• Mrzyk et Moriceau

    La suite

    Air de paris

    Just like an ant walking on the edge of the visible

    Crédit photo Anthropia

     

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    Mai 1980

     

    Ai repris la piscine.

     


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  • Peter Coffin

    Crédit Photo Anthropia

     

      

     

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    Un article, intitulé Trauma, Memory, and catharsis, sous-titre Anthropological Observations on a Folk-Psychological Construct, de Michael G. Kenny (Simon Fraser University of Burnaby, BC V5A 186, Canada), publié in Recollections of Trauma – Scientific evidence and Clinical Practice, édité par J. Don Read an D. Stephen Lindsay – NATO ASI Series – in Series A : Life Sciences Vol. 291, chez Plenum Press, New York and London, en collaboration avec NATO Scientific Affairs Division, et rédigé à l’occasion d’un poster communiqué lors d’un colloque international sur la remémoration de souvenirs cachés, qui s’est tenu en 1997 à Port-Bourgenay (Vendée),  démontre que c’est au second événement que le traumatisme du premier événement se réactive.

     

    Cas de Mme M. étudié par le Dr J.-P. Hart


    Evénement N°2

    Lors de sa première séance, M. raconte un épisode de décompensation qui lui est arrivé en 1980. Elle est jeune étudiante au moment des faits. Elle remonte une rue en se dirigeant vers le domicile de ses amis, qui vivent un peu plus haut dans le même quartier. AU moment où elle arrive devant l’immeuble de ses amis, et où elle pousse la porte, elle entend un crissement de pneus, elle se retourne et aperçoit la tête d’une petite fille sous la roue d’une auto.

    Elle se met alors à crier, redescend la rue en courant , elle indique un épisode de malaise vagale qui la fait tituber ; elle ajoute qu’en s’appuyant contre les murs des maisons, elle s’écorche les bras.

    Arrivée à son appartement, elle s’effondre au sol, et reste ainsi prostrée jusqu’à l’arrivée d’un de ses amis qui avait vu la scène et l’avait suivie pour lui venir en aide. Elle prétend ensuite ne s’être souvenue de cet événement qu’à l’occasion du travail d’anamnèse.

    Replacé dans le contexte névrotique de la scène précédente, on ne peut que souligner, que la première scène de traumatisme fait résurgence dans ce second événement : La réaction hypertrophiée n’est pas liée à l’événement récent, dans lequel le sujet n’est pas affectivement engagé ; la scène constitue en quelque sorte le complément du premier accident ; ce que la patiente ne pouvait jusqu’à ce jour qu’imaginer, prend la forme d’images réalistes reconstituant des pièces manquantes du puzzle du premier événement.

     


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  • Ann Veronnica Janssens 9

    Crédit Photo Anthropia

     

     

    C’était un soir sur le Boulevard St-Germain. J’étais avec une amie psychanalyste, qui venait de publier chez lui, dans sa revue. Nous attendions qu’il se rende libre, assailli qu’il était par tant de gens. Derrière lui qui n’était pas grand, une petite femme, son épouse.

     

    Tout à coup, il nous avisa et s’approcha de nous et se mit en grande conversation, rappelant cet article, dans le numéro sur La Plainte de la Nouvelle Revue de Psychanalyse, curieux de nous, passionné, passionnant à écouter, frêle, mais plein d’énergie. C’était en 1993. Je n’ai pas oublié.

     

    Je lisais ses livres comme on entre dans une crypte, je savais que là je trouverais fragments, réel, présence à soi, comme j’aime à trouver dans mes lectures. Ses livres n’étaient qu’une ligne ininterrompue qui m’emmenait là où lui-même ne savait pas aller. Un homme disparaît, Frère du précédent, l’Enfant des limbes, Perdre de vue, jusqu’à son Laplanche et Pontalis qui ne trônent sur mes étagères. Hommage à J.-B. Pontalis.

     

    Né le 15 janvier, mort le…..


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  • C. Molusson

    3 Installation Un bon plan

    2005

    Crédit Photo Anthropia (prise à la Box de Bourges)

     

     

    Il est des matins où le corps pourrait exulter, mais qui ne s’y risquera pas. Au frimas qu’on croit déceler sur les arbres du petit bois en face de la chambre, à l’annonce si triste apprise le matin même, à la vision de ces hyènes ricanant, qui revendiquent d’interdire aux autres ce qu’ils veulent garder pour eux, le corps se lève, quelle plus grande urgence que celle de marcher, pour aller au marché justement, et de secouer ces petits bouts de réels, qui vous ont envahie depuis que le vent souffle.

