• Pont sur l'american river

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    Avec le temps, je me suis rendu compte que j’étais nulle en histoire, d’ailleurs ma note de 19 au bac était pure imposture, j’étais tombée sur la montée du nazisme et forcément je savais tout –et pourquoi j’écris « forcément » hein, j’étais d’origine alsacienne-, j’avais tout lu de l’époque et même qu’à treize ans près, Hitler, s’il était né plus tôt, aurait pu s’appeler Schicklgruber, parce que son père n’a été reconnu qu’à l'âge de trente-neuf ans par son père et qu’il a alors changé de nom pour s’appeler Alois Hitler, et que, nonobstant toutes ces conditions, le fils s’étant appelé du précédent nom de son père dans un futur antérieur qu’on aurait pu appeler histoire-fiction, Heil Schicklgruber ça ne l’aurait pas fait, et que tous ces petits morveux qui hantaient les rues dès les années vingt (et qui apprenaient avec leurs pieds dans les manifs la formation politique nécessaire à leur futur endoctrinement, comme l’explique Sebastian Haffner dans Histoire d’un Allemand, un grand livre à lire absolument), n’auraient pas remarqué de führer digne du nom et que ça aurait changé la face de la terre pour bien de mes amis, donc à part cet accident de parcours, j’étais plutôt nulle en histoire, qui connaît ma mémoire qui flanche n’en sera pas étonné.

    Encore que j’en ai toujours eu de bonnes, de notes, à cette époque, surtout avec ce prof, M. Bonnet, notre prof d’histoire de terminale au Lycée Cuvier, il était génial, le premier vrai professeur d’histoire que j’aie eu, il enseignait à partir des textes ou des photos, il nous en faisait faire l’analyse, l’exégèse pour les textes, l’approche sémiologique pour les images, on s’approchait de l’objet, on devait repérer les éléments d’information, deviner les allusions ou ellipses qui faisaient monter le sens, dater au plus près, situer dans la géométrie des contextes, simplement par la langue du texte ou la facture de l’image, il nous mettait en situation de recherche approfondie, l’histoire n’était plus un exercice de mémoire mais quelque chose de concret, à la manière d’un historien qui fait son chemin dans les archives, le seul recours à la mémoire étant créatif, cette mémoire que j’aime, la mémoire contextuelle, celle qui nous fait rapprocher une époque et puis l’autre, passer rapidement sur les dates et les événements, mais construire une apothéose de signifiants tous utiles à la grande quête, et le oh de plaisir qu’on avait ensemble quand on arrivait à bon port, c’est proprement indicible, la joie de l’histoire quand on la pratique avec ferveur.

    Alors que j’aie fui les histoires thématiques ou purement factuelles de ces tribuns d’amphithéâtres rencontrés sur les bancs d’une grande école, je le comprends aisément, ce que j’ai toujours aimé en histoire, c’est la posture, pas la pose.


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    Un pull d’une belle matière comme celui qu’on aime de nos jours auquel on s'arrime en bas en haut chaque jour on en rêve tous mais à l’époque il faut remplacer belle par piquante sur la photo la laine a l’air doux mais ne pas s’y tromper celle-là gratte et puis les couleurs les couleurs de ce pull tricoté à la main oubli qui l’a tricoté ce beige berk chiné de quelques fibres bleutées et peut-être une pointe de vert couleur layette à un âge où on aspire aux vraies couleurs vous vous souvenez que la laine dévore qu’elle n’est pas faite pour vous pas plus que vous n’êtes faite pour elle une incongruité erreur au démarrage et c’est ainsi on n’y peut pas grand chose à cet âge-là et à côté vous lorgnez ce beau cashmere d’un rose entre l’indien et le saumon jamais vu ailleurs tellement séduisant qui love les formes surmonté d’un gilet noir col en V à première vue tout à fait raffiné tricoté en Irlande côté gentleman enseignant sciences po et même un peu anar mais qu’est-ce qu’on en sait et il a le parfum qui va bien alors on serait tenté de l’attraper quand il traîne sur un lit et on s’en habille on croit que ça y est qu’on a réussi à troquer le vieux pull contre le beau et puis au centième lavage on se rend compte que le pull ne rend plus pareil qu’il a changé on ignore la cause on tente de comprendre il a pris des formes sur vous alors ça se voit et puis il se troue de plus en plus souvent il se troue il finit par ne plus avoir l’air de rien du tout on tente encore on n’y peut on n’abandonne pas juste qu’on se tient à distance et puis il fait retour au-dessus de la pile on en porte d’autres entre temps on le reprise on tente de saisir les mailles de les relever et ça marche on a un pull pas trop abîmé mais toujours cette impression qu’il y a des trous qu’on devrait laisser tomber jusqu’à ce qu’un jour quelqu’un vous dise la vérité ce pull est un cashmere ça risque c’est d’une autre époque vous accusez le coup et puis dites que nécessaire de ré-emmailler et c’est fait vous pensez que c'est réussi que le pull enfin se laisse voir et que ça simplifie les choses que vous croyez parce que ce faisant le pull s’est galvaudé avec ses stickers qu’on met sur les trous ça cache mais en fait s’avachit et qu’au lavage ça s’en va et c’est faux et vous en avez assez vous êtes lassée  c’est fini plus le goût et là le miracle vous le retrouvez dans un tiroir tout penaud on jette en général à la poubelle mais vous avez l'art de récupérer les vieilles loques alors vous le gardez comme un vieux chiffon ami côté pelage noir et côté flanelle bien utile au ménage que vous faisiez avec votre fils et puis un jour on le voit partir en lambeaux et ce qui vous reste est le souvenir d’un beau cashmere qui vous a fait du bon temps et qui à la fin malgré toutes les misères même tout mal foutu était doux pour vous.

