la discontinuité des choses, on se retrouvait aussi sous le conduit d’un égout d’hôtel, débouchant sur la rivière, elle soulignait les formes allusives jamais terminées et l’état de décomposition, le back-office de la ville, ce qui ne se voit pas au premier coup d’œil. Une forme de déconstruction de l’idéal de ville.

    J’ai moins suivi son travail par la suite, mais son travail concerne toujours la notion de disparition, de l’obsolescence, oui, sa thématique « enfance et automobile ».

    Ça rejoint ma notion de « radicant », cette nécessité contemporaine de créer nos propres racines, l’avancée dans le flou, dans le passager, une sorte de pacte avec le précaire, dans l’absence d’un statut permanent, qui éradique la notion d'identité. L’impermanence des choses, je crois que ça fait partie de sa recherche.

     

     

     



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