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    A Ivry dans le jardin de bambous vit une petite chatte.

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    Elle s'appelle Next. Pourquoi ce prénom, « Au suivant », parce qu'elle a été précédée de deux autres chats, le Singing Cat, Pavarotti, et Téquila, la petite orpheline, qui nous ont quittés à peine arrivés. Nous étions certains de ne pas être doués avec les chats et même un peu dépités de n'avoir pas su nous y prendre avec les précédents ; quand celle-ci nous a été donnée, on lui a donné un nom de passage, façon ticket à la Sécu, attendez vot'tour, on ne voulait pas y croire. C'est justement celle-là qui est restée.

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    Il faut dire qu'elle est trop humaine, cette chatte-là, teigneuse, rouspéteuse, elle exprime régulièrement son mécontentement, par exemple en montant sur les dossiers de siège pour se mettre à la hauteur des invités, en se miaulant de la conversation, manière de dire qu'il serait temps qu'ils partent, qu'on les a assez entendus. Ou venant râler pour signaler que la bouilloire fume et qu'il serait temps de préparer le thé -elle n'en boit pas, je vous rassure.

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    Mais les récents vœux du Maire d'Ivry lui ont donné une pleine et entière légitimité à Next. Ivry est dorénavant la ville de la colère. Figurez-vous que notre cher édile nous a souhaité par affiches interposées que « chacune et chacun prenne toute sa place dans l'expression des colères, dans la construction du bonheur et dans le partage des bons jours ».

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    J'avoue que c'était la première fois qu'on me souhaitait la colère en début d'année. Ce n'est pas précisément ce que j'éprouve au lendemain des gueules de bois, je serais plutôt consensuelle en cette période. Je me suis alors demandée ce qu'il entendait par « prendre toute sa place dans l'expression des colères ». S'agit-il de voter la bonne candidate aux prochaines présidentielles, d'aller manifester dans les cohortes de citoyens pour l'opposababilité du droit au logement ou de tester les tentes rouges du Canal Saint-Martin, une nouvelle destination du tourisme social, « Passez un week-end chez les SDF, expérience inoubliable, une bonne préparation à votre régime d'avant les plages ».

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    Finalement, j'ai pensé que de toutes les colères, notre élu local désignait en particulier celle qui concerne la méchante Agence ARH qui veut priver Ivry de sa maternité Edmond Rostand. Tout cela sachant que nous sommes les championnes européennes du babygros, que nous sommes passées à 2 enfants en moyenne par femme en âge de procréer, que nous pourrions atteindre si on ne nous met pas de bâtons dans les roues le fameux 2,1 qui reproduit une génération. Oui, malgré cette France en perditude (oui, moi aussi), cette France moisie, en croissance zéro, qui fait fuir les cerveaux et désespère les sans-papiers, notre désir n'est pas mort de pondre des marmots et de les élever dans ce bon terreau de France. A preuve que l'espoir ne lit pas les journeaux.  

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    Loin de se douter de ce qui l'attendait.

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    Embrayeur de discours, ce loin. Il va chercher aux confins de la psyché. L'homme était loin de lui-même, loin de ses propres questions. Absent à l'essentiel, ce qui l'attendait.

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    Loin est du côté du hasard, celui du destin qui nous échappe.

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    Comme une caméra qui nous prend de haut au carrefour d'une ville, au distributeur d'une banque, dans l'allée d'un bus ou d'un métro. Le loin de la narratrice qui guette, omnisciente.

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    Loin de se douter de ce qui l'attendait, la jeune SDF, celle qui ignorait qu'elle était filmée, ne souriait pas, toute occupée à son enlèvement. Alerte Enlèvement, comme ces mots résonnent de dynamique, tous à la joie de dépister, de jouer les indics, de repérer la délinquante ou le jeune gars autiste, ou malade mental, ou débile. Peu importe le diagnostic, ce qui compte, ce sont les symptômes ou les indices.

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    Loin de se douter, à moi les pauvres d'esprit, les SDF de douze ans, comment se douteraient-ils, agités par leur propre histoire ? Se douter, c'est déjà être alerté à l'intérieur, se douter, c'est supputer quelque chose de la réalité à venir. Comment se douteraient-ils ? Ils ont toujours été aveugles à leur scénario.

