• crédit photo anthropia # blog

     

     

     

     

     

    Le plus souvent, elle s’installe au bord du petit canal, celui à surface brillante, parfois il y faut le jet d’une pierre pour qu’il se trouble, elle aime cette entrée qui cogne, comme une porte au-dessus d’un escalier qu’on ouvre tout soudain pour se retrouver de plain-pied à la lumière, un jour cru ou malicieux, ou au bord de la pluie, un inondé de soleil, ou caché derrière les persiennes, et de trouver le pas qui franchit, emportant son propre regard écarquillé ou fermé, selon les jours, de noir désir ou d’estive en montagne, elle se sait arriver quelque part.

    Au dérangé d’un souffle, la risée quelquefois s'amorce ou va plus loin et s’emporte, léchant les piles de pierre, elle ne sait toujours dire tant elle se compte souvent dans les frimas du hameau, ces jours d’automne où elle franchit rapidement la courbe d’un pont sans même y jeter les yeux, mais quand elle prend le temps d’une reconnaissance en bonne et due forme, elle sourit elle aussi, le signe est si rare, celui qui semble attendre, qui a la présence des mélopées, si éloignées des ritournelles de salon, et parfois c’est une erreur, elle prend pour mouvement ce qui n’est que la conséquence appliquée d’un rebond sur le quai, et elle passe.

    Comme ça là aussi qu’elle prend sa part, à phrases entières,  le cours de la vie, les belles aventures, la légèreté, le peu de chose mais qui conduit à l’autre rivage.

    Et puis soudain, la tempête arrive et là dans son ciré, elle prend les vagues à elle seule données, son visage ruisselle, alors elle est sûre qu’elle préfère depuis toujours le grand vent aux petits détours, celui qui arrache à la terre, qui mène à l’enfantement d’un livre dans la transpiration d’un corps. Et dans le tremblement qui la saisit, elle écrit.

     

     


    votre commentaire
  • Philippe Parreno

    Anywhere, Anywhere

    Out of the World

    Palais de Tokyo

    crédit photo anthropia # blog

     

     

    plus d’azur dans la baie,

    pas d’émeraude aux arbres de fenêtre,

    seul l’orange de la poursuite hivernale

    pour rappeler que la nuit tombe

     

    et pourtant un halo de l’écho surplombe

    sont les cieux de l’abîme à portée,

    sont les vœux de la cime promis,

    virtuelle matérialité

     

    quand au soir le rêve a acquiescé,

    la certitude a envahi

    la bouche et ventre, les seins et l’antre,

    nulle quadrature pour craindre


    un chemin devant qui existe

    qu’il soit marché comme il vient

     

    ode à l’étrange d'une vie qui tient

    danse sereine à l'horizon

    l’en-soi des jours, qu’il me parvienne.






    votre commentaire
  • Remember

    crédit photo anthropia # blog

     





    Dans sa famille, ils disaient, elle n’aime pas les chats.

    Bettina ajoutait, elle est allergique, quelque chose qui allait à dire, un peu comme sa coqueluche, l’asthme pendant dix-huit mois, bébé, elle avait trouvé une bonne explication à la détestation des chats de la petite, à cette crainte qui la saisissait, à cette peur panique qu’elle avait quand elle apercevait un qui s’approchait d’elle, à cet effet de la peau qui recouvrait son bras de piques et de hallebardes à l’instant même où le mal venait frôler sa jambe.

    Mais pour elle, la raison était liée à cet événement dans l’enfance, quand elle avait vu un gros matou, un siamois marron et noir, qui avait sauté devant elle sur un moineau, ou était-ce un geai, enfin l’oiseau, il l’avait dévoré devant elle, alors depuis ce jour, elle détestait les chats. Et voilà comme elle avait dégommé la théorie officielle, sa frousse des chats, pas une allergie, une histoire, et leurs discours, elle n’aime pas les chats, passaient mieux, même si les mots la tarabustaient.

    Heureusement, il n’y avait pas de chats à la maison, juste un chien tout noir, qui savait traverser la rue au passage piéton, preuve de sa grande intelligence, et accessoirement qui n’aimait que les autres mâles, il était homosexuel au grand dam de Bettina. Mais on n’y faisait pas trop attention, juste un sujet de curiosité avec ses frères.

    Beaucoup plus tard, elle eût un chat donné par un homme, qu’elle avait nommé Cachou, elle avait même écrit une comptine, comme ça qu’elle se souvient de son nom, et celui-là s’était perdu à la Testardière, et quand elle y pense, elle associe le mot « puits », l’avait-on prononcé devant elle le nom ou raconté qu’on l’avait retrouvé noyé au fond, ou l’avait-elle vu, mort, lors de ce week-end dont elle était revenue sans son chat noir, se sentant trop bête d’avoir laissé mourir l’à peine âgé de quatre ou cinq mois, une culpabilité, comme si elle avait rendu à cette pauvre chose ce que l’autre avait fait à l’oiseau, une vengeance ou quelque chose comme ça.

