• Wolf von Kries

    Ferme du Buisson

    Crédit Photo Anthropia

     

     

    Appelons-le Tom, il vit en Alsace avec sa mère, dans une maison à l’ancienne, vous voyez, les colombages, bleu pétrole, un cadre un peu désuet.

    Il va se marier Tom avec, appelons-la, Sasha. Et pour honorer sa future épousée, il veut rénover la maison, faire des travaux, séparer le bas du haut, faire deux appartements, un pour sa mère, l’autre pour leur couple.

    Alors il se renseigne, pour les crédits, il a trouvé quelque chose en Suisse, sur le conseil d’un intermédiaire, un ami de Sasha, dans l’une de ces banques suisses, qui a défrayé la chronique. Il se rend là-bas et se fait prêter cinq cent mille euros, le prix estimé de sa maison, qui n’en vaut que deux-cent mille. Mais on est en 2007, en pleine affaire des subprimes, juste avant qu'on en parle, alors Tom marche, il signe.

    Bizarrerie, le banquier lui demande de se rendre dans une pièce sécurisée du parking, et lui livre en liquide la somme, pour faciliter l’importation en France, ne doit-on pas justifier de chaque penny importé lors d'un virement, il devrait payer des droits de douanes, alors du cash, c'est tellement mieux.

    Tom n'en peut plus, sa Sasha est tellement belle et puis tellement amoureuse. Elle l’invite à se rendre dans son pays. Ai-je oublié de vous le dire ? Elle vient d’un beau pays slave. Quand ils arrivent, elle lui présente sa famille, son frère, Grégor, qui lui parle de ses projets professionnels. Il veut investir dans une auto-école, une belle auto-école, la rolls des auto-écoles, une salle de réunion, un labo équipé pour le code, des bureaux, des autos, bref la merveille des merveilles des auto-écoles. Et Tom, grand cœur, lui offre cent mille euros,

    Puis Sasha lui présente ses parents, qui vivotent, souffreteux, dans un de ces appartements communautaires de là-bas, deux chats, un chien, plein d'enfants, ce n'est plus possible, trop bruyant, et Tom généreux leur offre la maison de leurs rêves, une de ces petites datchas, à la campagne pour leurs vieux jours. Ah leur regard si reconnaissant, quand il a sorti les billets.

    Puis ils rentrent en Alsace, dans la maison de la mère. Sasha aime les belles choses, ce très beau manteau en peau fourré vison, pour les froids slaves, dit-elle avec ce ravissant accent, les sacs Lancel, la crème La Prairie pour préserver sa beauté. Rien n'est trop beau pour Sasha. Et Tom voit les derniers billets s'épuiser.

    Et là bientôt, c’est la crise, Tom perd son travail. Voyant ça, Sasha devient venimeuse, s'emporte, le repousse. Bientôt elle annonce son départ, elle referme la valise, prend un dernier billet pour le taxi. Voilà c'est fini, les cinq cent mille sont partis en fumée. Et Tom se retrouve sans argent, sans travail et sans Sasha.

    Quand la banque sonne à la porte pour demander le remboursement de sa dette, Tom n’a pas de quoi. Alors la banque somme de vendre la maison, mais cela n’atteindra pas le montant du crédit consenti, il devra encore trois cent mille euros, Tom.

    Ca y est, c'est fait, la maison est vendue, et Tom n’a plus de toit, sa mère non plus.

    Un couillon, vous empressez-vous de penser, un m’as-tu-vu qui a voulu jouer les grands seigneurs. Mais la banque, hein, la banque ? Et le notaire qui a estimé la maison à cinq cent mille, hein, le notaire ? Eux vont bien, merci. Tom pourrait bien leur faire un procès, mais un avocat international, ça coûte cher. Quant à Sasha, son frère et ses parents ? Tom ne veut plus en parler. Tom est entré en dépression. Un bonheur ne vient jamais seul.

     


    votre commentaire