• Jiro Nakayama

    Vide

    crédit photo anthropia # blog

     

    Who’s who sur la toile

     

    Mais qui sont donc les gens qu’on croise sur la toile ? Tous ces gens qui affichent des prénoms et des noms, de plus discrets sous des noms d’emprunt, ceux qui prennent le nom de leur mère ou  qui changent de peau comme de chemise, myriades d’identités. Finalement les plus cohérents sont les gens à notoriété, au moins ils engagent une certaine responsabilité sur leurs noms, même si sans doute nombre d’entre eux se dédoublent, détriplent, etc. pour de bonnes et pour d'autres parfois d'obscures raisons. Et ça trouble la vue.

    Sur Twitter, c’est un véritable ballet, les pseudos, la cadence des 140 signes, le nombre élevé de trolls, les TL lourdes de followers et de followés, donnent parfois le tournis. Et si de plus on a des raisons de penser qu’Untel ou Untel tweete aussi sous tel pseudo, ça devient carrément flippant. On entre alors dans un jeu des devinettes, on tente de repérer un style, une tonalité. Parfois on y arrive, on se dit, tiens, celui-ci résonne comme celui-là. Mais est-ce toujours fondé ? On se fait piéger plus souvent qu'à son tour.

    J’ai beau jeu de dire ça, moi qui blogue depuis sept ans sous anonymat, plus ou moins bien cachée plutôt mal que bien d'ailleurs, la faute entre autres à Google et à ce que je laisse peu à peu se dévoiler, pseudo trimballé sur Twitter et sur quelques blogs et sites que j’aime. J’avoue avoir fait quelques écarts, parfois ai moi aussi utilisé d’autres pseudos, assez rarement toutefois vu ce que je communique sur la toile, c’était plutôt contextuel quand je le faisais, souci de discrétion pour celui à qui je laissais des messages, ou réserve à me parer de mon nom, le vrai ou le pseudo, quand je sentais que ce n’était pas approprié. Mais ne boudons pas le plaisir des hétéronymes, un peu comme dans les langues on parle différemment selon qu’on s’exprime dans tel ou tel nom d'emprunt, qui façonnent la colorature par le chant des mots, le rythme des phrases et j'aime les mises en abîme quand elles sont de qualité et même tiens, quand elles frisent avec le passé, un Ajar contre un Gary.

    Pourtant je communique la majorité du temps sous ce pseudo, Anthropia # blog, je le considère d'abord comme mon terrain d'expérimentation favori, je ne devrais pas avoir à le dire, c'est écrit dessus, essais/erreurs, mon labo, mon chemin de serendipity, comptant bien y faire quelques découvertes sur ces artistes et sur moi, mais aussi comme une « marque » dans un sens non-commercial, un territoire d'art brut, ma construction insolite, une image de moi, identifiable, repérable, Je est un   , -qui jusqu’il y a peu protégeait mon identité professionnelle, je ne souhaitais pas mélanger les deux-, mon gueuloir aussi, un endroit où me mettre en attendant. En attendant quoi, je ne me le disais pas.

    Et je souhaitais qu’on puisse m’identifier y compris dans cet alter ego, sans doute aussi comme test de ma propre cohérence ou incohérence ou des évolutions de moi que permet cette continuité, une sorte de série d’autoportraits de pensées, comme ces photos qu’on mitraille sur un paysage pour un faire un kaléidoscope, jamais tout à fait au même endroit, mais quand même dans une certaine continuité de ton.

    Mais in fine, ce que je revendique, c'est le fait d'apprendre ici, journal d'écriture, difficultés de mise en page, approximation des références, fôtes d'ortheaugraf, j'ai tout commis ici, je n'en suis pas fière, ou plutôt si, fière de montrer la bête en train d'acquérir les armes, peu à peu, dans la douleur et dans le rire, l'impulsion et la réflexion, je ne suis après tout qu'une femme fille d'un et d'une soeur de mes frères et de mère d'un fils ex de plusieurs amoureuse de la pire espèce, celle qui avance et qui ici fait travail d'écriture, parce qu'un style, ça se gagne, et qu'on ne sort au grand jour que quand on a enfin le sentiment que c'est mûr, prêt, que là-bas sur le nouveau site on pourra afficher.

    Alors chacun a ses raisons pour l'anonymat, mais ce qui me gêne dans les pseudos, c'est quand ils cachent une intention de nuire tangible, viscérale. Là ça me fatigue et ce soir c'est le cas.

