• Autruches portes ouvertes

    Philippe Talis

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    Il est entré, Il n'est pas seul,

    il est accompagné par une femme,

    il entre dans mon bureau,

    comme celui que j'avais rue C-N,

    mais plus grand, dans le bureau, deux pièces,

    dans l'une une table longue, des papiers dessus,

    dans l'autre, ce n'est pas un bureau, c'est une chambre,

    le lit en bataille, vaguement gênée, pas professionnel,

    souvenir de ce qui s'y est joué, encore plus gênée,

    mais il n'a pas moufté, comme si normal,

    alors ma gêne s'envole.

     

    Ça grimpe, les pierres qui chassent sous les pieds,

    vigilance, et la pensée qui sourd maligne

    profite de ce temps occupé,

    et puis là-haut, voie lactée,

    Il est là dans les étoiles, sa voix, la voix râpeuse de,

    il éructe Pfanne, la poële,  

    et je pense à Ulysse, son odyssée à lui-,

    livres offerts, ça parle des exils,

    m'a initiée, mais à quoi,

    il avait quelque chose pour moi,

    et on s'est perdu, 

    là pour moi, voyais pas.

     

    Son portrait, sais pas dessiner,

    mais lui, l'ai croqué, quelques jours avant,

    cheveux en palissandre et gris,

    sa pogne sur le couteau, la croix presque effacée,

    attaché à cette seule trace,

    au crayon ça s'altère,

    l'image évanescente, lui ce visage parti déjà,

    et ses derniers mots,

     terminer sur ça, Alphorn, là-haut sur l'Eiger.

     

    Je suis dans des phrases, en villégiature,

    j'y parcours l'espace des phrases,

    et c'est chemins d'un sens et de l'autre,

    plans compliqués de maison, échaffaudages,

    mais ce n'est pas ma tête, j'ai un aperçu,

    un point de vue dans la tête,

    comme si neurone, j'observe, j'entends,

    je découvre l'entièreté de la chose, pas du tout moi,

    j'y suis dans l'étrangeté d'une autre cage que la mienne,

    et c'est partageable, pas mieux, et c'est ça le réveil du rêve.

     

    Le rêve et la marche ont la même fonction,

    nettoyer la tête.

     

     

     

     

     

     

     


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    Arrivée dans ce paradis du schiste, le brillant sur chaque parcelle de l'écran, du retour des feuilles de chênes verts aux remblais des routes, et ce matin, ton paysage, la contemplation à ta fenêtre, les à-pics plus forts que soi, la transcendance ; s'il en est Un, il est là.

    Et ces humains qui vivent à l'année dans la rude vie des maisons d'antan, avec internet et salle de bain cependant, ça fait la différence, parce que le monde s'ouvre doublement, dans la perspective physique comme dans celle virtuelle, le monde est un hameau.

    Ravitaillés par les corneilles. Elle dit vrai, composer avec le lacet, le lacet qui rend tout tellement loin, les vallées qu'il faut enfiler les unes derrière les autres et sans doute par temps dur l'hiver.

    T'enfonçant dans ces sinuosités, cette impression d'une nuit sans fin, superposition de la nuit de la veille, c'était d'abord le sombre où tu aimes te perdre, comme te perdre ces derniers temps, cette jachère en toi que tu acceptes enfin, mais n'en sais pas le bord, où le ne pas aller trop, et l'obstination de soi, en toi depuis. Puis tu as eu peur, hein, avoue, tu t'es perdue, tu as eu peur, tu as tenté des raccourcis, tu as eu peur, échoués, tu as eu peur, tu as tenté un autre paysage, tu as eu peur, peur d'un virage en épingle mal négocié, peur d'un écart pour éviter un sanglier, peur de verser dans ces failles de la montagne, peur de ne pas savoir sortir d'une carcasse. Peur. Connu ce sentiment sur un voilier, aux îles Scilly, quand les vagues de cinq mètre donnent cette sensation que le bateau sombre pour ne plus remonter.

    Ici, quand on oublie quelque chose, faut oublier. Radicalité d'un choix, qui va avec création, méditation et slow life. La vie dans ce rythme lent, qui t'attrape sitôt arrivée, et le miracle, c'est qu'il y a place pour une civilisation ici, les amis autour, le travail, un lieu de trois maisons, pris en passant pour un hameau abandonné, mais c'est un centre, là une activité à temps plein, occuper le pays, le construire, lui donner ses facilities, et fondations passent par là et ventes artisanales et cybercafé et plus tard centre de formation.

    La suite du chemin, c'était. Ce bar, en bord de village, où tu es entrée boire un café, le couple, la femme qui te souligne toi seule si tard sur la route, et toi peur encore, peur de sa peur à elle, puis cet homme à la tête aveyronnaise, qui ne parle pas qui écoute, te laisse raconter un peu, comprendre ce qui te met là, puis annonce l'arbre et puis l'arbre qui vont jalonner ton, comme ça tout à trac, un GPS vivant, un qui parlerait homme. Et tu remontes plus courageuse, la voie lactée là-haut.