     

     


     

     


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    A Pontarlier a lieu un événement que j’aime bien, même si la dernière fois ça devait être en 1975 ou quelque chose comme ça, -ah non j’oublie mes quatre ou cinq séjours au Lac de Saint-Point ou plus exactement à Métabief pour cause de ski de fond sur les plateaux, les magnifiques panoramas sous le soleil, la neige endiamantée et les boucles qu’on y fait, l’infinie variété des boucles et qu’on skie toutes, la courte d’abord, et puis la plus longue, tous types d’obstacles en catalogue, j’aime le fond qui donne au mot "promenade" toute sa signification, tout ça pour dire qu’on y passe aussi par Pontarlier quand on monte là-haut-, mais la dernière fois que j’ai vraiment visité Pontarlier (Doubs), c’était donc pour y aller voir un festival de cinéma, une intégrale Tanner, elle ne comprenait pas ce que je considère comme un de ses chefs d’œuvre, Dans la ville blanche, toutefois, sorti plus tard, mais de bien beaux films, Charles mort ou vif, La Salamandre, Le retour d’Afrique ou cet émouvant Le milieu du monde.

    Celui qui m’avait le plus interloqué, c’est Le retour d’Afrique, je crois, qui se passe à huis-clos dans un appartement vide (déménagé), le couple vit juste sur un matelas par terre, une valise dans un coin, ils sont supposés partir en Afrique, le film entier se passe dans une conversation du couple pour se demander s’ils vont partir, alors qu’à l’époque de cette jeunesse-là, tous ne rêvent que de ça, faire la coopération.

    Et quand je pense à Pontarlier, souvent c’est ça qui m’arrive, ce dialogue d’un couple dans un appartement vide où ils s’interrogent sur le sens de leur vie, le sens de ce départ, le sens de se cacher là dans l’appartement incapables de dire à leurs copains, non, on n’y va plus, comme dans Le sanglot de l’homme blanc, qui sait qu’il ne trouvera là-bas que des rapports faussés, mais qu’ici sera la culpabilité de ne pas l’avoir fait.

    Je dis tout ça de mémoire et comme elle flanche souvent, ne sais plus s’ils vont partir, et il vaut mieux ne pas le savoir, parce que ça dévoilerait la fin, et que la tension du film est de ne pas savoir. En fait, on ne le sait pas, personne ne le sait et c’est précisément dans cette latence que se passe le récit, une part autobiographique de la vie du cinéaste, qui n’a jamais cessé au travers de ses projets de raconter la suite. Et on l’a suivi toutes ces années cet homme qui était venu, comme souvent les cinéastes le font, présenter sa belle filmographie.

     

     

     

     









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    A ma baie

    La dentelle de sanglier

    Apprécie le reste des jours

     

    A ma baie

    Le soleil

    Cambre les verticales

    Cherchant les feuilles offertes

     

    A  ma baie

    Le souffle préserve de la chute

    Les dernières offrandes

     

    A ma baie

    L’ambre va vers la structure

    Et s’admet perte et cycle

     

    A ma baie

    Sais que glacis d’hiver

    Sont à venir

     

    A ma baie

    Remercie d’être au chaud

    Et entière et peut-être plurielle

     

    A ma baie

    Sens qu’hiver va décrire

    Le chemin de jusqu’ici

    Le train de vers là-bas.

