• Les dessous-de-table, 2009

    François Mazabraud

    Salon de Montrouge

    Crédit Photo Anthropia

     

     

    Le modèle de notre Président,

    affiché dès ses premières vacances aux States,

    est le modèle américain,

    l'argent y est roi,

    pas de scrupule à son sujet.

    On nous impose donc un modèle libéral

    à faible taux d'imposition.

    Mais sans les avantages.

    En France, pas de conflit d'intérêt,

    pas de réelle séparation des pouvoirs,

    pas d'amendement pour défendre le droit de la presse,

    les récentes affaires Woerth-Bettancourt

    en sont la preuve.

    Lagarde a écarté la class action

    et les menues défenses des consommateurs.

    On prend les privilèges des riches Français,

    on acquiert les privilèges des riches Américains.

    Le système que le Sarkoland met en place

    va toujours dans le même sens,

    celui des riches.

     


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  • Vie et mort d'un stylo (détail)

    Salon de Montrouge

    Crédit Photo Anthropia

     

     

    Cela commence comme un soir de coupe du Monde, quand tous vos amis vous ont fait faux bond, vous cherchez vainement sur votre menu TV une série potable à regarder. Et vous tombez sur un feuilleton que vous aviez jusqu’ici réussi à éviter, un sous-sous « Grace Anatomy », j’ai nommé « Mercy Hospital ».

    J’en étais à une petite demi-heure, me tâtant pour zapper, quand arriva cette stupide histoire de pingouins. Un type avait enlevé deux pingouins au zoo pour les donner à sa petite amie qui venait de rompre. Elle adorait chez eux leur grande fidélité ; lui, pensa la récupérer en lui offrant les mammifères. Mais cela se passa mal, les pingouins le rouèrent de coups de becs et il arriva à l’hôpital défiguré et recherché par la police. Confiant à l'infirmière son inquiétude pour les pingouins, ils étaient dans le van, il convainquit la nurse, ni vu, ni connu, de les lâcher, dans la nature,pour que la police les récupère.

    J’en étais là du poussif épisode, quand l’histoire se prolongea par une scène de la même infirmière, en mal d’inspiration pour récupérer son ex, qui crût bon de s’inspirer du coup du retour de flamme de l’être aimé à l’aide de pingouins en peluche. Elle sonna à la porte de son cher et tendre, qui lui rappela fort opportunément qu’elle l’avait trompé avec un autre type. Bref, échec sur toute la ligne. C’est là que je dis Stop à l’indigence télévisuelle et décidai de me plonger dans ma dernière razzia librairiale (oui, je sais je viens de l’inventer).

    Vous savez, on devrait toujours prendre des risques en matière de littérature. En fait, je n’en ai pas pris. J’ai compté renouveler le miracle avec deux auteurs que j’ai tellement aimés. On ne devrait jamais dire qu’on aime un auteur, mais qu’on aime un livre. J’ai donc tenté le dernier Daniele Del Giudice, « Horizon mobile », vous allez rire, le roman commençait par une histoire de pingouins sur la banquise, mais stoïque, je décidait de m’accrocher ; je tentai de suivre ce journal de voyage, j’en étais sûre, le petit miracle du « Stade de Wimbledon » allait se reproduire, ce livre sublimissime. Et bien non, après trois chapitres, puis le saut de pages, tentant de trouver quelque chose qui m’inspirerait, j’ai dû lâcher Daniele. Désolée, mais je n’entendais plus ta voix, je n’entendais que des bouts de récits, oui, les  Yahgans, j’ai lu, page 135 et suivantes, mais comment dire, c’était des histoires d’explorateurs, et je ne t’ai pas trouvé malin sur ce coup-là, toute la partie défilatoire (oui, celui-là aussi je l’ai créé) me tombait des mains, j’allais dire des mots. Alors je t’ai quitté.

    J’ai voulu me vautrer dans les bras de Frédéric-Yves Jeannet, dans son dernier « Cyclone ». Chez lui, son « Charité »  m’avait scotché, un grand livre, puis j’avais suivi, même le dialogue par mails entre Annie Ernaux et lui, mais son Cyclone ressemblait à Dien-Bien-Phu, la photo de Christine Spengler,  après la bataille : un cataclysme de mots, un enchevêtrement de phrases, les unes derrière les autres sans queue ni tête, sans respiration, vous me direz, alors c’est réussi, pour un cyclone, oui, mais non, parce que je n’ai pas pu accrocher, pas de place pour ma pensée dans ce souffle enchaîné. Dans Charité, il m’avait emmené, une grâce, une pureté, là il m’a laissé au bord du chemin, l’incantation des destinations étrangères ne fonctionnait plus, l’incessante traversée des océans non plus. Suis-je lasse de son histoire, toujours la même, de lire toujours le même roman ? Peut-être. Peut-être aussi est-il las lui-même de la raconter.