    Le soir, tous ces gens, les néos, venus là dans les soixante-dix, le soir, dans cette maison-hameau, labyrinthe à six portes d'entrée, douze escaliers ou petites marches, toilettes sèches, sept poubelles (et liste des surnuméraires), le petit bureau avec la baratte à usage lutrin, le grand bureau et la bibliothèque qui en fait le tour, l'écrire-produire en tous genres, palais borgésien, si on est là, c'est qu'on a tous choisi d'y vivre.

    Et les guitares ne manquent pas. Celle qu'il te passe, une folk, Alhambra, ça existe ça en folk ?, et là sonne comme une Gibson, souvenir de ta vieille cassée par le chat des voisins, son velouté, ce toucher doux et profond, et sonore si sonore, une chapelle romane à se perdre, les Espagnols ont profité d'une série pour Gibson, ont copié et la copie aussi belle que l'original. Ta G., achetée à Londres avant de repartir, passé tout ton salaire de job d'été pour petits friqués en goguette, logeant chez, dans le Kent, souvenir d'un loup noir et d'une veste d'astrakan.

    Dans le jardin, les récits s'enchâssent. Les trois chorales, une pour chansons révolutionnaires, une chorale d'hiver, une autre encore, un théâtre, quelques vers d'un poète. Et puis cette histoire que le vrai souci des abeilles, ce n'est pas principalement le pesticide, mais le varroa, ce pou des ruches qui tue les ouvrières et que les reines d'ici ne savent pas trucider, contrairement à celles d'Asie, -Asie, d'où le nuisible est venu dans les années quatre-vingt,  suite à une mission d'apiculteurs cévenols dans les pays là-bas, se vantant de leur savoir faire, qui en ont rapporté le fléau-, qui détruit plus fort que le toxique américain. Ce que ne disent pas les apiculteurs, car ils devraient alors dire leur indélicatesse à traiter eux-mêmes leurs essaims aux produits tueurs. Et le bon miel alors n'est que, la femme aux ruches dit qu'elle traite aux produits doux.

    Cette affaire plus étrange de la fécondation des figues, le Blastophaga, la femelle qui niche dans la figue, et que le mâle vient forcer au travers du fruit, le et la fécondant dans le même mouvement. Et le goût de, et l'hôtesse qui en vient. Et le secret de son jus de pomme, cinq pour cent de jus de coings. Et la courgette jaune parfumée au citron confit, quelque chose du Yuzu. Quand les histoires de filtre, comment la terre, comment les conteneurs à tamis, comment l'eau fait le tour de la matière, de la source au robinet et retour à l'arrosage. Ces petites sciences au labeur, penser local, local, local, mais réfléchir global, global, global.

    Et puis la creuse, plonge dans le sillage, ce sera Maison des Vents.

    Et là, on n'en dit rien, que poésie qui vient.

    Cette branche du figuier prolonge le vent, le précédant de tout son élan.

    Au passage, découvrir que Claude Simon a écrit, puis a vécu une partie de sa vie ici, courir chercher l'eau pure dans les non-rizières qui font signe, ces absolues coïncidences. 

    Puis retour au Pays des îles, et là acclimatée, sortilège des Noms de Pays, se mettre à écrire.

    Et vient le couloir des damnés, deux fois aller là, tous alignés dans la salle de canicule, Plan C. du Préfet, aller dans le désir le voir, l'avé, le vieux, Léo, celui qui parle, rit, dans l'aphasie de production, si le geste d'un jour avait dit le contraire, aujourd'hui, le trois était bien un trois, geste regard et parole, le serpent cognitif, ça monte et ça descend, mais qu'est-ce qu'ils attendent pour l'orthophon les budgets toujours les budgets, et Léo, toujours aussi dandy d'une main et d'une jambe, dans son parler de peut-être il peut, le toucher, le caresser, manger avec lui, et voir l'institution dans ses petites misères, pour la 2002-2, oublie, et lui de se marrer, gardé son quant-à-lui, dans l'hémi pas blêmi. Et la vieille Augusta muette et sourde peut-être, ses yeux de sorcière, sa barbe de trois jours et ses coups de colère, ne passe rien à l'imbécillution, toute à l'affaire de sa boucle d'oreille, couleur corail aujourd'hui, et ceux qui gardent, veillent, signalent "pas mixé s'il vous plaît", et "demander le choix pour le café", c'est pas toujours pareil, l'aphasique aime varier, alors ne pas calquer les jours sur les jours, sortie d'enfer mais y retournera.

    Et l'oiseau qui s'obstine à s'appeler rossignol du soir au matin, quand ce n'est peut-être qu'un merle. Qui verra.

    Le vert, la montagne, foundamente, les sombres histoires de villages, le vieux et puis le jeune, générations mélange, et puis les configurations du ciel, une étoile filante, on se sent l'âme mystique dans ces Marches de la Lozère. Et pourtant ce n'est qu'un pays d'hommes et de femmes.


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    Suite à la disparition de son ami, la narratrice revient sur quelques questions restées en suspens. Essai pour fil du roman.