    Limonade, alles war so grenzenlos. Limonade, tout était si infini. Et sur le chemin, je tombe sur les eaux vertes, je veux dire, je croise Mina, assise par terre, jambes repliées sur le côté, tenant près d’elle son fils Robert. Le fils a lui aussi les yeux de marécage, ils font tout deux comme un lien avec leur regard, comme un message codé en morse, trait-point-trait, point-point, trait-point-trait, figurant dans la séquence ouverte la lignée généalogique, l'appartenance à la famille des Cheminants, et plus prosaïquement les eaux troubles du canal de Saint-Denis, là d’où ils viennent, là où ils dorment, coincés entre les bardeaux de bois, recouverts d’affiches de Johnny piquées au Grand Stade, dont ils ont fait leur demeure.


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  • Marcus Steinweg

    Crédit Photo Anthropia

     

     

    Versatilité des conduites automatiques dans les faubourgs des petites villes |

     

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    La conductrice quittait la ville, roulant dans les faubourgs, quand l'incident s’est produit.

    Le véhicule était arrivé au niveau de la devanture d’un fleuriste, à côté des bureaux de la DDE, au 12, rue Donzerre, quand son moteur a calé. Le véhicule à ce moment-là était situé dans le sens longitudinal de l'axe principal.

    La conductrice se serait mise à accélérer puis à freiner, puis à accélérer à nouveau sans raison apparente. Ça ne semble pas avoir été une erreur de passage de vitesses, la voiture louée était une conduite automatique. La voiture aurait avancé par cahots, de plus en plus courts, puis la conductrice aurait appuyé de manière intempestive sur la pédale de frein, c’est à ce moment-là que son corps aurait heurté le volant. On ne sait pas ce qui a empêché sa tête de traverser le pare-brise. On suppose que le véhicule roulait à faible vitesse, étant proche du centre-ville.

    La conductrice se serait alors effondrée contre le volant, le véhicule stoppé au milieu de la chaussée. Il semble qu’elle se soit mise à pleurer. La victime ne se souvient pas des causes de ces pleurs.

    Après avoir repris ses esprits, la conductrice a jeté un coup d’œil derrière elle pour voir la route. En relevant la tête elle a aperçu un piéton sur le trottoir. Le piéton n’a pas souhaité être interrogé. Elle a alors redémarré pour garer la voiture un peu plus loin, sur le bas-côté.

     

     

     

    Tentative pour convaincre l’artiste de venir au secours des carcasses en détresse, à défaut de se souvenir |

     

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    Elle n’était pas depuis longtemps dans la ville quand elle avait découvert ce musée, qui présentait des collections de papier peint du patrimoine régional. Il était installé dans une vieille maison de maître, une ancienne manufacture de tapisseries, ornée de décors panoramiques somptueux, mettant en scène l’histoire coloniale.

    Son regard effleurait les impressions de ports exotiques, brigantins aux voiles blanches. Sur des quais en bois d’acajou, des voyageurs enturbannés cheminaient suivis de portefaix hâlés ployant sous les bagages et plus loin, des femmes au teint clair, revêtues de délicates robes à crinolines regagnaient leurs maisons à colonnades, tandis que des servantes, portant caracos de madras et chemises blanches, fermaient la marche.

    Elle avait d’abord aimé les fresques chamarrées de ces salons bourgeois du dix-neuvième siècle, qui suscitaient même une vague nostalgie chez elle. Puis, ce sentiment se transforma en irritation : ces « mondes parfaits » avaient un côté conventionnel, qui la gênaient. Elle aurait volontiers détourné les motifs du papier peint et conçu des panneaux pour chambre de garçon avec des scènes de la vie d’aujourd’hui. Pas les sujets naïfs habituels ou des scènes issues de dessins animés, elle s’imagina dessiner des papiers peints inattendus, à la manière de ces scènes de pendaison du KKK dessinées par Robert Gober. De loin, ce n’était que bluette, on s’approchait et on avait tout à coup le sang glacé.

    Elle aurait représenté des casses-autos, des carcasses de voitures, des engins de levage, des pièces détachées d’occasion, et, comme accrochés à des murs virtuels, des plans de véhicules à la Léonard de Vinci, mais cabossés, des schémas de leur forme après les accidents, croquis d’objets, non sous leur forme d’usage, mais dans leur devenir ultime, leur forme de mésusage en quelque sorte, comme un présage de ce qui ne peut manquer d’arriver. Dans cette Alsace de l’automobile triomphante, près du fief des Peugeot, elle aurait montré des cimetières de voitures, là où les autos finissent toujours, l’envers du décor.

    Ce n’aurait pas été chose facile, parce que, des maisons bleues à colombage aux usines au crépis rose, et même les hangars, tout avait l’air pimpant ici ; jusqu’aux casse-auto aux palissades repeintes de frais, que surplombaient, par-dessus les empilages d’autos, des grues au format XXL.