    En littérature, prendre des risques n’est peut-être pas de réessayer avec un auteur déjà lu, mais de faire des découvertes, des vraies. Il y a quelques semaines, j’avais essayé Alice Zeniter, « Jusque dans nos bras ». Elle ne boxe pas dans la même catégorie, c’est une petite jeune, la vingtaine. Un roman générationnel, comme on dit, tout ça parce que sur le conseil de son éditrice, ça commence par une litanie de « Je suis de la génération de ». Mais cela permet d’entrer dans la génération de nos enfants. C’est frais, bien senti, en plein dans la problématique des sans-papiers, de mariage blanc, des copains de mon fils, Alice pourrait être une de ses meilleures amies, il en a des comme ça.

    A recommander donc.

    Mais hier soir, j’ai tenté à nouveau l’aventure en compagnie d’un ami de plume, Pascal Quignard, dans « La barque silencieuse ». Il y a son bégaiement, « j’aurai passé ma vie à chercher les mots qui me faisaient défaut ». Il y a son érudition, de l’étymologie du corbillard aux corbeillats, étrange transport de nourrissons qu’on emmenait en nourrice par la Seine, aux métamorphoses d’Ovide, à la « tristesse mortelle » de Mme de Lafayette. Nous sommes sur le Styx, nous parcourons le chemin des mille, qui mène de vie à trépas, le va-et-vient de sempiternité, comme une scie, qui se fait de plus en plus entendre aux derniers jours de la vie. Cela se déguste, sans désespoir, sans idées noires. On apprend, on pense, on considère ; les derniers instants comme objet d’un récit, les morts burlesques, elles le sont toujours, les morts hésitantes, les signifiantes, les inconcevables, les terrifiantes. Cela ne fait pas livre, pensez-vous ? Allez-y goûter, vous verrez. Certains risques littéraires méritent d’être pris.

     

     

     

     

     


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  • Auvent (détail)

    Gauthier Sibillat

    Salon de Montrouge

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    Il y ces jours-ci une judiciarisation de l'affaire Woerth-Bettancourt,

    une enquête dont se saisit la juge de Nanterre,

    pour instruire les fameux enregistrements du Majordome,

    dans le cadre du procès Banier/Bettancourt fille ;

    une enquête sur la fraude fiscale de Mme Bettancourt,

    diligentée par Bercy ;

    Une autre sur le financement des partis par cette même milliardaire,

    diligentée par le Parquet de Nanterre.

    Il y avait la plainte de Bettancourt contre Médiapart,

    mais qui a fait long feu.

    Et cette autre pour diffamation de Mme Woerth.

    Il y aura désormais la plainte de M. Woerth contre X.,

    il ne pouvait faire moins, vu son embarras au JT de Ferrari,

    lorsqu'elle lui a demandé pourquoi il ne portait pas plainte.

    Et ces derniers temps, le paysage judiciaire est devenu foisonnant,

    confus, ramifié, les plaintes devront attendre que soient résolues les enquêtes

    pour savoir si la diffamation est réelle ou pas.

     

    Et tout à coup, Martine Aubry demande

    à ce que les enquêtes soient dépaysées.

    Dépayser, quel beau mot.

    Les enregistrements mettaient en cause le Procureur Courroye,

    comment est-il simplement "possible"

    que son parquet enquête sur le financement des partis,

    dont parlent ces mêmes enregistrements ?

     

    Dépayser, pour sortir l'affaire du marigot,

    le pays du 92, de Neuilly, du Parquet,

    du Procès Banier-Bettancourt.

    Dépayser pour rendre compte au pays, la France,

    pour que vérité soit établie et justice soit rendue.

    Y a-t-il une autorité là-haut

    pour qu'on impose le dépaysement aux hommes du Président ?

     

     

     

     

     


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  • Money box

    Gianni Motti

    La Ferme du Buisson

    Crédit Photo Anthropia

     

     

    Je le constate, je n'achète plus que le Monde du jeudi,

    pour le supplément Livres.

    Pour le reste, quand je vais sur le site,

    c'est pour vérifier s'il est à jour.

    Terrible phrase, je vérifie si Le Monde est au courant de ce que je sais déjà,

    ou s'il juge intéressant de publier ce que je juge intéressant.

    Un PV en flagrant délit,

    que je lui colle, à lui, au Figaro, au Parisien, au Point et tous les autres.

     

    Parce depuis quelques années,

    le surf m'entraîne dans une course à l'hyperinformation,

    une sorte d'hyperventilation, un shoot aux news.

    Je me monte, sur mon marbre intérieur,

    une mosaïque d'infos, dans le but de tout savoir d'un sujet,

    être à jour dans les feuilletons médiatiques

    ou compléter certains dossiers que je suis.

    Ne manquer en aucun cas le quart d'un dizième d'argument complémentaire.

    Par exemple, ce matin, je suis retournée écouter

    le journal de 9h sur France Culture de samedi,

    parce que Véronique Pellerin a expliqué quelque chose

    qui m'apparaissait comme un angle mort de l'information,

    quelque chose qui, quand elle l'a dit, m'a semblé lumineux.