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    Elle était gironde la petite, il lui avait parlé, ma jalousie, - j'devrais un peu perdre de là, mais bon m'en fous, suis pas candidate à Miss Univers, ni d'ailleurs à Miss Monde, ni d'ailleurs à Miss Europe, ni d'ailleurs à Miss France, ni d'ailleurs à Miss Ile-de-France, ni d'ailleurs à Miss 9-3, ni d'ailleurs à Miss Saint-Denis, ni d'ailleurs à Miss Quartier du Théâtre, ni d'ailleurs à Miss-mon immeuble, ni d'ailleurs à Miss-mon appartement, ni d'ailleurs à Miss-ma chaise, ni d'ailleurs à Miss-le-clou-de-cette-chaise, ni d'ailleurs à Miss-Métal, ni d'ailleurs à Miss-Atome, ni d'ailleurs à Miss, ras le bol, nano quelque chose, on peut encore pénétrer plus profond, aller dans l'amibe, j'imagine une Miss-Amibe, ou tiens une Miss-Abîme-, l'accent circonflexe de cime est tombé, (j'suis tombée par terre, pourquoi la Mgen David, la première chose que j'ai vue en entrant dans la ville, c'était mon nom, au-dessus d'un magasin, voilà, j'étais de ce pays-là, ils me demandaient where are you jew from ?, savais pas comment répondre, et s'il y avait à répondre), mais j'aurais bien voulu que, quand il l'avait dit, heureux, dont acte, mais ça disait une autre musique, (douée en détection du, merci qui ? Bettina, c'est ça ton problème, tu analyses trop), si ça s'trouve ça n'avait rien à voir avec ça, d'ailleurs sa question, et c'est vrai que, j'avais regardé de côté, si déçue, triviale la question, j'avais répondu, mon pedigree, le tribunal, ben sa curiosité, voilà, le seul moment où, la voix, toujours l'obsession de la voix, quand il avait dit je reviendrai, une promesse, pour qui, pour elle ?, - comme ce court où deux êtres, au début, chacun parle son sabir, on comprend rien à la bande-son, ils s'approchent, ils s'approchent, se parlent, se parlent mais on comprend rien, puis se touchent, s'embrassent, et là miracle, c'est en français dans le texte, puis à nouveau les conversations, ça se complique, puis plus rien on comprend plus rien, end of the story-, ben oui, faudrait ne faire collection que de ces instants-là, ces petits moments où, (entre vingt et trente, ah là la, mais ces voix-là je les ai oubliées), quand j'ai appris à baisser les yeux, quand dès que je voyais que c'était, je les baissais, et alors là la voix tu l'oublies jamais, et  il m'avait demandé pour la porte, où elle était, (celle avec la Mgen David, m'étais cassée la figure sur les marches du quartier arabe, l'autre ville, quand j'avais vu la Mgen, ma cheville avait flageolé, j'avais laissé tomber mon sac, et les gens des boutiques s'étaient précipités, une chaise, m'avait donné un verre d'eau, j'ai pas pensé tout de suite à l'aide, et puis si, si, c'était ça, juste humains, ai eu le temps de me remettre), de la chance, toujours des gens sympas dans ma vie au moment où, je tourne mes virages, juste au moment où je ne sais plus, y en a un qui s'pointe et hop, j'aurais dû, mes intuitions, plus tôt faire confiance, partir et trouver les bagages qu'il faut au moment où, je le sais, pas trop tard, -cette phrase que Marie a dite, comme c'était déjà, ah oui, ce qui compte c'est de se lever au moins une fois, même peut-être une seconde avant de la perdre la vie, sur son lit, sa patiente qui s'était levée, toute écrasée sur le lit, y avait plus qu'à partir, et elle, elle s'est levée, métaphore, oui, mais dans sa parole, se lever dans sa parole, dire la phrase qu'il faut, Mehr Licht, trouver la lumière, ça qui compte, mais à quoi ça lui a servi, à ce que Marie me le dise et aussi à d'autres que la vieille s'est levée dans la parole-, et ça m'a servi, pour la suite et le petit, comme ça, y avait régulièrement des petits éclairs de bande-son, (mes petites affaires autour de moi, dos au mur, yeux baissés, mais, ça valait le coup), tenir le lien pour régulièrement ces petits instants, ça menaçait, pas une troisième fois, c'était comme ça, on s'enlisait, on se perdait, puis toujours un regard et de nouveau le petit bout d'inconscient qui revenait bien transparent, et on repartait, valait toujours le coup, ça l'amour, un langage de morse, tit-tit-tit-tit puis là, le mot, tu le comprends et ça vaut le coup, -entre nous toujours des hasards, je m'étais trompée d'heure, ou j'avais garé ma voiture là, j'avais posté, quoi déjà, le seul lieu frais à l'autre bout-, c'est ça à partir du moment où t'as compris que pour que le bout d'inconscient revienne faut juste le hasard, un peu aidé quand-même, fais confiance ça va reviendir  et ça revient, magie, juste voulu ça, personne n'en aurait rien su, c'était simple, mais c'est jamais simple, pas juste voulu ça, voulais toujours plus. Et là maintenant, juste ce filet de voix rouge, ça sème en rouge, et la phrase on sait pas pourquoi il l'avait dite. Et plus là pour le dire.

     

     

     


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