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L'état de grâce s'est achevé
Bruno Rousseaud
Tourelles pour voitures sportives, 1999
(Droits réservés)
Quand vous rencontrez tous les mois les mêmes personnes autour d'un déjeûner, vous mesurez très bien les écarts entre les discours de la dernière fois et ceux d'aujourd'hui.
C'est ce qui m'est arrivé cette semaine. J'ai rencontré une vingtaine de personnes, hommes d'affaires, tous de farouches partisans en juin de Sarkozy.
J'ai pris le parti depuis longtemps avec ces personnes de ne pas exprimer mes opinions personnelles. Ce qui fait que mon attitude a toujours été, ce qu'on nommme en psychanalyse, de neutralité bienveillante et qu'elle n'a pas ni dans un sens ni dans un autre pu influencer leurs propos.
Quelle ne fut donc ma surprise quand je les ai entendus cette semaine exprimer ce qui m'apparût comme un réel changement de position.
Les boute-feu qui quelques mois plus tôt soutenaient Sarkozy pour casser les mouvements sociaux, leur en remontrer à ces mous qui ne veulent pas changer, se mettent à me dire que oui pour les sans-papiers avec les enfants, c'est violent, les quotas, l'ADN, c'est mal venu. Leur orgueil de mâle peut-être ? Sensibles à l'argument du test qui repère les fausses paternités endossées à l'insu du plein gré ? Quelques-uns chrétiens commencent à entendre l'indignité de ces pratiques.
Les plus convaincus en juin se taisent, l'air grave, presque heurtés dans leur sensibilité -j'ai déjà parlé ici de Harry-, j'ai trouvé le même regard inquiet et tourmenté chez ces endoctrinés, qui rêvaient les yeux au ciel en juin.
D'autres enfin s'avouent consternés par les décisions futiles, gaspillant les rares ressources de l'Etat, le manque de vision économique et de politique structurée de relance.
Je ressors du repas étonnée. Comment, sont-ce là les soutiens à Sarkozy ? Où sont donc les 63%, qui d'après les questions floues d'Instituts peu sérieux, le plébiscitent sans état d'âme ? Dans mes sondages hara kiri, rien de tel, à la table des afficionados, on ne trouve plus que des critiques ou des muets.
La situation évolue. L'état de grâce s'est achevé. C'est normal, plus de cent jours sont passés.
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Commentaires
Oui
Pas si vite, Alain, il leur faudra encore constater les dégâts et la joie ne sera pas au rendez-vous.
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Ils commencent à brûler ce qu'ils ont adoré. On peut prévoir un grand feu de joie.