• Hannah Arendt

    Film de Margareth von Trotta

    (tous droits réservés)

     

     

     

    Dense, très dense ce film, qui fait de la vie des idées son thème principal. Le pitch est simple, Hannah Arendt demande au New Yorker la possibilité de couvrir le procès Eichmann qui donnera son livre "Eichmann à Jérusalem".

    Margarethe von Trotta plante le décor. La vie d’Hannah Arendt se passe parmi les migrants allemands réunis à New York, son époux ( qu’elle épousa, pour mémoire, en France à la Mairie du XVème), son ami Hans Jonas, rencontré sur les bancs d’université quand elle suivait les cours d’Heidegger, et Mary McCarthy comme indéfectible amie américaine. Elle nous la montre vivant sa vie d’enseignante passionnée, reconnaissante envers l'Amérique, qui a représenté pour elle « le paradis », quand elle a fui l’Europe, après s’être échappée du camp de Gurs.

    Très belles images d’une femme debout qui ose aller en Israël pour se confronter à un important organisateur de la solution finale. Le mal incarné donc. Et sur place dans cette salle de procès, dans cette salle de presse, elle écoute, elle regarde et se forge peu à peu une autre opinion que celle du commun prêt à diaboliser le nazi. Elle voit en lui un petit fonctionnaire, qui obéit aux ordres, qui se préoccupe seulement de la faisabilité technique des décisions qu’il prend.

    C’est à partir de ses observations et des longues relectures des pièces du procès, qu’elle crée le concept de « banalité du mal ». En même temps, elle en retire aussi des constats sévères sur certains responsables de communautés juives, et elle l’écrit au risque de se fâcher avec ses amis, au risque d’apparaître comme une juive renégate. Elle dit d’ailleurs qu’elle n’a pas d’amour pour les peuples, mais pour ses amis. Elle connaîtra une longue brouille avec Hans Jonas suite à cette histoire.

    Apparaissent fugitives des premières fois de sa jeunesse, sa présentation à  Heidegger, sa première fois comme amante du philosophe, et son entrevue avec lui quand elle lui demande des comptes de son attitude durant la guerre.

    Ce que j’en retiens, son très beau discours devant l’amphi rempli d’étudiants et d’opposants à ses thèses, où elle redit que signifier l’attitude d’Eichmann «dans sa banalité », c’est faire émerger la figure d’une autre forme du mal, celui qui abdique la pensée, la réflexion sur le sens de ce qu’on fait ; cette « banalité » n’en banalise donc pas la gravité, car elle est une des pires abdications, puisque renoncement à sa propre humanité qui aura pour conséquence la mort de millions de juifs.

    Un bémol toutefois, les dernières recherches historiques ont montré que l’avis d’Hannah Arendt sur la responsabilité des chefs de communautés juives était sans doute mal fondé.

    Allez voir ce film « juste » et très abouti dans sa forme, qui montre la pensée en action, comme acte solitaire, qui demande courage.



     

     


     

     



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  • crédit photo anthropia # blog

     

    La femme aux cinq éléphants

    documentaire

     

    Les cinq éléphants de cette femme sont les volumineux romans de Dostoïevski qu’elle a traduits. Si comme moi vous n’aviez pas vu ce documentaire à sa sortie en 2009, il n’est pas trop tard (Studio Raspail).

    Il est un hommage rendu au travail des traducteurs, à l’amour des mots qui vient enrichir sa vision du monde, son analyse du possessif en russe et comment il transforme l’objet est un des bijoux du film.

    Tendresse de l’auteur, Vadim Jendreyko, pour cette femme de plus de quatre-vingt ans plus vivante qu’une jeune fille et que son destin a sorti de son Ukraine natale pour la jeter dans une Allemagne en pleine débâcle russe, il tresse un récit à l’élégant montage entre présent familial, fait de tendresse et d’épreuves, et passé complexe d’une jeune fille, dont le père a subi les procès et purges staliniens et qui en est mort sous ses yeux, n’ayant dit qu’une fois la terrible réalité. Mais elle l’a oubliée.