    Et puis pendant quinze ou vingt ans, on n’y avait plus repensé, que des paroles parfois apportées sur la table d’un salon où l’on venait causer. Jusqu’au jour où elle avait décrété qu’elle ne l’était plus, allergique.

    Alors comme par magie une demande de chat avait été formulée par le petit. Elle avait acquiescé et un matou était arrivé dans un camion en provenance directe de l’Aveyron, où elle passait toutes les vacances de l’année, qu’on avait croisé pas encore sevré et qu’on s’était fait envoyer deux mois plus tard. C’était le grand test. Il sortit du carton et tout de suite chanta. C’était tellement flagrant que son nom aussitôt se plaqua sur lui, c’était Pavarotti. Il chantait assez doucement la plupart du temps jusqu’à ces jours du mois où son chant se faisait plus pressant, et on entendait dans la cour des feulements dans le soir. Jusqu’à cette fois où il s’échappa. End of Pavarotti dans leur vie.

    Une vague inquiétude vint la chatouiller, le sort s’acharnait sur sa capacité de lien avec un chat, presque aussitôt, ils retentèrent l’opération, ce sera la petite femelle, Arsenic, noire elle aussi, mais pas bien sevrée, sa mère vint la chercher deux jours après ses premiers pas dans l’appartement, le chaton n’aura pas fait de vieilles dentelles chez eux.

    C’est alors que l’homme apporta la troisième et dernière, une petite métis, que par peur ils s’empressèrent de nommer Next, une dénomination qui disait le doute, « au suivant », on n’y croit pas, mais on la nomme comme une apparition, dont on sait qu’elle est provisoire, la décontraction en anglais rajoutait encore de la distance à ce sentiment de crainte. Et celle-là est restée comme par hasard, décidant que c’est bien chez eux, le gîte, le couvert, elle s’assied sur les bras des fauteuils pour se mettre à niveau de la conversation, ça n’empêche pas quelques fugues, mais elle est toujours revenue.

    Et celle-là, elle l’aima, comme une rencontre, ce n’était pas le chat de tous les chats, c’est elle, Next, quelqu’une de spéciale, elle peut même mettre sa tête sur sa fourrure, sans avoir de rougeurs, elle la caresse, elle est à elle, elle n’est plus allergique, si bien qu’elle pense qu’elle ne l’a jamais été. Juste ce sentiment parfois désagréable, ce souvenir, qu’elle n’aime pas mais vraiment pas, s’être sentie vulnérable, fragile, que dans ces moments où elle avait été diagnostiquée « incapable de rien avec un chat », elle n’aimait pas qu’on la voie dans cette faiblesse, de l’amour-propre sans doute, mais aussi une sorte de terreur de ne plus pouvoir en sortir, un peu comme cet asthme qui la secouait enfant, de ces quintes de toux qu’elle craignait de ne jamais pouvoir traverser, où elle savait que Bettina n’avait pas assez de bras pour l’accompagner, et la simple perspective lui faisait préférer quitter le goût du chat plutôt que d’accepter cette crainte de la chair de poule qu’elle ne savait maîtriser.

    Et encore aujourd’hui, ça lui fait ça, juste qu’elle le voit et qu’elle se prend dans les bras pour se consoler de l’asthme et puis de la mort de l’oiseau.





    votre commentaire
  • The Writer

    What do you believe your eyes or my words

    Philippe Parreno

    Anywhere, Anywhere,

    Out of the World

    Palais de Tokyo

    crédit photo anthropia # blog

     

     

     

     

     

    Florence a toujours signifié pour moi la marche dans la ville, la splendeur du Musée des Offices, ces ballades sur les ponts, nous y déambulions des heures, faisant chaque jour la route depuis cette maison de Toscane au toit à quatre pans qu’on nous avait prêtée, une grande abandonnée, un château de famille, à peine meublé, aux murs brossés des couleurs élémentaires et, dans un cagibi, trois affiches, des splendeurs, à-plats de bleu, de rouge, de beige, elles représentaient une radio pour l’une, année cinquante, et deux autres sujets que j’ai oubliés, la première je m’en souviens je l’ai volée, ai fini par obtenir l’autorisation de mon larcin en en faisant la confession à notre hôte. Et quel hôte. Un sénateur communiste mais du communisme à gousset, à gilet, élégant, Georgio, gardons la confidentialité de son nom, rencontré à un colloque que mon institution organisait à Rome, nous avions sympathisé et il m’avait proposé d’échanger nos appartements, nous, notre coloc à trois de la rue Oberkampf, et lui, sa demeure patricienne, on gagnait au change, on se retrouvait  à deux le soir, amoureux, dans le jardin aux sculptures à contempler les ifs, notre voyage en Italie, si désolée de ne pouvoir le peindre avec ses perspectives, ce paysage florentin.

