• L'homme-debout

     

    Masaï

    Guerrier debout

    Ousmane Sow

    (droits réservés)

     

     

    Sur la route de retour, sur le chemin devrais-je dire, dans les Monts de Lacaune, dans les senteurs de terre, parmi les gens qui n'ont pas besoin des vanités et des lumières de la grande ville pour exister, j'ai rencontré un homme, un homme qui ne m'a pas souri lorsqu'il m'a dit bonjour, et à qui curieusement je n'ai pas eu envie de sourire en lui rendant son bonjour.

     

    Comment dire, il y a des rencontres humaines, qui se font dans le regard, et lui et moi, on s'est reconnu. Sans se connaître.

     

    Je vous vois déjà concupiscer, imaginer, croire, mais non, circulez, y a rien à voir, en tout cas pas de ce côté-là.

     

     

    Cet homme, je l'ai rencontré, car il a vécu. Un ancien régisseur de théâtre parisien, qui a patiemment construit les chefs d'oeuvre d'éminents metteurs en scène inatteignables dans leur toute-puissante notoriété et qui a su leur dire leur fait, quand ils abusaient. Un homme qui a vécu plusieurs vies, qui a l'épaisseur des humains qui ont su traverser leur souffrance et qui sait ce qu'il a perdu, comme chez Vincent Delecroix, dans son livre "Ce qui est perdu". Comme cet écrivain d'ailleurs, il a quelque chose à voir avec le Danemark, il a traduit pour moi le nom de Kierkegaard, en danois cela veut dire cimetière, quand on sait comment Kierkegaard a préféré passer sa vie à parler de la mort, plutôt que d'épouser la fiancée qu'il courtisait, on se dit qu'on se fabrique dans les noms, les noms de famille. Cet homme-là a un nom, mais nous le tairons ici.

     

     

    Et quand je le rencontre, cet homme parle par son corps. Sa maladie, l'articulation du genou. Son mal a dit : Je/Nous ? Il a mal à un genou, sur un chemin de vacances, quand on marche, c'est embêtant, un genou qui fait mal.

     

     

    Alors, j'ai eu envie de lui raconter la mienne de vie. Mais nous ne l'avons pas fait, ou juste un peu. Il ne m'a pas dit, l'attente quatre ans pour avoir enfin un nom de père, l'enfance sur terre battue, les gueules familiales monstrueuses, les aller-retour entre l'institution et l'inhumaine famille, les coups et les paroles qui ne guérissent pas. Il ne me l'a pas racontée, car je l'ai lue dans ses yeux, cette enfance qui se réveille de temps en temps sur un sentier de conte de fées, quand le Petit Poucet se souvient.

     

     

    Mais je me suis sentie mieux de voir son regard de vivant-malgré-tout, de résistant de la joie, contre les brisants de mère abandonnante et les tempêtes qu'on laisse passer en attendant l'accostage dans un port accueillant. Et je voulais vous dire que c'est bon de rencontrer un homme-debout.

     

     

     

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    yannick G
    Lundi 20 Août 2007 à 13:33
    Puisqu'on en est
    aux petites annonces, je chercherai plutôt, pour ma part, une femme allongée, sur le ventre, le dos ou le côté, je m'adapte. Merci de faire suivre. Quoi, comment, je ne respecte rien... mais si, mais si, en secret, peut-être. ;) yG Welcome Home, Anthropia et le chat.
    2
    emelka mx
    Mardi 21 Août 2007 à 20:16
    Comment dire...
    Il est aussi des récits qui, rencontrés à la croisée d'un chemin, réveillent quelques souvenirs. Cet air de déjà vu, déjà vécu. Souvenir qui assaille, récit qui apaise. Mais, comme vous le dites, il est bon de faire ces rencontres
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