• Moyenne entreprise, mon amour

    Jean-Luc Verna

     

     

     

    La France, nous dit-on, a moins de moyennes entreprises que l’Allemagne. Nous sommes les champions des entreprises de moins de dix salariés, sauf pour les Italiens qui développent plutôt des formes de coopération familiale.

    Une piste d’explication me semble être l’autocratisme de nombreux patrons français .

    Dans les entreprises, le passage de 10 à 12 salariés a des conséquences en termes de représentation de personnel, de charges nouvelles, et les patrons français ne le supportent souvent pas. Au-delà de 20 collaborateurs, les syndicats apparaissent. Le passage au-delà de 50 implique la mise en place d’un comité d’entreprise, d’obligations nouvelles. Grandir implique donc d’entrer dans une cour des grands, où des contre-pouvoirs se dressent tout à coup dans le soliloque du petit patron dans sa petite entreprise.

    Un des facteurs qui bloque la croissance des entreprises semble ainsi être en lien avec cette difficulté qu’ont ces tout-puissants à intégrer la notion de dialogue sur ce qu’ils considèrent être leur territoire. L’entreprise est à eux, les salariés sont une ressource qu’ils manipulent à leur gré.

    Refuser de s’agrandir, c’est aussi se priver de recruter des personnels ayant des compétences pour l’export, le design, le marketing, c’est rester avec un staff sous-développé, n’intégrant pas les nombreuses fonctions nécessaires au développement.

    Si elle limite donc la taille et l’enrichissement des entreprises, cette infirmité culturelle à l’écoute impacte aussi la capacité à écouter l’autre en général, le client, ses attentes.

    Alors comment changer ça ? Je pense qu’un grand mouvement culturel valorisant ces nouvelles pratiques d’écoute, de négociation, de dialogue, de participation des salariés devrait être mis sur pied par une communication gouvernementale, des séminaires d’entreprises, des incitations financières liées au dialogue social. Feu les lois Auroux n’ont malheureusement pas permis de faire progresser la société des élites sur ce point.

    Mais le changement ne proviendra que d’un effort pratiqué dans les écoles primaires et secondaires sur les pratiques « collaboratives » entre élèves ; il s’agit de cesser de développer la culture de la réussite par soi-même. Notre « culture » a mis l’accent sur la starisation de quelques-uns, au détriment de cet adage : « Nul n’est parfait, mais une équipe peut l’être ». Qu’on développe la culture de la qualité, de l’interdisciplinarité, du coopératif et on verra la France évoluer vers des projets collectifs, non pas sur la base de loyautés à l’ancienne fondées sur l’obéissance au Prince ou au chef de clan, mais sur le principe d’alliances concertées entre individus libres et cherchant la coopération.

    On aura progressé quand les patrons se réjouiront d’avoir des syndicats forts, et que les syndicats deviendront coopératifs avec les patrons ouverts et qui jouent le jeu.


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