    Trois années à découvrir les belles au détour de missions où il m’invitait, la Sardaigne, toujours mon sénateur, et puis cet événement romain, où nous avions fait plus ample connaissance, -en tout bien tout honneur, le sénateur avait une de ces femmes sympathiques qu’on aime à première vue et à qui on ne voudrait jamais jouer un mauvais tour-, et souvenir à Rome d’une invitation du Maire dans la grande galerie du Palazzo Massimo, un gala, on mangeait à cinquante dans l’étage aux peintures, la poutargue face au Caravaggio, ou quelque chose comme ça, et comment ça changeait le goût des mets les couleurs sombres et carmin, les compositions viriles, un dialogue, j’ai mangé ce soir-là des siècles d’art, tenté de retrouver sur le net ces images lointaines, mais on n’en dit plus rien, ont-elles déménagé, ces œuvres, trouvé que ces images sur les mosaïques et les sculptures, et là aussi ça me parle. La déesse Minerve, Le boxeur du Quirinal, assis épuisé au sortir d’un match, K.O., presque bossu et le nez épaté, comme on dit, un gladiateur qui a perdu, visage crispé qui détourne la tête, fixant derrière lui un point d’incertitude, sa solitude, on l’a aimé pour ça, pas voulu se perdre dans le pugilat insensé du public qui se presse parce qu’un autre est devant,  et ces fresques de vert tendre du Porto di San Paolo, la barque comme d’un Dante avant que Delacroix, de la transmission des sèmes, vivifiants, les poissons, les dauphins, on voudrait les avoir nommés de céladon, mais la couleur en est réservée à la Chine, perte des repères, peintures murales et mosaïques polychromes, on se remémore ces scènes très vives de la Villa de la Farnesina, et puis les Nymphéas de la Villa di Livia, ces oiseaux bleus, ces pommiers tentateurs, l’univers de douceur qui réchauffe le cœur.

    Voilà cette Italie qui poursuit sa conversation, inconstante maîtresse me laissant de côté, elle à moi donnée comme un solo de liberté, s’offre, apporte ses présents, et puis s’efface en mémoire comme un glas qui sonne, de Venise ces années-là il n’y aura pas, juste l’art et le bain de jouvence du Latium, mais le lien est en moi, inarrachable.

     

     

     

     

     

     


     

     


    votre commentaire
  • The Writer

    Philippe Parreno

    Anywhere, Anywhere

    Out of the World

    Palais de Tokyo

    crédit photo anthropia # blog

     

     