    Je me prends à rêver d’un Who’s Who des pseudos, oh pas la véritable identité, je respecte les motifs des uns ou des autres à se parer d’un autre costume principal que celui de leur naissance, non simplement une table d’équivalences, Untel est aussi Untel et Untel, quelque chose de ce genre. C’est de ça dont je rêve parfois, quand je voudrais que le monde soit un peu plus clair. Certaine nuit propose un Who's Who des infréquentables. Je ne sais pas qui est Selenacht, mais l'idée m'irait assez.

    Naïve. Mais qui a dit que le monde devait l’être, transparent, je range mon idée, après tout il y avait déjà des corbeaux dans les villages il y a longtemps, les trolls laissaient à certaines époques des poupées piquées d’aiguilles ou des oiseaux crucifiés sur les paillassons, mais on a aussi vu des adeptes de l'éducation par l'absurde, qui usent de subterfuges et même de coups de Layole (je dis ça parce que je me suis coupée à l'instant), pour que l'autre comprenne, chemin tortueux de l'apprentissage, c’est de toute éternité que les gens sont gens et qu’il faut faire avec, rêver une bonne nuit et voir ce qu'il en reste et il en reste.

    Je range mon idée de Who's Who, mais quand-même, certains soirs la coupe est bien pleine. C'était juste un billet d'humeur, pas un texte bien important.

     

     

     

     

     






    1 commentaire
  • crédit photo anthropia # blog

     

    Jamais la nuit,

    à lampe de poche le livre,

    Jamais la nuit

    à cuiller dans les bras,

    Jamais la nuit

    à voix profonde

    Jamais la nuit

    à filantes étoiles

    Jamais la nuit

    à sons qui consolent

     

    Enfoncée dans le noir d’un autre que toi,

    J’ai coulé, malgré moi, 

    glissée dans le courant

     

    Tu m’as tendu la perche

    Et suis tombée au fond

     

    m’as dégoûté de lui,

    tombé du piedestal

    cette fin qui n’en est.

     

    Aux cercles lumineux renoncer,

    Ne suis pas une gymnaste

    pour faire le grand écart,

     

    Partir sur mon chemin

    à petits pas

    ce qu’on veut,

    si la contrainte est là,

    elle sera mon.

     

     

     


    votre commentaire
  • crédit photo anthropia # blog

     

     

     

    D’un homme vu un jour à la table d’un café où je buvais un verre avec de ses amis, de ma frayeur devant son visage, du chemin fait durant la conversation, jusqu’à ce qu’acclimate. Les phrases de Lévinas sur le visage, jamais oubliées.

    _____________________________________________________________________

    A propos de l’arpenteur, portrait

     

    Boursoufflure de tête, s’il avait vécu à Paris, un casting l’aurait identifié, pour une cour des miracles ou au cirque de Lang, couvert de bosses, juste la tête, la méprise d’un Dieu qui, trop bu ce jour-là échappé dans ses rêves hargneux de l’homme incomplet, ce glébeux, se serait vengé.

    Là, dans le jardin, arpentant les distances, il n’était que trop-plein de pensées, de ces questions de lui qui l’avaient envahi depuis depuis. Mais il avait à mesurer, il mesurerait, quand il franchissait les mètres sa tête pesait l’allée à longueur de ses pas, l’obstination faite homme comment l’aimer la bête, poursuivait son idée et audibles ses mots, juste le chuchotis des j’y arriverai, j’y arriverai, l’arpenteur arpentait la salve d’hypothèses, combien de centimètres, combien de millimètres, à genoux puis à terre pour guetter tout au fond le pied du tilleul tapi dans les fougères, et quand sonnait l’heure, la fatidique échelle prise à son tour de pic, il redressait vainqueur sa toison en montagnes, notait dans le calepin les bribes de chiffres qu’on aurait voulu lire dans l’espace à l’arrière, mais qui, pour risquer de surprendre par derrière l’homme qui de ses pieds agite le terrain, tourne bruyant sans plus attention au péquin qui piétine, qu’à se faire renverser on s’expose, le bossu de la tête n’avait que solitude et manque en soi de ces instants où trime la fierté, il était mal-aimé d’où viens-tu charmante qui lui tendrait les bras, ne la cherchait même pas persuadé que rien jamais, constant dans l’absence à ce monde qui voue à gémonies le laid et le distant, le diable même si cœur, même vibrant au-dedans ; la perte de ses pleurs personne ne l’aura vue, le pauvre d’intérieur gémissait sa hantise.

     

     


    votre commentaire
  • Crédit photo anthropia # blog

     

    L’éphémère instant d’un voyage le non-lieu

    l’abri du temps cadran sans aiguilles

    L’entrelacs incessant des pensées et des voix

    dans les lavis d’azur dans le marais des mots

    cristallise au tamis de lecture

    pépites agglutinées en concentré de sens

     

    Scories remontent à la surface, 

    la brutale saignée ravale à l’étranger.

     

    Et puis suivi d’un fil et là dans la confiance 

    s’étendre dans le rêve à guetter

    les ombres familières les ondes musicales 

    et traverses légères.

     

    La rêvée n’a pas d’arrêt dans le bocage 

    il appartiendrait à la clarté d’un trait,

    tu le sais sans l’acharne à l’audace 

    sans la guerre à la paix

    ce que seules il faudrait,

    la rêvée n’appelle que par attrait.

     

    Ignorance des chairs butée des impossibles

    Comment l’évidence en l’absence.

     

    Enfermée là où seul sait,

    venue dans mon Nord trois quart

    que la langue au marché qu’un panier aux fruits frais

    qu’une hirsute mendiante en commun regard

    la résistible ascension au point huit

    compter chaque marche jamais peut-être un jour

     

    originalités pas deux à même but,

     

    l’alerte des jours 

    ni la rêve ni l’espère

    la considère.

     

     

     


    votre commentaire
  • Crédit photo anthropia # blog

     

    L'avantage de la tablette est qu'elle permet de partir en vacances avec sa bibliothèque, on se coltine ainsi dans quelques grammes l'intégrale des classiques, Chateaubriand, Proust (que j'ai à présent aussi sous ce format numérique même si je suis tout de même partie avec l'objet-livre, le Quarto, dans lequel j'ai lu Proust l'automne dernier et jusqu'à ces derniers jours  par une sorte de fétichisme, mes émois de lecture sont liés à ce livre-là), et comme c'était pour rien sur Amazon, j'ai donc pris Balzac dans ma valise.

    Mes souvenirs à propos de Balzac remontent évidemment à l'enfance, faisant partie de ces livres que j'accumulais sous le lit rentrant de la bibliothèque, je les cachais et les lisais la nuit, je bravais pour ça le loup qui se tapissait dans la pénombre de la moquette pour rejoindre l'interrupteur, pas de lampe de chevet interdiction du lire au lit, c'est seulement après m'être fait piquer plusieurs fois par mes parents que je suis entrée en résistance active et organisée, j'ai économisé pour acheter une lampe de poche et je lisais en douce dans le drap coincé avec ma tête pour en faire une tente de lecture, vigilante toutefois, il s'agissait de ne pas me faire prendre dans mon abri lumineux. Pour ça les marches de l'escalier étaient bien pratiques, la marche 3 et la marche 8 -ma préférée- grinçaient faisant signal d'alarme.

    C'était une époque où n'existaient pas ou peu de livres pour enfants, chez moi en tout cas et dans ma vie quelques Rouge et Or, la Bibliothèque verte, pas souvenir de la Bibliothèque rose, mais en haute enfance ne me souviens pas qu'on me les ait achetés, viendront plus tard curieusement, les seuls que j'avais à l'âge de l'apprentissage de la lecture provenaient du grenier où je ne savais pour quelle raison, à l'époque, les Sand, Jules Verne de chez Hetzel avaient été relégués, les autres m'arrivant de Californie (c'est ainsi qu'entre six et douze ans, le livre pour enfant a toujours représenté cette épreuve de voir les images et de trébucher sur les mots anglais, livres épais de contes ou comics, c'était pareil, ils m'échappaient).  Je ne sais plus à partir de quel âge mon grand-père institua le rituel de m'en offrir aux anniversaires et à Noël, mais c'était plutôt vers l'âge de neuf ans (cause autobiographique).

    Et là bien sûr vers l'âge de dix ans, l'âge de la sixième pour moi, où je pouvais marcher seule dans les rues de ma petite ville, me sont tombés dessus les séries bien dressées sur les étagères de la bibliothèque Peugeot, les Balzac, mais au même titre que des Zévaco, des Zola, des Delly, tout y passait, et bien sûr Maupassant et Cesbron, Pearl Buck, Cronin, que sais-je encore, ne sais même plus dans quel ordre je les ai lus ni à quel âge, aucun n'était censuré en tous cas. Je les lisais sans hiérarchie avec compulsion, sauf Maupassant, Une vie, qui vers treize ou quatorze ans fut un électrochoc et Rimbaud à peu près à la même époque, je recopiais chaque poème dans mon carnet comme si je les avais écrits.  Alors Balzac, revisité dans les années lycée avec Flaubert et quelques autres, représentait un flux d'histoires, dont certains passages m'arrêtaient parce que quelque chose de parfait dans leur forme, mais ne m'interpellaient pas plus que ça, et peut-être moins encore du fait qu'on se devait de les commenter, d'en faire une écriture sur.  Ces Père Goriot, Colonel Chabert, Cousine Bette, Cousin Pons avaient un côté naphtaline sans la finesse psychologique que je recherchais dans un roman, je lisais pour comprendre les psychés des adultes et l'aspect sociologique s'il m'intéressait n'avait pas le niveau de description attendu.  C'est pourquoi au fond je suis passée à côté de Balzac.