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    Se douter, c'est être malin avec la vie, avec le sens, avec les autres. C'est être réflexif, se regarder d'un œil suspicieux, s'analyser et anticiper. Se douter, c'est se prendre en charge. Pour se douter, faut bien s'aimer.

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    Ceux-là sont juste incapables, incompétents. On a toujours douté d'eux, ils ne se doutent de rien. Ils enlèvent des enfants avec naïveté, en passant à l'acte, sans réfléchir aux conséquences. Sans l'ombre d'un doute.

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    Quel doute les envahit au moment de commettre les actes répréhensibles. S'ils ne se doutent pas pour eux-mêmes, comment se douteraient-ils pour la société, qui va les enfermer, pour les familles qui vont leur en vouloir, pour les médias qui vont en faire leurs choux gras, pour les enfants qui vont en rêver ou en avoir des cauchemars.

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    Loin de se douter de ce qui l'attendait.

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    Car quelque chose les attend, au bout de cette histoire, quelque chose qu'ils ignorent, mais qui finit le doute, qui résout l'attente. Un "ce" qui repose, qui rend à soi-même, irruption d'un drame, qui force à faire face. Ah, c'est ça mon histoire, le destin m'attendait donc là ? Je ne savais pas que par là, il y avait une impasse, qui m'acculerait, seul, médiatisé et condamné d'avance. Que ce serait cela l'histoire de ma vie, que plus tard, on dirait de moi, loin de se douter de ce qui l'attendait, voilà ce qu'il ou elle a fait.

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    Quelqu'un savait-il pour lui, pour elle ? Quelqu'un aurait-il pu faire quelque chose ? Quelqu'un qui se serait douté de ce qui l'attendait, qui le voyait arriver, qui savait que tout cela n'allait pas bien tourner, qu'on le savait depuis longtemps qu'un jour, il ou elle passerait à l'acte, qu'on n'a rien fait pour, mais qu'est-ce qu'on aurait pu faire.

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    Qui se serait douté.





     


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    L'incroyable destin d'Harold Crick de Marc Forster,
    avec Will Ferrel, Emma Thompson et Maggie Gyllenhaal, Queen Latifah et Dustin Hoffman

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    Le pitch de ce film est magique, un homme entend un matin une voix de femme, qui narre sa propre vie, avec des détails que lui seul connaît. Une psychanalyste intelligente lui conseille d'aller voir un spécialiste de littérature, Dustin Hoffman, qui n'accepte de le coacher que lorsque celui-ci lui cite une phrase entendue « Loin de se douter de ce qui l'attendait ». Ce « loin de se douter », qui est la marque d'un narrateur omniscient et accessoirement le titre d'un cours du littérateur, entraîne le professeur à rechercher qui, diantre, est l'écrivain qui rédige le roman de la vie d'Harold. C'est aussi le début des bifurcations pour Harold, qui va voir sa vie chamboulée, notamment lorsqu'il rencontre Maggie Gyllenhaal, patissière au grand coeur. 

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    A l'autre bout, la narratrice, Emma Thomson alias Mrs Eiffel, auteur à succès, écrit dans les affres de la création les mille détails de ce destin, pour lequel elle cherche la mort la plus appropriée. Une assistante expérimentée, Queen Latifah, envoyée par son éditeur, lui donne un coup de main.

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    Cette comédie fantastique fait inévitablement penser au Truman Show et à ces scénarios où les héros sont aux prises avec un manipulateur tout-puissant. Elle fait se poser la question de la fiction, de son rapport avec le réel. Le sous-titre anglais « stranger than fiction » aurait pu aller jusqu'au bout de cette logique d'une réalité plus singulière que n'importe quelle fiction. On aurait aimé que l'ambiguïté de la folie d'Harold et de la réalité de la narratrice persiste, pour qu'in fine l'histoire soit indécidable, c'est-à-dire littéraire.

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    Mais le réalisateur n'a pas résisté à l'idée de la double fin, changée d'un trait de plume, qui rend l'intrigue à sa réalité filmique, c'est-à-dire une fiction qui ressemble à une réalité et dont on peut changer la fin. Cela s'appelle un film.

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    Tendre, ironique, très bien joué et savoureux.


     


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    Bruno Peinado


    Sièges gonflables


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    Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau


    Gallery Air de Paris


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