• L'ambivalence

    Crédit photo Anthropia

    « Une …. particularité est le trait appelé « ambivalence », phénomène psychique qui consiste en l’incapacité de condenser le conflit psychique en un compromis, ce qui … oblige à le représenter par deux actes, ou pensées opposés. »

    Ferenczi in Psychanalyse IV

    Œuvres complètes 1927-1933

     

     

     

     

     

    L’ambivalence, de ambo « tous les deux » et valence, est l'incapacité à choisir.

     

    Qui n’a vécu ces moments où l’on agit une fois, puis une seconde fois en totale contradiction avec la première, ne connait pas l’ambivalence. Un bel exemple récent dans notre histoire de France, c’est Cécilia qui quitte son bel amour de New York pour venir aider son époux à accéder au trône, puis au second tour, s’abstient de voter ; ambivalence, elle ne pouvait pas ne pas l’aider, elle ne pouvait pas le faire jusqu’au bout compte tenu de son désamour.

     

    Là où une pensée plus élaborée lui aurait permis sans douter de poser le bon acte, l’acte symbolique qui aurait pris en charge son conflit intérieur. La face de la France en aurait été changée sans doute.

     

    L’ambivalence, c’est le volte-face, c’est le n’importe quoi de nos actes, ceux dont on a finalement honte, ceux qui restent comme la preuve de notre inconsistance. J’ai le souvenir d’avoir rompu avec un ami dans un restaurant, pour l’amour d’un autre, dont je doutais, et que j’ai invité dans le même restaurant pour fêter nos fiançailles, façon de ne pas lui dire que je doutais de lui. Ambivalence. J’ai encore le rouge aux joues, vingt ans plus tard, du sourire narquois du waiter, qui me revoyait quelques jours plus tard au bras d’un autre, dans le même restaurant. L’ambivalence est la traîtrise du pauvre, celui qui ne parvient pas à élaborer son conflit, qui n’ose pas, qui a peur, fait ses petits coups en douce.

     

    Bref s’il avait l’audace, il trahirait. Encore que pour Besson, on imagine que c’est son ambivalence vis-à-vis de Ségolène Royal, devoir militer pour une femme, pour cette femme-là, qui l’a amené tout à la fois à faire l’argumentaire de campagne du PS et à rejoindre l’adversaire UMP au milieu du gué. La trahison ou la rupture apparait alors comme le moyen radical de traiter le conflit psychique. Il l’est radical, puisqu’il ne règle que la moitié du souci, et que celui qui rompt n’a plus pour solution que de renier sa foi précédente, en l’occurrence changer son système de valeurs. C’est cher payer.

     

    Nous ne referons pas l’histoire de France. Mais j’aimerais m’interroger sur l’art de faire du symbolique avec nos tiraillements intérieurs. Le compromis dont parle Ferenczi n’est pas un succédané, un tiède mélange renégat, non c’est l’acte juste, celui qui tombe bien, comme on le dit d’une robe ou d’un pantalon. Faire du symbolique, cela commence par une pensée : je me sens mal, je suis en conflit avec quelqu’un ou avec une situation. We have a situation, comme disent les Américains.

     

    Ensuite, c’est se demander ce qu’il faut faire : en parler avec la personne ? Changer sa manière de penser la chose ? Ou attendre un moment plus favorable pour intervenir ? Et là nous retombons sur un vieil article déjà abordé ici, l'intolérance à la frustration (voir Carré psy). Très souvent, se voir agir de manière ambivalente est le premier signe qu’on fait le grand écart dans sa tête, mais aussi qu’on ne le supporte plus, que cela devient intolérable. Soit on agit tout de suite en parlant, soit on se renie soi-même en commettant une petite vilénie, soit on prépare ses munitions et on est prêt dès qu’une brèche se fait jour.

     

    Je vous vois venir, vous pensez que je suis « prise de tête », que tout ça est trop compliqué, que la vie est simple, qu’il suffit de trancher dans le vif. Cette femme qui n’a rien trouvé de mieux que de porter plainte contre des enfants de 6 et 10 ans qui avaient, pensait-elle, volé le vélo de son fils, doit sans doute penser comme ça. J’ai un problème, je vais à la police. Moyennant quoi, elle a fait arrêter deux enfants à l’école primaire par six policiers pour un vol qu’ils n’avaient pas commis, et toute la France en parle. Mettons-nous à sa place deux secondes. Elle a un problème, son fils n’a plus son vélo, elle a un doute, c’est ce petit arabe qui le lui a pris, d’abord elle pourrait travailler son ambivalence (racisme) vis-à-vis de ces enfants, ensuite elle pourrait aller voir le petit et lui expliquer que son fils a perdu son vélo, qu’elle a un doute sur le vélo et voir sa réaction.

     

    J’aimerais raconter une histoire qui m’est arrivée chez des amis. J’avais une jolie paire de boucles d’oreilles, au moment de faire mes valises pour mon départ, je constate qu’elles ont disparu. J’avise la petite fille de cinq ans, qui les avait regardées avec convoitise quelques jours plus tôt. Je lui parle en tête-à-tête et lui dis que j’apprécie beaucoup ces boucles d’oreilles, que je les ai perdues, que cela me rend triste, et qu’elle peut me comprendre, puisqu’elle aussi les avait beaucoup aimées, je glisse ensuite que j’aimerais qu’elles reviennent dans ma pochette avant mon départ. Je quitte ma chambre, au moment du départ, les boucles sont revenues. Les parents n’en ont rien su, j’ai bien remercié la petite, elle m’a souri finalement fière de ce qu’elle avait fait. Compréhension en douceur de ce que quand on vole, on fait de la peine à quelqu’un.

     

     

    Cela dit, je ne verse pas dans le prêt-à-penser, parfois, porter plainte a du sens, c’est faire passer la loi, c’est introduire du droit dans le système pervers, il faut même du courage pour le faire, face à des agresseurs dangereux.

     

    Ce que je veux dire, c’est que le symbolique, c’est de l’huile d’esprit, de la créativité, il faut chercher le bon acte qui va bien, cela prend du temps, cela se réfléchit. Et voilà Madame comment vous sortirez de votre ambivalence, certainement pas en construisant un système de prêt-à-agir, porter plainte, ester en justice, sont les manières les moins créatives qui soient et sans doute celles à utiliser en dernier recours.

     

    J’oublie de dire que traiter son ambivalence fait du bien, qu’on se sent mieux après. En tout cas, moi, et peut-être les quelques-uns qui, en me lisant, ne feront pas un pstttt méprisant et cynique, parce que pour ceux-là, l’ambivalence est une méthode de traitement de problèmes. Tout plutôt que parler, que chercher en soi le courage de poser un bel acte symbolique.

     

     

     


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