     

    A ma baie

    Le geai noir et blanc

    Et on ne s’en lasse pas.







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  • Oranges californiennes

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    En cette période de Noël, je pense assez facilement aux parfums que je vais offrir, je trouve que ça remplace sans inconvénient le chocolat pour les très proches auxquels on les offre, toujours une prise de risques, on pense à ceux frelatés qu'on sent dans l'ascenseur et qui font éternuer au bout d'une seconde, ça a pu parfois m'indisposer à tel point que je préférais passer mon tour plutôt que sentir ces odeurs toxiques, en fait dans les flacons actuels il s'en trouve très peu pour me convenir, mon nez aime les effluves japonaises, la senteur du lilas ou du muguet peut-être, de l'algue subtile, de ces arômes qu'on ne trouve qu'à l'extrême, -je ne parle pas du musc d'un homme, là, parce que ça constitue une autre fenêtre dans mon cerveau, la reconnaissance d'une masculinité, c'est très particulier, un univers qui s'installe presque aussitôt, on s'y sent chez soi, c'est comme ça que je rencontre, par l'odorat, à un mètre ça le fait- je parle d'une intimité de soi à soi, et à l'autre quand on le laisse s'approcher et vous humer, le mien me vient d’Issey Miyaké, on ne se refait pas, heureux qui comme Ulysse « vient » faire un beau voyage, léger comme un gant, sans contrarier les fragances naturelles, les habillant d'un voile de soie, je m'y love, je m'y introduis autant qu'il m'introduit, la parfaite conjonction de deux eaux, c'est ça le miracle d'avoir trouvé son essence.

     

    Et bien sûr comme à mon habitude dans ces pages, je vais consulter mon Encyclopédie, Ô Pédie, que je n'ose qualifier, elle fait tellement surprise à chacun de ses détours, faisons ce va-et-vient.

     

    Tout d'abord, il faut savoir que « Parfum » a dix entrées possibles chez Diderot et d'Alembert, toutes disponibles, je ne veux pas laisser à votre imagination le soin de les entreprendre, on y parle composition de parfums avec Jaucourt, littérature chez le même, critique sacrée (me viennent des textes d'Hugo (« un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ») et du Cantique des Cantiques pour ce poème mystérieux qui symbolise pour moi LA lettre d'amour (« Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe, Qui repose entre mes seins. »), tout à trac, et je ne sais pourquoi cette scène mythique de David reluquant Bethsabée dans son bain sur une terrasse de toit, juste pour la beauté de cette photo d'attente de la lettre, peut-être parce qu'on y respire à distance ces onguents qu'elle dépose sur sa peau avant la grande scène), un sibyllin NA en Parfum XXX, et puis quelque chose autour de Tireurs d'or, c'est tout pour les substantifs, on trouve aussi l'adjectif « parfumé », le verbe « parfumer », un transitif, et puis ce « Parfumer un vaisseau » commenté par Le Blond, une Marine, sans oublier les s.m. « Parfumeur » et « Parfumoir », de beaux objets sans doute. Entrons dans le texte.

    « PARFUM, s. m. (Composition de parfums.) la plûpart des parfums se font avec le musc, l'ambre gris, la civette, le bois de rose & de cedre, l'iris, la fleur d'orange, la rose, le jasmin, la jonquille, la tubéreuse, & autres fleurs odorantes. On y fait encore entrer le storax, l'encens, le benjoin, le girofle, le macis, & autres semblables drogues, que l'on nomme communément des aromates. »

    Quelle richesse, quelle profusion, et ce storax dans lequel on aimerait se perdre, et ce benjoin qui réunit en soi le souvenir de toutes les belles poésies, mais en fait il faut trier, c'est cela que m'a appris la vie, j'aime m'en tenir à une composition florale unique, la musique d'un jeu d'orgue rare. Poursuivons.

