• Le temple noir

     





    Erika Jong un jour décrivit dans son journal une balade à Heidelberg (Allemagne), une promenade interdite par l'Office du Tourisme local, puisque ne figurant nulle part dans les prospectus innombrables de publicité sur la ville et ses monuments historiques.

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    Elle était allée consulter la Bibliothèque municipale pour des recherches et était tombée sur de vieux prospectus touristiques, datant de la deuxième guerre, dont certaines phrases avaient été caviardées. Se faufilant entre les barres noires du texte, elle finit par comprendre qu'un lieu très spécial pouvait être visité, auquel on accédait par un sentier commençant dans la rue centrale d'Heidelberg, parallèle aux chemins de vignes et parallèle aux chemins de halage, comme dans toutes ces villes résidentielles de l'Est, flanquées à l'arrière de collines vinicoles gorgées de fruit et à l'avant de fleuves permettant un commerce florissant et des déplacements bucoliques.

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    Erika Jong avait décrit cette promenade qui n'était pas innocente, et je décidai de la suivre dans son périple.

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    J'étais dans la ville, marchais dans la grand rue et lisais ligne à ligne la description qu'elle fait du pâté de maisons à repérer pour s'engager dans cette fameuse ruelle qui monte vers les hauteurs du bourg. J'avais parcouru plusieurs centaines de mètres et me retrouvai au pied d'une sente, qui permettait aux travailleurs de rejoindre leurs vignes pour tailler, élaguer, traiter, soigner, puis vendanger les grappes blanches de muscat, vendanges tardives de ces vins moelleux, de ces nectars des Dieux, que les Allemands prisent entre chien et loup ou à l'entracte des opéras.

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    Je commençai l'ascension en quittant quelque peu le récit d'Erika Jong ; point n'était besoin de lire à ce stade, il suffisait de rester fidèle à la plus forte pente, à celle qui mérite sa peine et son salaire.

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    L'ascension dura dix minutes, peut-être vingt, il fait toujours long dans les montées. Le souffle plus court, l'ardeur à grimper ralentissait. Le valait-il seulement cet effort alpiniste ? Le fallait-il faire ce détour pour trouver le pire ? Je pensai enfin à m'interroger sur ma motivation à souhaiter cette élévation qui n'en était pas une.

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    J'en étais là de ces atermoiements de la pensée, quand je sentis que le paysage changeait, que des buissons plus fouillis, qu'une végétation moins maîtrisée et même la présence d'arbres, indiquaient un certain relâchement de la main de l'homme. Etait-ce à dire que là, on avait décidé de ne plus aller, de ne pas conquérir quelques hectares de plus, de ne plus se donner la peine d'en faire quelque chose de cette terre. Qu'avait-elle donc ? Quelle raison inconnue faisait s'arrêter là le mécanique et symétrique dessin des rangs de ceps ?

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    Je quittai le paysage bien ordonné pour me glisser avec difficultés dans des ronces et des buissons envahissants. Un léger décalage de la végétation me permit de passer et de rejoindre un chemin ancien, peu défriché, mais tellement aplati qu'on sentait qu'il avait été battu et rebattu de bottes, de sabots et de chaussures cloutées.

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    J'arrivai à l'entrée de ce qui me sembla d'abord une clairière, où je devinais le soleil au travers des branchages, mais paradoxalement, le sol paraissait de pierre, plutôt que de terre. M'en approchant, je heurtai un objet dur et je découvris un socle de pierre noire, puis un second et compris avoir pénétré un amphithéâtre naturel, circulaire et taillé dans la roche, quand je vis des rangées de pavés disposés en terrasses,  s'élevant sur cinq à six de mètres, tout autour d'un terre-plein central. Peut-être n'était-il pas creusé dans la roche cet édifice,  mais le fait de transports nombreux apportant ces pierres taillées tout exprès, un autre secret des pyramides à découvrir.

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    Je pensai tout à coup que le lieu n'était pas tant à l'abandon que cela, puisqu'il apparaissait dans toute sa grandeur, ne manquaient que les fanions, sur les porte-drapeaux dont on devinait les niches possibles autour du cirque.


    Je pris une photo, en pensant à ce qu'un tel lieu avait dû charrier de discours enflammés, d'oriflammes noirs et rouges, de jeunes gens blonds aux yeux bleus en uniformes vert de gris. Il me semblait entendre les clameurs rauques accompagnées de Heil martiaux, soutenus de bras tendus.

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    Je me demandai ce que je faisais à venir là contempler en catimini les tristes restes de la culture nazie. Je n'y restai que le temps de finir le passage d'Erika Jong et refermant son livre, mettant mes pensées dans les siennes, je redescendis sur la place du marché, auprès des Allemands modernes, ceux qui ont tout oublié ou ceux qui ne veulent plus que cela revienne.

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    Je quittai Heidelberg le lendemain matin.

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    http://www.zoot.org.uk/gallery/v/random_11_06/HPIM1016.jpg.html


     


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