     

     

     

    De la réminiscence dans le lacis des circuits neuronaux non pratiqués depuis de longues années |

     

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    Dans la voiture, la tension montait. Elle la ressentait comme si elle lui avait été extérieure. Ses yeux avaient enregistré, avant son cerveau, les signes, qui allaient lui être utiles. Au moment où s’imposa cette décision d’aller y voir enfin, elle trouva les panneaux indicateurs : Hôpital Pasteur ; le nom lui revint, oui c’était ça, l’Hôpital Pasteur, les phonèmes lô-pi-tal-pas-teur lui étaient familiers, s’imposaient à elle, une mémoire linguale contre ses dents, une sensation physiologique d’enfance.  

    La voiture vira à droite, traversa une rue, longea ce qui ressemblait à une caserne. Puis un grand bâtiment des années trente lui apparut, l’hôpital était là à quelques centaines de mètres de son trajet habituel, elle passait d’ordinaire devant la gare, mais c’était derrière la gare que l’hôpital se cachait, dans un recoin de la ville, il fallait emprunter les faubourgs pour y accéder.

    Pas de flash, pas de souvenir, elle ne reconnut pas l’Hôpital. Apparemment, elle n’avait pas enregistré de vision d’ensemble des bâtiments. Est-ce parce qu’enfant elle baissait la tête quand elle marchait ? Est-ce qu’elle se cachait derrière son père pour ne pas voir ?

    Seul, le parking à ciel ouvert lui sembla familier, même si, elle le pensa, il avait été réaménagé. Dans sa mémoire, c’était à l’époque un simple terrain bitumé, sans portique d’entrée. Mais elle retrouva son étonnemet de petite fille devant la vaste taille du terre-plein. Contrairement à ce qu’on dit souvent, le revoir à l’âge adulte ne le rendait pas plus petit, il avait une taille industrielle qu’on trouvait généralement aux alentours d’une usine ou d’un hypermarché ; et ce qui l’avait frappé alors, comme aujourd’hui, c’était sa proximité avec l’hôpital. Une pensée d’enfant lui trotta dans la tête. Il doit donc y avoir beaucoup de malades pour qu’on ait besoin de tant de places pour les visiteurs.

    Elle se gara et entra dans l’Hôpital, un ensemble architectural en béton. Tout de suite, elle pensa à la Chapelle, un antre sombre aux vitraux bleu marine, d’un vert cru et rouge agaçant, dans lequel son père entraînait la famille pour aller prier. Elle se souvint qu’elle n’y priait pas, tout juste en aimait-elle la fraîcheur et l’obscurité, et sans doute le parfum d’encens qui dégageait ses narines de la persistante odeur d’éther.

    Ses pas la conduisaient sans que sa tête ne les guide. Parvenue devant la porte, - c’était bien la chapelle, elle n’avait pas changé de place -, elle retrouva la simplicité des murs de béton brut ; et aussitôt, les vitraux à composition cubiste vinrent se ficher en elle, comme s’ils rejoignaient une image familière, qui n’attendait qu’une réminiscence. Elle reconnut d’emblée l’œuvre des frères Ott, Jésus au chevet de la fille de Jaïre, représentation d’une scène de miracle, qui devait inspirer les familles venues chercher l’espoir d’une résurrection dans ce lieu de recueillement.

    En sortant, elle chercha l’entrée du pavillon des malades et ne put l’identifier. Elle hésita. Etait-ce au fond ? Peut-être à droite ? Ou non, tiens, à gauche? Puis, elle renonça. Les couloirs avaient sans doute été repeints, les chambres aussi. A quoi bon monter dans les étages, elle ne trouverait plus rien de connu. Alors, elle repartit, vaguement honteuse de ne pas insister.

    Et à cet instant, encore, quand j’écris ces lignes, alors que je sollicite le souvenir porte du service des traumatisés, quelque synapses se connectent, c’est quelque part caché dans mon réseau neuronal, mais rien de précis ne vient pour m’indiquer le coin où regarder. A l’instant, quand j’ai voulu écrire porte de gauche, c’est porte de droite, qui m’est venu sous les doigts. Comme si mes doigts comme mes pieds savaient mieux que ma tête.

    A l’entrée du bâtiment, elle s’arrêta chez le portier, un vieil homme, qui avait connu l’hôpital dans les années soixante-dix. Devant ses questions, il hocha la tête, oui, il y avait bien eu un service des traumatisés crâniens, pas de doute, le service du Professeur X. Le nom ne lui rappelait rien, elle aurait bien voulu, mais ce ne fut pas le cas.


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