    Les zones d’ombre apparaissent, elle a collaboré à dix-huit ans avec les Allemands comme interprète, et pourtant c’est précisément cette proximité avec un officier de la Wehrmacht, qui la sauvera elle et sa mère lors de son arrivée en Allemagne, au prix du démantèlement d'un réseau anti-nazi qui leur a procuré un passeport. Universitaire, traductrice, elle a osé se lancer dans la traduction de l’auteur russe à 65 ans, car comme elle le dit « on ne traduit pas ça impunément ».

     

    Pour voir la bande-annonce ici


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  • Affiche du film Inception

    Le dernier film de Christopher Nolan

     

    Inventer une nouvelle forme d’espionnage industriel, l’espionnage par extraction de données du cerveau, c’est ce que vient d’expérimenter Christopher Nolan, dans son dernier film, Inception.

    Quelque chose au-delà de Matrix ou Minority Report, un film sur des architectes de rêves qui créent des univers oniriques susceptibles de plonger des magnas du capital dans leurs propres projections subconscientes ou inconscientes et leur extraire des  données confidentielles.

    L’équipe menée par Léonardo di Caprio, Cobb, est chargée par un ponte japonais de réaliser une nouvelle mission : « incepter » (néologisme), c'est-à-dire introduire une idée dans la psychologie des profondeurs du fils d’un riche industriel  qui vient de mourir, lui insuffler l’idée de démanteler le groupe dont il vient d’hériter.

    Pour cela, il faut construire des mondes virtuels, des labyrinthes mentaux, des rêves emboités dans des rêves eux-mêmes emboités dans des rêves qui vont amener le sujet de la manipulation à douter de ses certitudes et le convaincre de changer de vie.

    Cobb ne s’est pas sorti indemne de ses explorations oniriques antérieures, les rêves sont pleins de ses propres projections et/ou souvenirs, un remord le hante ;  une jeune inventeuse de labyrinthes  recrutée pour créer les cadres des rêves s’en est aperçue et le surveille.

    Voilà pour le début d’un film dont le scénario, le montage, les images, la structure, sont proprement captivants. Le film le plus étonnant de ces dernières années, tant dans l’imagination dont il fait preuve que dans la réussite de sa réalisation et sa conception hallucinée.

    Paradoxalement, cette affaire d'espionnage se transforme peu à peu en parcours initiatique, tant pour le héros aventurier que pour sa proie, nous faisant perdre à nous aussi les repères entre rêve et réalité.

    A voir absolument.

     

     

     

     

     


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  • Mrzyk et Moriceau

    Mars

    Galerie Air de Paris

     

    A voir ce soir sans faute Le Rapport Karski de Lanzmann

    sur Arte à 22H05.

    Sur France 2, le Jeu de la Mort juste avant.

    L'embarras du choix.


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  •  

    Crédit Photo Anthropia

     

     

    En écho au débat opposant Lanzmann à Haenel,

    pour comprendre si la partie fictionnée

    du dernier livre de Yannick Haenel,

    Jan Karski, tient la route,

    narrant un Roosevelt reluquant les jambes de sa secrétaire,

    au moment où Karski lui confie

    les malheurs des juifs du Ghetto de Varsovie.

     

    Voici quelques phrases tirées d'une conversation

    avec une amie américaine.

     

    Un juge de la Cour suprême des Etats-Unis,

    contemporain de Roosevelt et d'origine juive,

    Félix Frankfurter, avouera quelques années plus tard

    qu'il ne pouvait croire à la solution finale,

    tant ce qu'on lui décrivait lui semblait exagéré.

     

    Et juste pour que Roosevelt ne passe pas à la postérité comme antisémite,

    aux States, à l'époque, on l'aurait plutôt traité de juif,

    on appelait son New Deal, the "Jew Deal",

    pour décrire la composition de son cabinet.

     

     


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