    « Autrefois les parfums où entroient le musc, l'ambre gris, & la civette, étoient recherchés en France, mais ils sont tombés de mode, depuis que nos nerfs sont devenus plus délicats. Parfum se prend souvent pour les corps mêmes d'où s'exhalent les parfums; en ce sens, les meilleurs parfums se tirent d'orient, & des pays chauds. (D. J.). »

    De mes contes des mille et une nuits j'ai gardé qu'on peut longtemps supporter l'attente, point de peur du musc, de l'ambre gris ET de la civette, bien que nos nerfs soient un peu délicats, avec la chaleur et le rose aux joues, ce « se tirent d'orient » indique bien la position à prendre. Voilà donc pour la composition, passons à la littérature à présent.

    « Parfum, (Littérat.) les anciens regardoient les parfums non - seulement comme un hommage qu'on devoit aux dieux, mais encore comme un signe de leur présence. Les dieux, suivant la théologie des Poëtes, ne se manifestoient jamais sans annoncer leur apparition par une odeur d'ambroisie. Aussi [p. 941] Hyppolite expirant, & entendant une voix qui lui parloit (c'étoit la voix de Diane sa protectrice), s'écrie dans Euripide, « ô divine odeur! car j'ai senti, déesse immortelle, que c'étoit vous qui me parliez ».

    Tout est dit, l'émissaire s'annonce par lettre d'ambroisie « que c'étoit vous qui me parliez », la force du poète dont les mots pénètrent, et elle sera pénétrée en retour « par ce signe de leur présence ».

    Toujours dans le sacré.

    « Enfin, les Hébreux aimoient tellement les parfums, que c'étoit pour eux une grande mortification de s'en abstenir, & qu'ils ne s'en privoient que dans des tems de calamités. Il paroît par l'Ecriture, que les hommes & les femmes en usoient indifféremment. Les parfums qu'ils employoient pour embaumer leurs morts d'un rang eminent, étoient apparemment composés des mêmes drogues que ceux des Egyptiens, dont les Hébreux avoient pris l'usage des embaumemens. L'usage des parfums pour les morts, fit naître aux vivars l'idée de les employer pour la sensualité. Les femmes chez les Hébreux les prodiguoient sur elles en tems de noces; c'est ainsi que se conduisit Ruth pour plaire à Boz, & Judith pour captiver les bonnes graces d'Holopherne ».

    On le voit la mort n'est pas loin, la grande bien sûr, n'est-elle pas toujours à l'horizon, mais en attendant la petite aussi, « les femmes chez les Hébreux les prodiguoient sur elles en tems de noces », c'était une promesse de Ruth à Boz dont on sait par Hugo qu'il a su faire très vite avec son endormissement.

    De la partie pharmaceutique, on ne retiendra que ce « On en peut faire de pareils pour remplir d'autres indications, pour provoquer la salivation, &c. », toujours penser à la salivation, elle dure parfois longtemps, mais combien le repas est généreux à celui qui sait l'attendre.

    Alors bien sûr ces fameux « tireurs d'or », « Parfum, (Tireurs d'or.) on nomme de la sorte une composition de divers ingrédiens, dont quelques tireurs d'or & d'argent se servent pour donner le fumage au fil d'argent, afin de le faire passer pour fil d'or, ou fil surdoré; le parfum est défendu par les réglemens ». Ce sain rappel du règlement, ne pas prendre le faux or pour argent comptant. On ne le prendra pas, non parce qu'il est défendu, mais parce qu'on n'y pense pas, pas de place pour autre dans la grande tirade, il n'y en a qu'une. Car c'est du parfumé qu'on détient ce qu'on a de bon : « PARFUMÉ, adj. terme qui se dit des choses qui ont reçu l'impression de quelque parfum, comme des gants parfumés, des peaux parfumées ». Une sorte de marquage, je retiens.

    Et à ce stade de l'échange, je vais me garder « Parfumer », « Parfumer un vaisseau » et suivants, parce que ces jeux-là je les conserve comme une poire pour la soif, une Marine avec son Le Blond, des pratiques d'objets qui font tout un programme, avec le Parfumeur, si disert qu'il en devient pluriel, mon parfumeur.

    Dans ma bouteille, j'ai le goût de tous les synonymes, aromate, arôme, eau, effluve, émanation, essence, fragrance, odeur, onguent, relent, senteur et même substance aromatique, car je me sens apprêtée avec mon « PARFUMOIR, s. m. c'est un petit coffre de bois garni à son entrée d'une grille qui soutient en l'air ce qu'on veut parfumer. Au bas de ce coffre est une petite ouverture, par laquelle on passe une chauffrette pleine de feu, où l'on met brûler les pastilles. ».

     

    Parfum d'oranges : ma déclaration d'amour


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