    A l'à-pic de vos yeux, l'anneau vous apparaît, agrégé à la perle, de nuptialité pas, il vient frémir de clarté blanche et s'accroche à la sphère, une aréole, ce satellite qui orne le globe de chair grège, est-ce de Titan la pointe, les fins fonds, les atteindre, dans le premier cadre vous auriez pu être à Cap Canaveral ou sur la sonde Cassini-Huygens, l'initiateur et l'inspirée à jamais associés, mais vous préférez les pierres sous vos pieds, ça y est, vous, arrivée, vous contemplez Saturne, le grand ballon gonflé d’hydrogène et d’hélium, dans le voyage de ce regard l’oblate sphéroïde, vous auriez compté jusqu’à six à partir du soleil, mais c'est au crépuscule, cette soirée sur le Causse, où tu vois par-dessus les collines par-delà les forêts, au profilé de l'ombre sur bleu le dernier signe de lune, ce quartier pour finir, et par l'étrange lucarne à ton œil emboîtée, tu le distingues, enthousiaste, et ne sais retenir le cri de "je le vois", l'anneau est là, le blues qui danse et frissonne autour de l'astre, le mot est désuet, quittez vos certitudes, l'était jadis étoile dans le doigt pointé de ton ancêtre, c'était dans l'herbe le dos au froid couché, il te faisait rêver le texte pour tourner, qui mettait en mouvement l'ourse et puis la polaire, ce que le poète ignorait, il n'est qu'une planète au jonc serti de glace et de poussière, mais rêve en vous toujours la matière de prose qui mène à Cérigo, les bandes parallèles, ça monde, ça multiplie, le pixel est système qui comble, on veut le lire, on veut profond, on veut le savoir éternel dans le tâtonnement du savant et il tâte, le servant, le provocateur, il s'aventure au-delà du paisible, il titille, il subodore, il hypothèse, il transgresse, corrompt les mathématiques, il n'a pas de respect pour l'ombre du rêveur, il enchâsse les théories et malaxe les terres lointaines, les savants font ça aux divinités, ils les abreuvent de certitudes provisoires, le tout qu’ils savent jusqu'à la prochaine fois, et les sphères d'accourir, demi-cercles en dunes, sur un écran on offre la représentation, l'intersection se fait noire, puis d'un ovale à la peau granuleuse, on part vers le trait, l'arc éclairé de sa face polie, et le public applaudit, oui, oui, la forme est grise comme une ogive, et le bleu et l’orange et ce choc d’une comète, comment croit le témoin à la loupe compte-fil, est-ce une réalité ce point imaginaire qui vise loin pour la cible, est-ce recomposé, big data à fiction, la bite certitude, zéro un zéro un, quel est le flash et quel est l'appareil, quelle est l’installation, la numérique surface est-elle une chimère, mais vous dans l'oculaire, c'est l'optique qui vous meut, vous partie en nuage dans le char argenté, et vous y croyez à ce que vous voyez, ça frise dans le cobalt, cet instant de réel arraché au grand ciel, nulle toile ne vous l'accorde, les cascades en dia, ça défile, ça descend, c'est tentant, mais dans l'ordre des choses, vous préférez toujours ce quoi d'obturateur, grand ouvert, si s'arrête un jour, comment lui sans l’itinéraire, le fond est aux confins qu'on n'aperçoit pas, qu'on devine, qu’un neutre de surface ne saurait pratiquer, et on se glisse dans la fusée, on l'imagine, on vise d'abord la lune, ça bute très vite, qu'une gaze la fusée, elle fait vrille et s’affaisse en fumée, et dit qu’elle parcourt le million cinq cent mille kilomètres, mais elle s'arrête là, c'est son passager qui repart de l'escale, va se mettre en orbite, grande loge de l'opéra, c'est si loin l’apparence, ça trompe et ne convainc, mais là l'apparition ça compte pour toutes les pommes, le grand angle, les lentilles, les optiques raisonnées, on aime le protocole, live, pas des orages à sensations ou des vortex d'artifice, en direct de là-bas, le net-plan, le déroulé qui passe dans la durée du ventre, un guerrier qui accourt, qui pointe et qui délivre, sans peur que bât ne blesse, bouche rouge approchée, de l’oculaire l’oculaire en retour, le chant des bulles comme des mots éphémères imprimés sur neurones, en aparté les doutes et les secrets, on a perdu l'image, on balaie et puis retour au zoom, la mise en transparence, enfin elle appartient, la confiance dans la mire, la petite étincelle, ça surprend, ça miroite, l’accoutumance à peau, le bleuté opiniâtre, on se demande d’où viennent les veines du corps de cette galaxie, les reflets en gros plan, qui éclaire ?, dans la nuit comment les aspérités, il faut l’heure du soleil pour le révéler, le tremblement dans la pupille, la marque blanche dans celle que contemple, sans médiation sans ambition autre que le voir, l’être pur, la configuration d’un hasard créé il y a longtemps, pas un en voie de mort qui brille aux derniers feux, un qui perdure et fier s’impose dans les siècles, une légende, et comment ça ferait si jamais plus l’explorateur, on voudrait le macroscope, sous la mécanique le moteur, de sa géographie les profondeurs, dans sa sédimentation les strates élémentaires, à sa scintigraphie aux rayons l'organe et son commencement, reconstruction du spectre, son histoire, ses cyclones, Saturne, je te vois, et toi me vois-tu, suis-je pour toi comme toi pour moi le plus extrême de l’extrême, le plus ancien de l’ancien, le plus étrange de l’étrange, sommes-nous l’un à l’autre la fin et l’origine, la quadrature du cercle, les quatre saisons en enfer, la symphonie des mondes échappés, mais que projette le dire de ses fors intérieurs, l’irruption d’un volcan, une lave en effusion qui trace les lignes de fuite, que glèbe sur la terre et plus là-haut que gaz, dans ces masses y sent-on le froid ou le chaud, et à quelle source se désaltère-t-on quand il n'y a pas d'eau, te souviens-tu dans ces marches au désert des oasis qu'on n'atteint, la fièvre dans les yeux, les pieds qui s'enfoncent à vouloir avancer, dans le sable tu cherches, mais quoi, l’apnée guette le manque de souffle quant au pied du mont tu pries, un psaume, un prophète, la syntaxe de l’espérance n’espère pas, à trébucher quand la phrase va trop tard, recule-toi, fais un pas, aborde le rivage, ce phare est-il pour toi, tu n’en es ni l’arpenteur, ni le calculateur, un passant peut-être, et si le grand sillage n’était que mirage, qu’impermanence et invention, alors bug sur la page, code 404, message d'erreur.



    Merci aux sites qui ont inspiré ce texte :

    Les photos de Gordan Ugarkovic sur flilckr

    Le texte sur le tiers livre

    Et sur Wikipedia


    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires