• Tout est en place pour le protocole, mais pour quoi faire ?

    Reportage sur un club d'aviron

    Crédit photo anthropia # blog

     

     

    Tout est en place pour le protocole, mais pour quoi faire ? |

     

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    Compte-rendu de réunion de synthèse – Unité psychiatrique à Ste Anne

     

    (Autour de la table, le médecin psychiatre, l’interne, l’infirmier psy, l’aide-soignant, l’assistante sociale, l’Agent de Service Hospitalier (celui qui balaie, qui récure, qui porte les repas, c’est une particularité dans cette Unité-là, ça fait partie du projet de service).

     

    L’infirmier : et pour Mme M., on fait quoi ?

     

    Le psychiatre : que dit le CR aux urgences ?

     

    L’interne : pas de problème particulier à l’examen après auscultation, une analyse de sang et urine a été demandée, l’analyse toxique n’a rien montré, apparemment pas de délire, pas de somatisation non plus, donc n’ont pas demandé l’EEG, ni le scanner, pas d’agitation non plus, on n’a rien sur elle, peut-être une pathologie dépressive, mais si pas de toxique, z’ont pas demandé d’analyses complémentaires.

     

    L’assistante sociale : j’ai rien non plus sur elle.

     

    L’ASH : l’a pas passé de nuit ici.

     

    Le psychiatre : j’aurais dû la voir deux fois, elle ne s’est pas présentée. Pas d’HO d’urgence non plus.

    Affaire classée.

     

     

    L’enquête sur Mme M. s’obscurcit, va falloir y mettre les moyens|

     

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    Procès-verbal

    Affaire : Mme M., suite à incident rue Donzerre

    Pas d’éléments suffisants à ce stade, investigations complémentaires demandées.

    Procédons à enquête de voisinage.

     

     

    Par où Spinoza pourrait bien revenir |

     

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    N’y suis jamais allée qu’une fois, après quand je craquais, y avait la musique, ça me consolait toujours, comme une visite à mon âme qui me disait, ça va aller, ça va aller.

     

     

    De Saint-Expédit, des Tamouls et des petits rituels |

     

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    Mme Chanemou, adjointe au Maire de Saint-Paul (Réunion)

    On l’a rencontrée à notre cérémonie des morts, là où on va chaque année, notre communauté tamoul est très soudée, on s’y retrouve, en habits de fête, en jaune, en rouge, un rituel important dans nos vies.

    Ce qu’elle faisait là ? On n’a pas bien compris, elle avait un projet d’œuvre qu’elle voulait réaliser sur Saint-Expédit, je crois.

    Saint-Expédit, c’est un saint d’ici, on le prie, beaucoup de communautés de l’île de toutes obédiences le prient. Une vieille tradition. D’ailleurs promenez-vous dans la campagne, y en a partout des autels à Saint-Expédit.

    On a sympathisé, et on l’a invitée à notre repas des morts, celui qu’on fait au 1er novembre dans chaque famille tamoul.

    Comment ça s’est passé ? Oh, très simplement, on s’assoit par terre, on mange le veau massalé tous ensemble dans les feuilles de bananier, puis on procède au rituel, dans la petite pièce, on casse la noix de coco en petits morceaux, on jette les cendres et l’huile sur l’autel de nos morts, on fait plusieurs fois le salut, en se reculant, sans tourner le dos.

    Oui, très simplement, elle s’est mise avec nous, elle a aussi fait ses saluts dans la petite pièce, jeté des cendres sur l’autel.

    Elle m’a parlé, elle avait l’air très ému. Oui, je suis catholique, mais chez nous vous savez, c’est un peu synchrétique. (Elle rit).

    On a parlé de ses années à lire la bible avec des psychanalystes, Genèse jusqu’au Cantique des Cantiques, là elle s’est arrêtée, le texte a résisté m’a-t-elle dit, trop dense.

    Je lui ai demandé de m’envoyer la traduction par Chouraki et puis aussi les livres de Jacques Salomé, très important dans mon métier, je suis technicienne d’intervention sociale et familiale, on dit TISF, j’aide les familles en détresse.

    Oui, je l’ai emmenée aussi dans les Hauts de St-Paul, pour lui faire voir les programmes de trois maisons qui jouxtent, qu’on avait réalisés pour les traumatisés crâniens, ceux qui ne pouvaient plus vivre seuls.

    Après on ne l’a pas revue. Elle partait à Maurice pour quelques jours.

    Seule ?

    Oui, toute seule.

    J’ai bien essayé ensuite de la rappeler à Paris, mais elle avait l’air débordé.

     

     

    Des plages de l'île Maurice, vue sur la chambre |

     

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    Mon Dieu, ton Dieu, les dieux du monde. Je les cherchais partout, Je voulais rituels et pacification. Etrangère à moi. Intérieur inaccessible. Sefer Tehillim. Lance tes mains de l’altitude, arrache-moi, secours-moi des eaux multiples. Dans l’hôtel, Cap Malheureux, face au rocher, moi terrée dans ma chambre, suis sortie au bout d’ 3 jours.

    M’est beaucoup perdue toutes ces années, me cherchait en vain.

     

    Avance à reculons, comme en aviron |

     

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    Me cache, il me cache. Ma cachette derrière sa jambe, marche, il marche. Il s’arrête, m’arrête.

    (Mais qu’est-ce qu’elle a cette gamine à me coller comme ça.)

     

     

    Comme un ventre qu’on te greffe |

     

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    Il arrivait de Kaiserslautern, Roland, l’avait réchappé du Vietnam, la chance, trois ans de service militaire en Allemagne. Venait souvent les week-ends de perm. Roland, encore un Américain, ils sont quatre enfants, donc on y a droit chaque année au moins un, et souvent le tour recommence, j’ai vécu en Amérique dans mon bled de province, j’avais peu à peu les codes. Nous étions francamerlocains, tous ensemble.

    C’est lui qui m’l’a donnée. Après m’avoir beaucoup chassée, sept ans de plus que moi, un grand frère tout fou, aimant me pincer le corps partout, il se cachait derrière le rideau en bas de l’escalier, je descendais, il était pour moi. Il riait de son grand rire encore des dents de Kennedy, il était mon p’tit ennemi, m’attrapait et me lâchait. Sais pas bien si j’l’aimais, parfois je le détestais, j’aime pas qu’on m’pince.

    C’est lui qui m’l’a donnée, il m’aimait. Il m’aime toujours. Quand je vais en Alaska, il m’affrête son p’tit avion, on va au Mont McKinley, là où il avait fait bûcheron, maintenant c’est de là-haut qu’il contemple sa forêt. C’est lui qui m’a payé mon premier j’ton au casino, à côté de Tahoe Lake, Nevada. Ski, golf, spa, hiking, horse packages, grâce à lui, c’est mon cousin. Enfin, maint’nant y peut plus, interdit de casino. A dû fuir dans le seul Etat, où il pourrait pas jouer. Alaska. A perdu sa compagnie, en a refaite une là-bas.

    J’avais treize ans, il a dit c’est maintenant, tu peux. Il l’a sortie de sa caisse, classique, espagnole, il l’a caressée en m’regardant, j’étais gênée, j’sais pas si j’peux, ma mère a tourné la tête, j’crois que ça voulait dire oui, c’était le 21 janvier. Mi, la, la, ma première chanson, savais pas pincer les cordes, me faisait mal, pas de cale aux doigts pour les accords, m’en a montré trois quatre, le la mineur bien sûr, mon préféré, il disait Am, le sol pour rétablir, le do et puis le si, j’sais plus bien, ça faisait une ritournelle. M’a montré le capodastre et donné un médiator. Ça y était j’étais lancée, fini la chorale pour tous, le piano dans le salon, le duo avec petit Phil, j’étais libre avec elle, et ma chambre, personne pour me suivre au pied du pommier, la guitare, ma liberté.

    Ça vibrait, ça m’faisait ventre, ça s’mélangeait avec ma voix, j’ai été guitare-seule, mon rempart, ma timidité cachée là dans la caisse, la résonnance, avec elle, j’allais partout, j’ai jamais plus eu de ventre après ça, je veux dire que la guitare a pour toujours pris cette place en moi, mon schéma corporel l’englobe, mon ventre n’est plus à moi, puis vint le temps de l’enceinte, mais ça c’était plus tard. J’étais ventre de guitare, une autre sœur, encore une.

     

     

     


     



     

     

     

     

     



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