     

    Pourquoi est-ce gênant qu'on ait fait un chèque de 30 millions d'euros

    en remboursement fiscal à Mme Bettancourt ?

    Je prends les réponses : oui, ici, parce que ce n'est pas moral ?

    On donne aux riches qui ont déjà ? Là, oui, là, au fond, parlez.

    Parce que Woerth, ayant été informé par le Parquet de Nanterre

    de ce qu'il y avait de la fraude fiscale chez Bettancourt,

    n'aurait pas dû accepter de rembourser ?

    Parce qu'il savait qu'elle avait un compte en Suisse,

    puisque Florence Woerth y était allée deux fois à six mois d'intervalle ?

     

    Et bien oui, tout cela est juste, mais pas seulement.

    Il y a une réponse politique à cette question

    et c'est Pellerin qui s'y colle au journal de 9h.

    A 8h, elle ne donnait pas la raison,

    sans doute y a-t-il eu un débat au sein de la rédaction,

    faut expliquer, tu comprends, les gens se demandent,

    expliques pourquoi tu en as fait un titre

    de ce chèque de 30 millions d'euros.

     

    Et la réponse limpide est advenue.

    Parce que le bouclier fiscal ayant été mis en place par Sarkozy

    pour inciter les riches contribuables à rester en France,

    la pratique de Mme Bettancourt montre

    que cette mesure a échoué, qu'on peut et frauder et toucher le chèque.

    Que tout est affaire d'opportunité et d'âpreté au gain,

    cela c'est moi qui le rajoute.

    Et que donc, cette réforme emblématique du Sarkozysme

    est un échec, comme l'a été le cadeau de TVA aux restaurateurs.

    CQFD.

     

    Et une petite perle de vérité dans ma musette à infos, une !

     

    Voilà où j'en suis, n'est-ce pas, l'exigence de l'information, les faits,

    débouche sur l'exigence de raisonnements complets,

    l'analyse de l'info dans toutes ses ramifications.

    Ce qui m'a fait acheter trente ans durant Le Monde

    est aussi ce qui me fait ne plus l'acheter.

    Parce que les faits, les documents, le fond,

    je les glane en surfant, et que l'analyse devient mon apanage,

    mon luxe à moi, ma jouissance.

    Bien sûr, je m'appuie sur les analyses des autres pour parfaire la mienne,

    ici JF Kahn, là Daniel Schneidermann, Fourest ou encore Duhamel,

    et ce matin Pellerin.

    Comme le disait Camus, repris par Marianne,

    le goût de la vérité n'empêche pas de prendre parti.

    C'est même cette exigence qui fait

    que je n'accepte plus l'a-peu-près d'un seul média,

    je veux aller au bout de l'information pour savoir quel parti prendre.

     

    Ce qui m'intéresse n'est plus l'entre-deux, le soupesage,

    peut-être que oui, peut-être que non,

    mais bien la clareté pour savoir quoi en penser.

    Sinon ce n'est que de la bouillie qui m'encombre la tête,

    et je n'en ai que faire.

     

    Si je ne lis plus Le Monde, c'est en quelque sorte,

    parce que je suis devenue une journaliste du Monde,

    façon Camus.

     

     

     

     

     


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  • Salon de Montrouge

    Crédit Photo Anthropia

     

     

    Quand le soleil brille, surtout au début,

    je ne sais pas pour vous, mais je frétille.

    Je sors les jambes nues, pauvres garçons,

    pour sentir cette caresse si singulière,

    ce picotement réveillant tous mes sens.

    Quand le soleil brille, surtout après quelques jours,

    je me méfie, je me dis que la pollution va stagner,

    que mes bronches vont morfler, qu'il fait beau

    mais pas pour mes poumons.

    Quand le soleil brille, surtout au bout d'un mois,

    je me sens prête pour les vacances,

    humant d'avance l'air iodé de Ré,

    ou m'avachissant par la pensée,

    sur le transat dans un doux frou-frou de cigales.

    Quand le soleil brille, je suppute, considère et analyse

    le meilleur plan pour les vacances :

    j'ai toujours eu du mal avec les destinations.

    Vais-je rejoindre Untel au Memphramagogue Lake,

    pour kayaker en squaw sur les barrages des castors,

    ou visiter Olivia, la petite Ougandaise à nattes,

    qui m'écrit "je travaille bien à l'école" ?

    Vais-je me retirer dans mes terres aveyronnaises,

    pour achever mon grand oeuvre, quelque chose entre l'Idiot,

    Madame Bovary, dans une épopée façon Enéide ?

    Ou vaquer d'un copain à l'autre, squatter chez les Dutour,

    puis chez les Dupont, enchaîner chez les Dupuis,

    sans oublier les Durand ?

    Mais le pire avec le soleil, c'est quand on ne sait plus du tout

    comment faire cette chose toute bête de penser,

    quand la chaleur vous embrume la tête,

    et laisse vos veines à un sang chaud, chaud,

    qui ralentit son débit et englue votre corps.

     

     

     


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