    En ayant relu quelques-uns de ces récits de La Comédie Humaine ces derniers jours m'est apparu qu'au fond je ne l'aimais pas pour cause de féminisme. Cet homme-là n'aime pas les femmes, soit il en fait des saintes et des oies blanches ou il en fait des perverses et/ou des criminelles ; mais par-dessus tout ce que je lui reproche c'est de ne pas nous restituer la face cachée, l'autre monde, celui des femmes.  Monde hémiplégique, on le sent tout du long  que ce qui passionne Balzac, les intrigues, les manipulations, les conspirations, un monde du paraître comme ressorts du récit,  avec rebondissements à la clef, faut feuilletonner, alors oui bien sûr, la fresque sociale est là, les morceaux de bravoure sont magnifiques, mais qui pour réchapper de ce Jugement dernier permanent, où chacun passe au tribunal pour son incompétence ou pour son vice, ce monde de situations, ça semble paradoxal que je dise ça en même temps parce que mon métier a consisté à gérer des situations, mais justement ceci explique peut-être cela, je voulais déjà "nager au-dessus des racines" comme dit si bien Duchamp, trop habituée et ce depuis l'enfance à ces mécanismes. La configuration inextricable des intrigues m'étant donnée, il m'appartenait de faire la lumière sur les motivations des êtres et non celles de leur faire.  D'où l'intérêt pour la psychanalyse plus tard.

    J'aurais aimé trouver des portraits de belles femmes qui ne soient pas gourdes, j'aurais aimé chez lui une tendresse qui ne soit pas inféodée aux nécessités du plot, trouver le marginal sécant qui vient bouleverser le jeu des convenances et des alliances et qui,  au nom d'un intérêt supérieur, le bien public, la beauté du geste, la gratuité, l'amour, vienne submerger les vieilles habitudes. Et cela Balzac ne le fait guère, quand ça submerge, c'est toujours au nom d'un autre intérêt, de réseaux anciens réveillés, d'esprits retors à la manœuvre, dans la ficelle d'un nœud coulant du récit, l'engagement des hommes et des femmes se fondant souvent dans la part veule, servile, imbécile ou revancharde de ses personnages. Le monde n'est pas une mécanique, je le pensais à l'époque, et je le pense toujours. 

    Curieux que je dise cela repensant à Proust qui traite aussi de ce monde-là, mais ce qui sauve Proust, c'est peut-être sa maladie, mais sans aucun doute aussi son goût des paysages, l'imaginaire, le lien à maman de l'enfance, celle qu'il a su apprivoiser. Cette prise en lui de l'enfance, Balzac en semble loin. Et finalement, la mère de Proust a raison, elle qui ne l'aimait pas Balzac, ce que Proust lui reproche, comme le commente François Bon dans sa conférence sur Proust à  Ecrivains en bord de mer, en en faisant même l'ancre d'où part La Recherche. Ne sais pas pour quelles raisons elle ne l'aimait pas, parce que n'ai pas lu le Contre Sainte-Beuve dans cette perspective-là. A relire donc. Serait intéressant de savoir -commentaires ouverts- qui des hommes et des femmes autour aime Balzac.

    Mon problème avec Balzac remontait loin et je ne m'en suis aperçue qu'hier en réagissant aux stupides dialogues faisant parler un Allemand avec l'accent teuton, dans Le cousin Pons et aussi aux relents antisémites du roman, -je sais, pas d'anachronisme, mais pourquoi ne trouve-t-on pas ça chez d'autres de la même époque-, m'est venue une sorte de colère profonde, moi qui aime l'allemande langue à cœur et la culture juive, même si je n'apprécie pas la politique de ce gouvernement d'Israël, puis en réaction au billet d'Anne Jouy sur son très beau site Mots sous l'aube, "Question Littérature", traitant de la difficile reconnaissance des femmes écrivains , là je ne sais comment j'ai fait le lien mais c'est sorti, peut-être à cause de cette difficulté à  faire entendre le point de vue des femmes sur le monde et ce machisme à ne pas reconnaître qu'une femme -écrivaine ou pas- puisse être traitée à l'égal d'un homme, non parce qu'elle en serait un, mais parce qu'elle n'a pas peur d'en exercer les mêmes libertés.

    Alors je me le dis, là, sur ce blog, je n'aime pas bien Balzac.

     

     



    votre commentaire